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Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco 17 H 09/09/09 Conférence Benoit Kullmann : Fiat Lux : de la musique des sphères aux couleurs de l'arc-en-ciel Dusseldorf 09/09/09 Conférence Pierre Lemarquis : Lux Fiat : Et la lumière fut: "J.S.Bach, du cerveau bien tempéré à la théorie du chaos : cerveau, musique et mathématiques Dusseldorf 19/09/09 Conférence Benoit Kullmann : Magritte et la mémoire 08/10/09 Conférence Benoit Kullmann : l'image, entre virtuel et actuel C.U.M 21 H 26/11/09 Conférence Benoit Kullmann : L'esprit faux : du cerveau des facultés au cerveau des catégories 01/12/09 Conférence Michel Borg : Parkinson et dépression 01/12/09 Conférence Benoit Kullmann : l'art et le prosélytisme de la dépression 03/12/09 Conférence Jean-Luc Delut : Bach III ; rhétorique de la musique 05/12/09 Conférence Philippe Barrès : le What et le Where 05/12/09 Conférence Sandrine Louchart de la Chapelle : mémoires et émotions : « Une nouvelle dimension de la mémoire humaine » 08/12/09 Conférence Benoit Kullmann : douleur et théorie de l'esprit 09/12/09 Conférence Bruno Lussiez : anatomie de la crucifixion (association ARD, invitation du Dr Haiel Alchaar, fondateur) 09/12/09 Conférence Benoit Kullmann : de la poétique à la politique de la douleur (association ARD, invitation du Dr Haiel Alchaar, fondateur) xx/12/09 Conférence Benoit Kullmann : le cerveau est-il une machine ? 16/01/10 Conférence Benoit Kullmann : le regard et l'image mentale 27/02/10 Conférence Pierre Lemarquis : Sérénade pour un cerveau musicien : plasticité neuronale 27/02/10 Conférence Benoit Kullmann : L'esprit faux : un cerveau en matière plastique ? 06/03/10 Conférence Benoit Kullmann : la construction du cerveau, I : de la Vanité à la Prétention, Ajaccio, Corse 25/03/10 Conférence Benoit Kullmann : les démences de type Alzheimer : actualisation des concepts, actualité thérapeutique 10-17/04/10 Conférence Benoit Kullmann : le concept de maladie neurodégénératives : nouvelles perspectives Montréal 10-17/04/10 Conférence Benoit Kullmann : un neurologue en visite au musée de Montréal 24/04/10 Conférence Pierre Lemarquis : Sérénade pour un cerveau musicien, Nice 24/04/10 Conférence Philippe Barrès : Alzheimer et musique Nice 24/04/10 Conférence Michel Borg , D. Bellevy : maladie de Parkinson, voix et chant Nice 24/04/10 Conférence Jean-Luc Delut : psychanalyse de la musique Nice 24/04/10 Conférence Dominique Pringuet : Blues et dépression Nice 24/04/10 Conférence Benoit Kullmann : Les dysprosodies, Nice 5/06/10 Conférence Benoit Kullmann : (ombres au tableau) I renaissance et seconde mort de l'ombre II la naissance de la peinture Séville III contours : le regard en action 18/06/10 Conférence Benoit Kullmann : un fantôme dans le Tableau Neurologique Nîmes 29/06/10 Conférence Benoit Kullmann : les démences de type Alzheimer, Nice 5.07.2010 Conférence Benoit Kullmann : la maladie d'Alzheimer : du mythe à la mystification, Nice 09/09/10 Conférence Pierre Lemarquis : Sérénade pour un cerveau musicien, Mouans Sartoux 11/09/10 Conférence Benoit Kullmann : Le concept de maladie dégénérative (short version) Saint Paul 2.10.2010 Conférence Benoit Kullmann : un cauchemar cognitiviste, Nice 9.11.2010 Conférence Benoit Kullmann : actualité du problème XXX du pseudo-Aristote, Cannes 16.11.2010 Conférence Benoit Kullmann : le concept de maladie neuro-dégénérative (version longue), Nice 9.12.2010 Conférence Benoit Kullmann : l'attention, au delà du symptôme, Paris 13.01.2011 Conférence Benoit Kullmann : Les complications neurologiques du diabète Nice 15.01.2011 Conférence Philippe Barrès: Croyance et Savoir Nice 15.01.2011 Conférence Michel Benoît: Croyance et Suicide Nice 15.01.2011 Conférence Michel Borg : Vrai et Faux mouvements anormaux chez les personnes célèbres Nice 15.01.2011 Conférence Dominique Pringuey : Croyance et Délire Nice 15.01.2011 Conférence Saïd Bensakel: Croyances au cinéma : Diables et Démons Nice 15.01.2011 Conférence Benoit Kullmann : L'incrédulité Nice 28.01.2011 Conférence Philippe Barrès : Troubles précoces du Langage et de la communication Marseille 28.01.2011 Conférence Pierre Bonhomme : Que reste-t-il du syndrome psycho-organique de Bleuler ? Marseille 29.01.2011 Conférence Benoit Kullmann : Préhistoire de la démence Marseille .2011 Conférence Benoit Kullmann : Hommes au bord de la crise de nerf facial Nice 17.II.2011 Conférence Benoit Kullmann : Le concept de maladie dégénérative (very short version) Nice 19.II.2011 Conférence Pierre Lemarquis : aimer Jeff Koons est-il un signe de Maladie d’Alzheimer ? La Celle Conférence Le cerveau des Jésuites revisité I et II Fascination et Sidération La Celle le 19.II.2011 Conférence Le concept de maladie dégénérative (long version) Monaco le 23.III.2011 Conférence Sexe, Grogs and Bacchanal's Bordeaux le 26.III.2011 Conférence Synesthésies Nice le 5.IV.2011 Conférence Le concept de maladie dégénérative (very short version) Nice le 14.IV.2011 Nice Conférence Crise, lorsque les corps, la nature et les sociétés se répondent Nice le 15.IV.2011 Nice Conférence La part du rêve le 7.V.2011 Nice Conférence Jean-Martin Charcot and Paul Richer: Building a bridge between neurology and art. Copenhague le 14.V.2011 Conférence La neurothéologie : comment les neurosciences ont-elles accommodé la théologie le 21.V.2011 Conférence Le cerveau des philosophes : l'École d'Athènes le 23.V.2011 Conférence Expressions de la douleur le 22.VI.2011 Nice Conférence Renoir et la polyarthrite le 25.VI.2011 Cagnes sur mer Conférence Tchaïkowsky : variations sur le thème de l'âme slave le 10.VIII.2011 Santa Reparata, Corse Conférence Approche phénoménologique et anthropologique de la fibromyalgie le 18.IX.2011 Nice Conférence Jean-Martin Charcot and Paul Richer: Building a bridge between neurology and art. Budapest le 24.IX.2011 Conférence Peindre l'altération de la familiarité le 1.X.2011 Monaco (podcast youtube) Conférence Vingt neuf ans après le 1.X.2011 Mougins Conférence consignes d'approche de la méthode phénoménologique le 6.X.2011 Nice Conférence Des passions aux émotions le 7.X.2011 Bordeaux Conférence L'hystérie, fin XIXe siècle le 8.X.2011 Cannes Conférence Lost in Temptations (À la recherche des Tentations perdues de Saint Antoine) Amsterdam, le 22.X.2011 Communication Contribution de Raphaël à l'iconographie épileptologique le 12.XI.2011 Bordeaux Conférence La douleur sur le champ de bataille (Charles Bell, de la douleur au douloureux) 17.XI.2011 Congrès Franco-Maghrébin Nice Conférence Magritte, un peintre neurologique 18.XI.2011 San Remo Conférence Des passions aux émotions : le point de vue du peintre et celui du musicien 19.XI.2011 San Remo Conférence Fibromyalgie le 25.XI.2011 Nice Conférence Fatigue (la naturalisation de la fatigue) le 3.XII.2011 Strasbourg Conférence Narcisse, Echo et le mythe des neurones miroirs le 16.XII.2011 Nice Mamac Cercle Castellion Conférence Neurosciences et liberté le 13.I.2012 Café Philo La Colle sur Loup Conférence Le souffroir le 26.I.2012 Nice D.U. Phénoménologie Conférence Conscience et hallucination (Les hallucinations dans la maladie d'Alzheimer) le 27.I.2012 Congrès du G.R.A.L Marseille Conférence la Volonté, une faculté sans domicile fixe le 4.II.2012 Nice XIVe Journée Neuro-Psychiatrique Conférence L'arc-en-ciel nationaliste Abbaye de la Celle le 18.II.2012 Conférence La douleur et la mémoire Nice le 23.II.2012 Association A.R.D. Conférence Illustration de quelques pathologies neurologiques dans la peinture Majorque le 25.III.2012 Conférence D'une Leçon à l'autre, une théorie de l'imitation fin XIXe Nice le 5.IV.2012 Journées Nationales de Neurologie de Langue Française Conférence Le rêve Nice le 6.IV.2012 Cannes, Université inter-âges