Chroniques de l’arc-en-ciel
X-Synesthésies
couverture de la Revue n° 318 de janvier 1888 « les Hommes d'aujourd'hui »,
dessinée par Manuel Luque
Ernest Cabaner (1833-1881)
Sonnet des sept nombres
Nombres des gammes, points rayonnants de l'anneau
Hiérarchique, - 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 -
Sons, voyelles, couleurs vous répondent car c'est
Vous qui les ordonnez pour les fêtes du Beau.
La OU cinabre, Si EU orangé,
DO, OJaune, Ré A vert, Mi E bleu, Fa I violet
,Sol U carmin - Ainsi mystérieux effet
De la nature, vous répond un triple écho,
Nombres des gammes ! Et la chair, faible, en des drames
De rires et de pleurs se délecte. - O L'Enfer,L
'Aurore ! La Clarté, La Verdure, L'Ether !
La Résignation du deuil, repos des âmes,
Et La Passion, monstre aux étreintes de fer,
Qui nous reprend ! - Tout est par vous, Nombres des gammes !
Synesthésie, procédé littéraire, poétique,
et/ou expérience hallucinatoire
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles.
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme des prairies,
Et d’autres corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent le transport de l’esprit et des sens.
J.-K. Huysmans 1848-1907
« Un chant lent, désolé, montait, le De Profundis. Des gerbes de voix filaient sous les voûtes, fusaient avec les sons presque verts des harmonicas, avec les timbres pointus des cristaux qu'on brise. Appuyées sur le grondement continu de l'orgue, étayées par des basses si creuses qu'elles semblaient comme descendues en elles-mêmes, comme souterraines, elles jaillissaient, scandant le verset ». J.-K. Huysmans, En route
« Le kirsch sonne furieusement de la trompette ; le gin et le whisky emportent le palais avec leurs stridents éclats de pistons et de trombones ; l'eau-de-vie fulmine avec les assourdissants vacarmes des tubas ». J.K. Huysmans, A Rebours, Charpentier 1899, p. 63
1891 : mise en scène du Cantique des Cantiques par Paul-Napoléon Roinard, avec orchestration musicale, lumineuse et odorante ( le programme expliquait la concordance des sons, des voix, des couleurs et des parfums )