Neuroland-Art

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Paternités flagrantes, paternités cachées (Petit Jeu : echos)

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Édouard Manet (1832–1883) La pêche à Saint-Ouen c 1862-63
 Huile sur toile, 76.8x123cm, New-York Metropolitan Museum of Art

    Edouard Manet fit la connaissance vers 1850 de Suzanne Leenhoff, une jeune hollandaise qui avait été engagée par le père d’Edouard pour donner des leçons de piano à ses fils. En 1852 naquit Léon Koëlla, dont on suppose qu’Edouard était le père, mais qui était présenté comme le jeune frère de Suzanne. Ils se marièrent dix ans plus tard, après la mort du père d’Edouard. Ce dernier, chef du personnel au ministère de la Justice, avait épousé la filleule du Maréchal Bernadotte et fort de sa position tenta d’imposer à son fils de faire carrière dans la justice puis dans la marine, ce qui était plus distingué que barbouiller dans la campagne des jeunes femmes nues distrayant des bourgeois entre deux âges. 

    Mais Edouard avait d’autres ambitions et s’inscrivit en 1849 dans l’atelier de Thomas Couture dont il suivra l’enseignement pendant six ans avant de jeter sa gourme, voyageant en Europe et copiant au Louvres, Rubens selon le conseil de Delacroix, et le Titien, Rembrandt, Velasquez – « le peintre des peintres »- , Goya…, se liant avec les deux plus grands critiques parisiens de l’époque, Emile Zola et Charles Baudelaire qui reconnaît en lui « le peintre de la vie moderne » et écrit « celui là est le peintre, le vrai peintre, qui saurait nous faire voir combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottes vernies »… ; plus tard il fréquentera Maupassant et Mallarmé. En 1874 il déclinera l’invitation à exposer en compagnie de ceux qui deviendront les impressionnistes.

    La Pêche, travaillée entre 1861 et 1863, représente Edouard et Suzanne, dans un paysage recomposé à partir de deux peintres qu'il s'agit de retrouver ici.

     Quelques pécheurs lancent la ligne ou le carrelet au second plans, tandis qu’un enfant  sur l’autre rive est assis immobile surveillant sa ligne ou l’esprit ailleurs. On suppose qu’il s’agit de Léon Köella, le fils illégitime du couple, qui apparaît dans plusieurs toiles. L’action est resituée dans l’île de Saint-Ouen où se trouvait la maison familiale du peintre. La barque ne doit cependant rien à Virgile et Dante aux enfer, la barque de Dante de Delacroix qu’il a copié quelques années plus tôt. Cette toile, réalisée alors que Manet s’était vu rejeté du Salon en raison du caractère licencieux de ses sujets et s’était replié sur le « Salon des Refusés » ne fut jamais exposée de son vivant.