Conférence Edgar Poe, la philosophie de l'ameublement le 14.IV.2012 Monaco Conférence Actualité sur les syndromes parkinsoniens 3.V.2012 Nice Conférence le 12.V.2012, Les noces arrangées du génie et de la folie Saint-Tropez Conférence le 13.V.2012, Enquête sur Edgar Poe : travaux pratique sur les liens du génie et de la folie Saint-Tropez Conférence le 22.VI.2012, Le danger Porto Fino Communication le 6.VII.2012 ambigüité de l'expression faciale ; à propos d'une oeuvre de James Ensor Conférence le 7.VIII.2012 De la musique des sphères aux couleurs de l'arc-en-ciel Festival Musica Classica, Santa Reparata di Balagna Conférence le 29.IX.2012 Les disconnections expérimentales Maison du séminaire, Nice Conférence le 23.X.2012 Art et Parkinson : Beckett, Giacometti, l'immobilité, Nice Conférence le 15.XI.2012 Le souffroir Société de Phénoménologie Clinique et de Daseinsanalyse de Nice Conférence Better no brain than bad brain Conférence le 1.XII.2012, Magritte et la sémiotique : un peintre neurologique Nice Conférence le 16.II.2013 Mélomanie de Nietzsche Abbaye de la Celle, Nice Conférence le vendredi 12 Avril 2013 Les maladies de Nietzsche Journée Nietzsche, Nice 2011 Conférence Benoit Kullmann : peinture et philosophie : l'École d'Athènes, Nice 2011 Conférence Benoit Kullmann : peinture et philosophie : un rythme à quatre temps : Aristote et Platon, Héraclite et Démocrite, Nice 2011 Conférence Benoit Kullmann : peinture et philosophie : mais que font les stoïciens, Nice 2011 Conférence Benoit Kullmann : le cerveau des philosophes : le cerveau de Descartes 2011 Conférence Benoit Kullmann : le cerveau des philosophes : le cerveau de Kant |
Conférences - Cycle de l'ombre I : renaissance et seconde mort de l'ombre
Benoit Kullmann Cycle de l'ombre I Renaissance et seconde mort de l'ombre dans la peinture occidentale Merci infiniment à Charles Gury des laboratoires Teva et à Fatima Daïka des laboratoires Sanofi de m'avoir pour la seconde fois permis de m'adresser à vous dans le cadre prestigieux d'une réunion organisée par la société franco-espagnole de Neurologie et l'ANLLF. Cette fois-ci en l'absence de Pierre Lemarquis, qui ne peut malheureusement être présent à Séville. Je voudrais également témoigner ma reconnaissance à Gilles Lavergnes. Le sujet annoncé est "l'ombre au tableau". L'expression l'ombre au tableau signifie que quelque chose ne va pas, la traduction anglaise est there's a fly in the ointment. Une mouche dans la crême. Un détail qui gâche tout. En espagnol, j'ai appris hier soir qu'il existait une expression équivalente à notre "quelque chose ne cadre pas". La mouche que vous voyez ici était un témoignage du génie d'un artiste, de la fin du XVème à celle du XVIIème siècles : une mouche posée que l'on croyait vraie jusqu'à ce qu'on se lasse d'attendre qu'elle s'en aille. Ainsi Vasari nous raconte-t-il la légende de Giotto : ce petit berger qui traçait la forme de ses moutons sur le sol avec son bâton avait été remarqué par Cimabue, et devint son apprenti. Un jour que Cimabue était absent, Giotto avait espièglement dessiné une mouche sur un panneau en cours de réalisation ; en rentrant Cimabue après avoir tenté de chasser l'insecte se rendit compte du génie de son élève. Mais il eût fallu pour que l'histoire ne fut pas une simple légende, que la mouche possédât de quoi la faire paraître en relief, détachée du plan du tableau : une ombre. Était-ce seulement possible, au temps de Giotto ? En fait il nous faut distinguer deux sortes d'ombres. J'aurais pu partir des écrits de Léonard de Vinci, mais ce dernier s'il a largement traité des ombres propres, déclare malvenue les ombres portées. Semblable à ses collègues chinois, pour lesquels les ombres portées n'ont aucun sens du point de vue pictural. Nous verrons plus loin que cette règle souffre une exception, au moins. Voici une photographie des arènes de Séville, cité