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Martine au bridge (Les pyrosis d'Emilio Campari)

 Sa plume trempée dans l'éthanol n'épargne personne et n'engage que lui

de notre correspondant spécial rivé au service public, Emilio Campari, le 20 Mars 2010,


Cette semaine : Martine au bridge


       Le bulletin de santé du P.S. affiche une telle santé que l'on serait tenté de proposer à la commission épiscopale des miracles cette observation de résurrection alors que tous s'accordaient pour administrer les derniers sacrements à cette institution moribonde. À croire qu'ils nous auraient joué la comédie, ces vieux gamins de la rue Solférino. Mais n'y aurait-il pas quelque danger à contrefaire le mort ? Hâtons-nous de nous réjouir, car ce genre d'embellie de l'avis de la faculté précède ordinairement de peu le décès. Surtout que les constantes vitales ont été, nous l'affirmons, mal interprétées. Je pose mon huit et je retiens deux : examinons l'état de l'électorat : pas folichon, 53,65 % des 43 642 325 électeurs potentiels ont gardé la chambre. Reste 46,35% du personnel valide, soit 20 219 958. On croirait lire les statistiques de l'éducation nationale. Dont 3,68 % a voté blanc ou nul, presque autant que pour le MODEM : 700.000 laissés pour compte, pendant que 26,3% des votants ont choisi les listes UMP et 29,5% celles du P.S.

        L'ensemble des journalistes spécialisés non seulement est à la botte des politiques mais affligé d'une acalculie chronique majeure. Continuer à faire des courbettes, à recevoir avec déférence, des personnages qui se pavanent parce qu'ils ont réussi a réunir les uns 15% de l'électorat - une personne sur sept -, les autres 13% - une personne sur huit, n'a d'équivalent en matière de flagornerie que le cérémonial sacrifiant sur les autels du roman photo qui bouge et de la chansonnette pour T.D.C.D (Temps De Cerveau Disponible, que cela soit dit une fois pour toute). Cinq millions de votants, c'est moins d'un français sur douze. Et l'on se rengorge ! Nos pauvres élus ont été contaminés par le spectacle des jeux télévisés, dont les participants effectuent des triples saltos arrière en hurlant au risque de se rompre le cou ou les cordes vocales dès qu'ils ont gagné cinquante euros.

       Un mot pour l'exultant Jean Marie : 11,42 % des suffrages font 2 223 760 voix ; soit un français sur trente. Pensez à votre salle de classe : sur vos trente congénères il y avait statistiquement un votant pour le F.N. Dans la rue vous croisez probablement un vieillard haineux ou hideux de temps en temps. Grand danger pour la démocratie. Il est vrai que comparé à une population dont la moitié, convaincue d'être la victime de l'autre, non seulement ne fait rien, ne pense rien, ne donne rien, estimant qu'elle a tout a recevoir, et ne souhaitant que consommer, ne se déplace même pas tant l'effort d'introduction d'une bulletin dans une urne leur paraît surhumain... Les politicâtres s'inquiètent d'un bouton sur le nez et ne voient pas que la démocratie est défunctée depuis longtemps dans l'hexagone.

     La grande nouveauté dans cette mise en scène calamiteuse ? Le changement de registre lexical. Après avoir comparé, depuis des lustres, l'exercice politique à une activité d'école primaire ( par le truchement d'un riche vocabulaire : revoir sa copie, demain c'est la rentrée, et autres métaphores pesantes qui me ramènent au temps où sous les préaux de l'école républicaine mes condisciples s'entraînaient à s'étriper librement, égalitairement et fraternellement ), puis à cet admirable modèle de réussite fondée sur la tricherie, l'usage de substances illicites et l'ivresse du discours tautologique, le sport ( transformer l'essai, le match de régionales, les deux candidats au coude à coude... ), madame Aubry s'est mise à fréquenter les clubs de bridge, d'où la référence à ce jeu très populaire, parangon de l'art de perdre son temps d'une manière résolument inutile relativement à la collectivité. J'annonce grand Chelem ! J'ai quelques atouts dans la Manche ! C'est de son âge, et une fois les trente cinq laborieuses hebdomadaires passées, même en comptant le temps de sommeil moyen (quarante-neuf heures en moyenne) et celui passé devant le petit écran (vingt huit heures), il reste une fois les courses et le ménage résolus ( quatorze heures) (24 x 7) - (7+4+2) x 7 = soixante dix sept heures à tuer. La règle étant de ne rien faire pendant ce temps qui puisse sinon ne pas nuire à son prochain, du moins lui profiter. Le plus admirable ? Le renoncement, digne de Coriolan, de Martine à son contrat annoncé : non nous ne ferons pas Grand Chelem puisque Georges Frèche, le patron jubilant de la plus pauvre région de France, a fait le plein de voix - le parti des alcooliques s'est trouvé hérault à son pied et ne compte pas en changer de sitôt.