Un moderne Robespierre
Je ne connais pas Monsieur Woerth. Il me donnait l'impression d'un homme intelligent, posé, dominant son sujet, pédagogue. Depuis quand ces aptitudes impliqueraient qu'il fut un homme honnête, au sens de niais, prude, puritain ? Vous avez la nostalgie des Robespierre et des Saint Just, des Fouquier Tinville et des Marat. Sur ce dernier, j'ai déjà émis, mais ailleurs, une piètre opinion. Que vous ayez un homme d'État irréprochable, il vous renvoie tant à votre propre honte qu'à la moindre proposition véritablement révolutionnaire (la participation par exemple, il y a une bonne quarantaine d'années) vous le jetez aux chiens. Mais il ne vous suffit pas d'oublier que l'essentiel de vos présidents furent intriguants, magouilleurs, machiavéliques, et franchement corrompus, et qu'ils auraient pu en remontrer à Brutus pour la plupart, il faut encore qu'à la moindre peccadille, offusqués vous poussiez des cris d'Onfray.
Un qui s'offusque, qui pourrait passer pour une sorte d'exemplaire, de parangon de l'offuscation, c'est l'histrion qui se pousse tout seul à la gauche de Cohn Bendit. Melenchon, un des fossoyeurs de l'Europe, certes moins odieux que F. Minimus ; un de ces nouveaux pères de famille politique décomposée donneurs de leçons et distributeurs de bon points, qui mettent les rieurs dans leur poche, comme ces bonimenteurs de mon enfance qui abusaient les ménagères du côté des boulevards extérieurs. Un joli mot, s'offusquer, qui vient d'offuscare, lequel vient de fuscus, sombre, proprement « obscurcir » ; c'est beaucoup trop de latin pour un personnage somme toute assez vulgaire. Dont, si vous suivez à la lettre les déclarations, vous pouvez être sûr des croyances politiques : cette rhétorique-là, qui consiste à asséner entre deux bonnes blagues populistes une affirmation assassine, a mené en d'autres temps quelques dizaines de milliers de ci-devants sous le couperet. Question analyse politique, il s'y entend : il a prévu par exemple la quasi fusion du parti socialiste et du modem. Je ne sais pas qui doit se sentir le plus insulté. Pour la méthode, il est toujours fendard de voir un anti-capitaliste primaire faire une O.P.A sur le P.C. Comme moraliste, on n'a pas fait mieux depuis les auteurs du catéchisme socialiste : il suffit de savoir que le peuple est par essence vertueux, tout découle logiquement de ce prémisse. C'est Marivaux qui doit frétiller dans sa tombe.