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l'éducation en barres parallèles (Le petit Carton Rouge de Pavu Paprika)

 La mauvaise foi est son Credo

de notre correspondant spécial rivé à son écran plat comme son électroencéphalogramme, Pavu Paprika, le 2 Juillet 2010,


Cette semaine : l'éducation en barres parallèles


      J'éprouve de la sympathie pour un principe : lorsqu'un bâtiment n'est plus fonctionnel, on en édifie un à côté, ou ailleurs, dévolu à la même fonction. Lorsqu'une structure est vacillante, on place à côté une autre structure, en espérant qu'à l'ombre de la nouvelle la première décèdera au plus vite. Il ne s'agit pas de remplacer (détruire par exemple un quart de Bucarest afin de construire le palais du peuple de Ceaucescu) mais de juxtaposer. Non pas détruire brutalement mais provoquer l'apoptose d'une organisation désuète.

     Je réserve une sympathie plus nuancée envers l'école, une institution dont ma perception oscille comme devant un cube de Necker : tantôt je la vois comme le lieu où je n'ai rien appris, où je me suis ennuyé à périr, où j'ai cotoyé des professeurs ineptes et parfois monstrueux et des condisciples monstrueux et souvent ineptes ; tantôt comme la garderie nécessaire à l'apprentissage des vraies règles de la vie, ce que j'appelle l'esprit de préau, où l'on apprends si l'on n'est pas trop sourd de l'esprit et myope de l'intelligence (ce qu'hélas je suis) les règles de la vie en collectivité, le fatal vivre ensemble des politiques, que l'on peut résumer à la loi des caïds contre les lois de la république, le règne du plus fort dans un cadre républicain, et la délinquance organisée s'accomodant fort bien d'un idéal démocratique. Ainsi Monsieur Berthoz décrit-il la possibilité de passer d'une vision de l'espace égocentré à un espace allocentré, d'une vue à hauteur d'enfant à une vision d'ensemble : que ces approches se déroulent dans deux régions distinctes de la cervelle fait mon affaire.

     Après tout, le tyran auquel tant de compatriotes vouent un culte curieusement sans en être inquiétés, inventa des Grandes Écoles à côté de l'Université. L'internat des hôpitaux de Paris fut créé le 5 ventôse de l'an IX (le 24 février 1801), les stages se déroulaient sur quatre ans, indépendamment de la Faculté. L'École libre des sciences politiques a été fondée en 1872 par Émile Boutmy. L'Alliance française fut créée en 1883 à l'initiative du chef de cabinet de Jules Ferry, Paul Cambon. Le comité de soutien à l'Alliance réunissait Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne... Et je songeais à l'opportunité d'un système éducatif apposé à l'actuel, qui aurait peu à peu aspiré ce qu'il y avait de vivant dans ce dernier pour n'en plus laisser que l'enveloppe rabougrie. M'objecterez-vous il existe déjà des écoles privées, des institutions religieuses, des lycées internationaux dévolus à la replication des élites selon le constat de Bourdieu... Mais l'objection principale, n'est pas dans ces survivances maintenues à coup de subventions et de soutiens privés : en fait il existe déjà un système d'éducation parallèle, dont le budget de fonctionnement est colossal, modèle d'interaction entre l'État, la région, la commune, et l'industrie.

    J'ai appris que Monsieur Escalette, dont on commence à dire qu'il a été immolé un peu vite sur l'autel de la défaite, avec Roselyne Bachelot aux yeux exhorbités dans le rôle de la grande prêtresse et je ne sais pas encore qui dans le rôle du sacrificateur, était professeur d'anglais avant que d'endosser les responsabilités de la FIFA. Et repris conscience, qu'il y avait en France un encadrement immense de l'enfance, via le sport. Les fédérations sportives regroupent 16 millions de licenciés en France à côté d'environ 18 millions de pratiquants occasionnels non-licenciés. Elles emploient des dizaines de milliers de permanents, à côté de deux millions de bénévoles. Elles organisent chaque semaine réunions et manifestations diverses. Elles reçoivent des subventions. Et génèrent un flux de dizaines de milliards d'euros ( 27,4 milliards d'euros en 2003, à l'évidence sous évalué).

        Tout ceci pour d'une part enseigner aux enfants les valeurs du sport. Tricher, jurer, simuler, insulter l'arbitre et sa mère, manquer de respect à son entraîneur, ne seraient donc pas des comportements innés mais devraient s'acquérir dans les Écoles de la République et se renforcer par la pratique lors des entraînements sportifs. Et baliser le parcours fléché obligatoire du sportif : l'adoration d'un club, qui suppose l'achat d'un grand nombre de maillors, shorts, chaussures, écharpes, l'abonnement aux matches, au stade, aux revues spécialisées ; des déplacements ici où là, en car, en train, éventuellement à l'étranger ; la consommation de boissons énergétiques ; passer de nombreuses heures devant la télévision à regarder des anciens matches et à commenter les exploits des héros. Acheter des appareils destinés à augmenter vos capacités physiques et fréquenter des clubs de gymnastique plus ou moins sélects. La convergence économique des marchands de textile et de calories liquides, des constructeurs de stades et de piscines, des investisseurs en tout genre, des multiples associations précitées, est d'une telle envergure qu'il serait vain désormais de prétendre dans votre beau pays poser la première pierre d'un édifice concurrent de l'école républicaine. Pendant que l'on donne pour rien le baccalauréat, sans qu'il vienne à personne l'idée de défendre les couleurs de son collège ou de son lycée, on vend à votre progéniture une carte de membre de club grâce auquel chacun peut se réclamer de sa nation, de sa province, de sa ville, de son quartier, avec la même ferveur qu'un Armagnac ou un Bourguignon, un Guelfe ou un Gibelin, un catholique ou un huguenot avant de s'entretuer.