associée s'il en fut à la lumière, à l'éblouissement. Un matador affronte son ombre, ombre portée, phénomène physique, première anamorphose que nous expérimentons dès l'enfance. (pour la définition de l'anamorphose : déformation réversible d'une image par un système optique, voici la plus connue : les Ambassadeurs d'Holbein, 1533). L'intitulé de la première partie est Apparition et Disparition de l'ombre portée dans la peinture occidentale. L'an passé à Vienne nous avions parlé de la vie et de la mort d'un motif, l'arc-en-ciel, dans le même champ pictural. Voici une mosaïque antérieure à la période que je vais évoquer : un sol jonché de détritus au décours d'un banquet, qui s'est déroulé vers le deuxième siècle avant notre ère. Chaque objet, dans un souci de réalisme, de trompe l'oeil, est associé à son ombre portée. Cette technique a complètement disparu, et je vais vous raconter comment, au début de XVème siècle, l'ombre portée a été redécouverte, réinventée pourrait-on dire. Soit un tableau de Giotto. Pourquoi Giotto ? C'est un peintre majeur, virtuose de l'utilisation des ombres propres. Pour les modelés des visages, les plis des vêtements, les reliefs de la roche. Mais scrutez le panneau sous tous les angles, vous n'y trouverez aucune ombre portée. Giotto connaît Dante, il en dresse même le portrait. Dante, à chaque pas, lors de sa traversée des enfers, rencontre des ombres. Les historiens de l'art qui se sont penchés sur la question de la représentation de l'ombre, Gombrich et Stoïchita, s'accordent sur des interprétations du type : Giotto ne représente pas les ombres parce qu'il distingue les corps physiques des images virtuelles. En quelque sorte il marquerait la différence en omettant l'ombre portée. C'est préter beaucoup d'intentions métaphysiques à Giotto, en un temps où tout simplement l'ombre portée n'était pas un motif pictural, ni un élément utile : les ombres propres donnent du relief aux visages, aux vêtements, aux roches. Mais il n'est pas alors d'usage de se préoccuper de soutenir une perspective à l'aide de l'ombre portée, pour la bonne raison que la perspective n'est pas une préoccupation chez les peintres avant le début du siècle suivant. Cette remarque vaut pour la peinture chinoise, qui n'a cure de la perspective. Considérons deux oeuvres qu'un siècle et demi sépare, et qui abordent le même sujet : la fuite en Egypte. À gauche, la version de Giotto : ombres propres comme sur le travail précédent, mais aucune ombre portée de Marie, de Joseph ; à droite, celle de Giovanni di Paolo : voyons de plus près : question virtuosité, je donne tous les Giovanni di Paolo pour un Giotto. Robert Campin peint cette Annonciation, exposée aux Musées royaux de Bruxelles, vers 1420. La perspective est très approximative. Les objets sur la table n'ont pas d'ombre portée. Ni le chandelier en haut à droite. Huit ans plus tard, le même sujet est traité, le Retable de Mérode, exposé au Metropolitan. La perspective est toujours aussi curieuse, mais la crémaillère du chaudron de cuivre, ou le chandelier, ont récupéré une ombre portée. Peut-être est-ce dû au nouvel assistant de Robert Campin. Je vous montre une oeuvre de Konrad Witz, un peintre souabe qui s'est installé à Bâle. Un vrai traité des divers modes de propagation de la lumière, en 1435 : voyez le reflet de l'île, la réfraction qui affecte le bâton de Saint Christophe ; quand à l'ombre du saint, elle est en fait ombre et reflet, une problématique que nous reverrons plus loin. Cette Adoration des mages de Konrad Witz, réalisée un an avant sa mort, montre sa maîtrise des ombres portées : sur un dièdre, celle de la vierge et de l'enfant ; celle de la statue ; celle de l'âne... J'abrège : le Caravage peint un musicien dont la main décolle du plan du luth, comme le violon dont le fond est convexe, posé sur une table au premier plan. Le caravagisme envahi l'Europe : Saraceni