John Constable (1776 - 1837) Landscape and Double Rainbow Victor and Albert Museum Londres
John Constable (East Bergholt 1776-Londres 1837) suit en 1799 les cours de la Royal Academy, y expose pour la première fois en 1802, mais peu satisfait par l’enseignement traditionnel, il retourne à East Bergholt pour travailler d’après nature et prend l’habitude de faire ses esquisses directement à l’huile. Deux cahiers d’esquisses (1813/14) révèlent un sens aigü de l’observation des phénomènes naturels : « portraits d’arbres », « études de nuages », « arc-en-ciel »…
Toutes ses toiles ont pour cadre le bord de la Stour, dans le voisinage de sa maison, elles sont souvent précédées d’études à l’échelle ; ses tableaux sont ainsi le fruit d’une longue préparation, afin de retenir tout ce qu’il y a de vérité dans l’atmosphère et d’instantané dans la composition ; les personnages se livrent à leurs activités habituelles. Grâce à son travail il commence à avoir une certaine renommée à partir de 1819.
Une série d’ « études sur les nuages » (1821/22) témoigne de son intérét grandissant pour la connaissance scientifique des phénomènes naturels : il note la date et l’heure de l’éxécution et souvent même le temps qu’il fait. Sa précision est telle que Fussli déclare « devant un tableau de Constable (avoir) envie d’ouvrir son parapluie »… Le naturalisme à la Constable s’adaptant au variations de sa sensibilité (tantôt l’arc est un phénomène météorologique traité pour des raisons esthétiques et rhétoriques, ailleurs il revêt une dimension spirituelle) ne trouva pas grâce aux yeux de Ruskin qui lui préférait Turner et les préraphaélites. Railleries des uns, opposition critique des autres, ne l’empéchèrent pas de faire une carrière honorable.
C’est en France que ses œuvres reçurent l’accueil le plus enthousiaste : Géricault ayant vu « la charrette de foin » à la Royal Academy fit expédier le tableau par le marchand Arrowsmith, pour qu’il figure au salon de 1824 où il valut à son auteur une médaille d’or et l’admiration des romantiques français en particulier Delacroix. Il exerca une réelle influence en France, en particulier sur les membres de l’école de Barbizon. Il est un précurseur direct de l’impressionnisme, au même titre que Turner.
Un séjour à Brighton le pousse à étudier encore davantage les changements atmosphériques et ce qu’il appelle le « chiaroscuro » (les gradations de ton de la lumière naturelle). Il adopte alors différents procédés : couvrir sa toile de tâches blanches pour rendre le scintillement de la rosée ou l’usage de pinceaux plus gros ou du couteau à palette pour obtenir une matière plus variée,qui lui valurent de sévères critiques .
« Moulin à vent à East Bergholt avec un double arc-en-ciel » (1812, Londres) :
C’est la première représentation d’arc-en-ciel connue de Constable. Il y adopte le « bleu/blanc/rouge » comme couleurs de l’arc , et les reproduira pour presque tous ses arc-en-ciel. Il expliquera à la fin de sa vie que le phénomène de l’arc-en-ciel est pour lui associé à Rubens à cause « de la lumière et la fraîcheur des goutelettes d’eau, l’averse qui s’éloigne et le réconfortant retour du soleil ». D’un point de vue morphologique, la représentation est loin d’être orthodoxe.
« Londres vu de Hampstead; arc-en-ciel double » (1831, Londres) : aquarelle, Height: 197 mm Width: 324 mm
Maria, l’épouse de Constable, était atteinte de tuberculose ; en 1819 le couple emménagea à Hampstead, où l’on disait l’air plus frais, et en 1827 trouvèrent une maison sur Well Walk, qui offrait une vue splendide sur Londres, dont l’aquarelle réalisée en 1831 permet de distinguer le dôme de la cathédrale Saint Paul, à gauche, au delà de la greenery d’Hampstead Heath. Maria était morte depuis trois ans. Constable a choisi la fin d’un après-midi de Juin , avec un brooding ciel pourpre éclairé par un rayon de lumière (shaft) et un double arc-en-ciel : on peut imaginer la nostalgie du veuf contemplant le panorama qui avait accompagné les derniers moments de la vie de sa femme, mélée d’espérance symbolisée par l’arc double.
L’intérét de Constable pour les effets de la réfraction de la lumière dans le phénomène de l’arc-en-ciel est décrit dans l’ouvrage de Thornes (les ciels de Constable: une fusion entre art et science, 1999) qui précise « cette aquarelle décrit le phénomène remarquable des rayons ante-crépusculaires du soleil qui, du côté opposé au soleil paraissent converger et couper l’arc-en-ciel en provoquant ce qu’on appelle une roue de l’arc-en-ciel… cet effet lumineux est peut-être décrit et illustré ici pour la première fois et pourrait avoir fait l’objet d’une communication savante dans un journal scientifique… »
Constable a observé avec exactitude que l’arc secondaire était plus large que l’arc primaire et que les couleurs y étaient inversées, en progrés depuis ses premières représentations. (cf moulin à vent avec double arc-en-ciel , et Salisbury Cathedral)
Vue méridionale du Tertre de l’Evéché de Salisbury, Old Sarum 1834
« Hampstead heath with a rainbow » (1836)
« Stonehenge » (1836, Londres) :
Constable visita Stonehenge au mois de Juillet 1820, en fit une esquisse qui fut complétée beaucoup plus tard, dans une large aquarelle présentée lors de l’ultime exposition de la Royale Academy en 1836. « ce mystérieux monument se tenant remote on a bare and boudless heath, déconnecté autant des évènements du passé que des usages du présent, vous entraîne au delà de toute référence historique dans l’obscurité d’une période totalement inconnue ». Le cercle de pierre préhistorique dont la fonction et l’époque de construction suscitaient de plus en plus d’interrogations du temps de Constable est représenté sur cette aquarelle, avec un double arc-en-ciel qui produit un effet dramatique. Cet arc est considéré comme le plus spectaculaire dans son œuvre, on peut d’ailleurs lire dans ses notes au sujet de cette aquarelle « …Le sujet est grandiose en soi et il est intéressant par ses connotations, si bien qu’on ne saurait introduire d’effet trop saisissant ni trop impressionnant pour le restituer… » .