à Venise - regardez l'ombre du cordier de cette basse de viole à six cordes ; et l'ombre des doigts de la joueuse de luth, qui procurent une illusion de relief ; et encore l'ombre du violon sur le sol. Quelques peintres hollandais descendent à Rome, s'imprègnent des techniques du Caravage, reviennent au pays, à Utrecht : on les appelera les caravagistes d'Utrecht. Repérez l'ombre de la flute sur la joue du musicien. Philippe Muller me disait hier : j'espère que tu parleras de Georges de la Tour. Moi qui l'avait enlevé pour gagner du temps... Voici un exemple du luminisme : virtuosité dans la virtuosité, l'astuce qui consiste à masquer de la main la source de la lumière, la flamme de la chandelle. Voyez les ombres portées, du nez, de l'enfant. Je ne pouvais oublier Rembrandt, la Ronde de Nuit restaurée, ce personnage qui lance une main hors du tableau, dans notre direction, d'autant plus que nous percevons ou non cette ombre portée sur l'habit lumineux de son voisin. Analogue, la gravure du pasteur Sylvius. Peindre et feindre : nous sommes leurrés par le génie du peintre, par la technique du trompe-l'oeil - mais non du trompe-l'esprit, car personne n'est dupe, et c'est un plaisir que de se laisser surprendre. J'en arrive à celui que l'on a surnommé le Caravage Espagnol. Zurbaran, figure majeure de la peinture sévillane, du siècle d'or de la peinture espagnole. Bien évidemment son génie dépasse cette comparaison certes flatteuse mais étriquée. De quoi s'agit-il ? D'un portrait en pied de Saint François, que l'on voit flanqué de son ombre, sur la droite. Particulière, cette oeuvre rencontrée au musée de Lyon il y a quelques semaines : elle illustre la légende selon laquelle, en 1449, le pape Nicolas V serait descendu dans la crypte de la basilique Saint-François d’Assise, mort en 1226. Ouvrant la porte du caveau où était enterré Saint François, il le vit debout, en extase. En réalité le corps du saint ne fut découvert qu’en 1818. Le thème a été traité au moins six fois par Zurbaran entre 1630 et 1660 et l'on trouve des Saint François d’Assise dans sa tombe, au Milwaukee Art Museum dans le Wisconsin, à Milan, à Buenos Ayres, à Londres, à Munich... Je préfère cependant l'original. Autre génie espagnol, Francesco Goya y Lucientes, dont la construction du Corral de Locos (1794) repose sur une éblouissante opposition de la luminosité du ciel et de l'obscurité de l'univers des fous, dont les silhouettes et les ombres se confondent. Comparez avec la pâle imitation qu'en fit soixante-quinze ans plus tard l'italien Signorini. Je développe cette confrontation dans la conférence Un fantôme dans le Tableau clinique. Mais nous n'allons pas épuiser le catalogue des ombres de la peinture occidentale. Beaucoup plus intéressant, est l'achèvement de cette histoire, puisque j'ai prétendu que l'ombre a disparu une seconde fois de notre culture, après une première obscuration à la fin de la civilisation romaine. J'entends, l'ombre motif à la fois esthétique et symbolique. Avec les derniers figuratifs, les surréalistes, lesquels lorsqu'ils mettent en scène leurs fantasmes en appellent au pouvoir de l'ombre. Dali, maître de l'anamorphose, avec ce Sphynx ensablé, autrement dit Le Remord. Cet autre Dali à l'âge de cinq ans, alors qu'il croyait être une petite fille, soulevant la peau de l'eau pour voir un chien dormir à l'ombre de la mer. C'est surtout De Chirico, cet italien né en Grèce, dont je vous montre trois oeuvres : l'énigme d'un jour (1914) : l'ombre allongée d'un personnage lui même traité comme une ombre. Puis Mystère et mélancolie d'une rue (1914), accompagné d'une affirmation « Il y a beaucoup plus de mystère dans l’ombre d’un homme qui marche au soleil que dans toutes les religions du passé, du présent et du futur. » Une petite fille court après son cerceau : on pourrait la croire traitée comme une ombre, si elle n'avait pas elle-même son ombre portée, que l'on devine sur la gauche. L'enfant se dirige vers une ombre, inquiétante, menaçante, car nul ne peut dire de qui elle est l'ombre. Premier a parte : je voudrais vous montrer deux exemples d'ombres privées de propriétaires. Autre exemple, une oeuvre de Picasso, exception à la règle que je fixait tout à l'heure d'une ombre disparaissant après les surréalistes : le 29 décembre 1953, Pablo Picasso était semble-t-il bien seul, déprimé, ce qui ne lui arriva pas si souvent. Il se représenta sous la forme d'une ombre, s'approchant d'un lit bleu sur lequel est étendu une femme. Lorsque vous regardez de près la composition, vous réalisez combien la construction évoque un surréaliste majeur, René Magritte : tableau découpé dans ce qui est présenté comme la part de réalité du tableau. On songe aux Promenades d'Euclide. Enfin, le Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire daté de 1914 et exposé à Beaubourg. L'ombre du poète y semble tapie, prête à quitter la scène, sans rapport avec le personnage au premier plan dont on ne sait qui il est : Giorgio de Chirico ? Apollinaire avant sa blessure ? Second a parte : l'ombre infidèle est un thème ancien. Prenez cette gravure d'Otto van Veen, le maître de Rubens. Otto van Veen réalisait des livres d'emblèmes commandités par les Jésuites. Des vignettes édifiantes, à l'intention des élèves dont ils avaient la charge dans leurs collèges. Examinons l'ombre de ce Cupidon : une tête de méduse, pour qui sont ces serpents qui sifflent sur sa tête ? Les ombres portées de Grandville (1803-1847) : soit un curé, un bourgeois, je ne sais trop qui, leurs ombres sont respectivement un dindon, un goret, un diablotin ; le dernier, le lecteur du journal, qui se tourne vers son ombre et aperçoit un pion. Plus grave est la mésaventure de Pierre Schlemihl, qui passe un livre à courir après son ombre. Il faut dire qu'il l'avait vendu à un inconnu, qui n'est autre que le diable. Enfin, la femme sans ombre est un opéra magnifique de Richard Strauss. Bien mais existe-t-il, comme pour l'arc-en-ciel, un acte de décès de l'ombre rédigé (pour l'arc, Paul Klee s'était chargé de la rubrique nécrologique) en bonne et due forme ? On peut faire une confiance relative à Kandinski qui dans ses regards sur le passé, raconte l'histoire suivante : « J'arrivais chez moi avec ma boîte de peinture après une étude, encore perdu dans mon rêve et absorbé par le travail que je venais de terminer, lorsque je vis soudain un tableau d'une beauté indescriptible, imprégné d'une grande ardeur intérieure. Je restai d'abord interdit, puis je me dirigeai rapidement vers ce tableau mystérieux sur lequel je ne voyais que des formes et des couleurs dont le sujet était incompréhensible. Je trouvai aussitôt le mot de l'énigme : c'était un de mes tableaux qui était appuyé au mur sur le côté. J'essayai le lendemain de retrouver à la lumière du jour l'impression éprouvée la veille devant ce tableau. Mais je n'y arrivai qu'à moitié : même sur le côté je reconnaissais constamment les objets et il manquait la fine lumière du crépuscule. Maintenant j'étais fixé, l'objet nuisait à mes tableaux ». Regards sur le passé, p. 109. En somme, le tableau détaché de son contexte, du référent, de l'hors cadre qu'il représente, devient autonome, redevient un espace à deux dimensions non forcé d'en représenter trois, soumis aux seules règles que se fixe l'artiste. Kandinski vient d'inventer l'art abstrait. Or dans un espace non Euclidien, à x dimensions, on peut parfaitement se passer d'ombre portée. Récapitulons : pendant des siècles, la peinture illustre les textes sacrés, plus rarement les textes profanes, et dans tous les cas, nul besoin d'ombre portée. Puis celle-ci entre en scène : mystique chez Zurbaran ; contribution au réalisme chez les caravagistes, les maîtres du clair-obscur, les virtuoses du trompe-l'oeil ; rebelle chez les surréalistes, se libèrant de ce dont elle est l'ombre. L'ombre disparait dès lors que l'on ne prétend plus faire entrer le réel dans l'espace de la toile, lorsqu'avec Kandinski la représentation nuit à l'espace du tableau. Donc nous avons, pour simplifier, trois temps : la peinture illustrative d'un texte, la peinture représentative d'une réalité, la peinture abstraite de cette réalité, générant son propre espace, comme une géométrie non euclidienne génère son univers propre. Vous pouvez me suivre ou non sur cette version de la fin de l'ombre ; dans tous les cas, nous n'avons pas pour l'instant d'explication à l'apparition de l'ombre lors du passage de l'illustration à la peinture représentative d'une réalité, fut-elle d'inspiration divine. Nos maîtres es-ombres portées, Gombrich et Stoichita, se gardent bien de préciser ce moment en désignant telle oeuvre ou tel peintre. Une interprétation facile, serait de croire que l'ombre a été introduite dans le tableau, par une mutation du regard, de l'intention du peintre, soucieux de représenter non plus des fragments de réalité au service d'une illustration, mais ces fragments de réalité pour eux-mêmes. Or, si l'on s'intéresse de près à l'irruption de l'ombre dans le champ de la peinture, on se rend compte que les choses ne se sont pas passées ainsi. Et c'est la première idée que je voudrais vous transmettre : l'ombre a fait son entrée en scène non pas en raison d'une observation du réel ni d'une nécessité de traitement de la lumière dans l'espace du tableau, contrairement à ce qui est soutenu par la plupart, et certains de l'Académie. En particulier cette fresque qui a fait couler des fleuves d'encre neurologique, Saint Pierre guérissant les malades en les couvrant de son ombre - épisode relaté dans les Actes des Apôtres, chapitre 5, versets 12 à 15 : « Par les mains des Apôtres, il se faisait de nombreux signes et prodiges parmi le peuple (...) à tel point qu’on allait jusqu’à transporter les malades dans les rues et à les déposer là sur des lits et des grabats, afin que tout au moins l’ombre de Saint Pierre, à son passage, couvrit l’un d’eux ». Masaccio le peint en 1425. Il faut saisir ceci : Masaccio n'a peint une ombre que dans la mesure où elle était mentionnée explicitement dans le texte. Ce qui est remarquable, c'est que l'ombre est également traitée sur un autre panneau de la chapelle (Adam et Eve chassés du paradis) deux ans plus tard, vers 1427. Et sur la fresque représentant une autre guérison et la résurrection de Tabatha. Reprenons le tableau : là où j'avais laissé un point d'interrogation, je place la guérison par l'ombre de Saint Pierre. Oeuvre charnière, où l'ombre portée est à la fois illustration d'un texte et présence mystique incarnée. Vous trouvez cette théorie tirée par les cheveux ? Rappelez vous que les chinois ne représentent pas les ombres portées. Sauf Ch'iao Chung-ch'ang : un peintre du XIIème siècle, qui illustre un poème épique racontant une bataille aussi connue là bas que la bataille de Trafalgar chez nous. La falaise rouge, portée à l'écran (The Red Cliff). Une strophe mentionne explicitement les ombres allongées des roches : regardez cette mauvais photographie : les ombres portées sont cependant visibles. L'exception qui confirme la règle chinoise, est une illustration de texte. En introduisant l'ombre portée, Masaccio fait encore mieux : il organise l'espace entre deux champs : celui du point de fuite unique, et celui de l'origine objective de la lumière. Malheureusement, Masaccio meurt en 1428. Filippino Lippi le fils du moine Filippo Lippi et de la nonne, achèvera la décoration de la chapelle, un demi-siècle plus tard. Je vous propose de continuer ce cycle de l'ombre avec la seconde partie intitulée La naissance de la peinture. Date de création : 05/06/2010 : 13:28 Réactions à cet article
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