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Venus et Adonis du Titien (notre arc-en-ciel quotidien)



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Rubens d'après Titien (Tiziano Vecellio) (Italian, Venetian, born ca. 1488, died 1576)
Venus et Adonis Oil on canvas; 42 x 52 1/2 in. (106.7 x 133.4 cm) The Jules Bache Collection, 1949 (49.7.16)
NYC
Metropolitan Museum

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Titien (Tiziano Vecellio) (Italian, Venetian, born ca. 1488, died 1576)
Venus et Adonis
Ashmolean Museum


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    En une dizaine d’années et dans trois régions non contigües de l’Europe, l’arc en ciel se dégage de la représentation canonique pour gagner une position qui paraît rétrospectivement son lieu naturel : si l’on peut identifier quelques enluminures où l’arc est représenté en tant que tel, illustrant  Barthelemy l’Anglois , Evrard d’Espingue ou , ce sont Il Sodoma et  Pinturrichio qui osent détacher le motif de la mandorle et l’enraciner dans un arrière plan ; puis Grunewald, lui aussi  en décalage radical avec la tradition, et Raphaël, et Dorso Dossi qui après un timide essai dans un contexte encore religieux s’enhardit , chez  puis décidément chez Brueghel, de manière très originale car le tableau représente une saison et n’a aucune connotation biblique évidente ni même suggérée ;  Les paysages de Giogione (la tempête), d’Altdorfer (la bataille d’Alexandre), de Dosso dossi (l’adoration ) commencent l’inventaire des évènements météorologiques qui renforcent la dramaturgie (orages, tempètes, foudre…) sans représentation de l’arc en ciel. Cependant Le Titien à Venise introduit des arcs-en-ciel avec parfois six couleurs, dans Vénus et Adonis ( comparer la composition de Véronèse vue à Seattle et celle du Titien) et dans Diane et Callisto.  La référence à l’encyclopédie de Giorgio Vialla,  publiée à Venise en 1501, qui mentionnait cinq couleurs dont trois variétés de rouge, est probable. Le philosophe Antonio Brucioni met en scène le Titien et l’architecte Serlio, dans une conversation tenue dans la maison du peintre, ayant trait à l’arc en ciel. La discussion reprend l’opposition classique entre les tenant du bicolorisme (symbolisant l’eau et le feu) et la théorie  artistotélicienne. Curieuse discussion imaginaire, en contradiction complète avec les œuvres du Vénitien.

    Tiziano Vecellio, dit le Titien (1488-1576), peint lui-même ou dirige l’éxécution par son atelier du thème extrêmement populaire alors et convoité dans toutes les cours d’Europe, de Venus et Adonis: Myrrha, une des filles du roi de Syrie Theias, est contrainte par Venus de commettre un inceste avec son père. Theias réalisant la situation veut tuer sa fille et la poursuit, mais les Dieux la changent en un myrrh tree. Dix mois plus tard le bark de l’arbre fleurit et s’ouvre, un enfant apparaît, que l’on appelle Adonis .

  La déesse Vénus s’éprend sans espoir du jeune et beau mortel, la scène représentée par Titien montrant Venus suppliant Adonis de rester à ses côtés alors qu’il a manifestement l’intention d’aller chasser. Mal lui en pris puisqu’il fut tué accidentellement par un boar sauvage; des anémones fleurirent sur le sol où son sang s’était répandu, pendant que Vénus blessée par une épine teignait de quelques gouttes de son propre sang des roses blanches en rouge  . Le texte de référence se trouve dans les Métamorphoses d’Ovide (X,665-740).

    Plus d’une trentaine de versions peintes ou gravées sont actuellement identifiées, dont certaines sont des copies tardives, différenciées par quelques détails : l’âge apparent d’Adonis, tantôt juvénile, tantôt plus mûr ; son  vêtement;  la position du carquois pendu dans l’arbre à gauche ; la posture de Cupidon à l’arrière plan, plus ou moins endormi ; deux d’entre elles contiennent un arc-en-ciel, dont la signification est discutable. En revanche les trois chiens des versions sans arc-en-ciel ne sont plus que deux dans les versions avec, qui diffèrent entre elles par la présence d’un arc et d’un carquois dans la version « habillée ». La végétation demeure la même d’un tableau à l’autre.

    La version du Prado, exécutée à l’intention du roi Philippe II d’Espagne en 1554 a fortement influencé Rubens qui en fit une version actuellement visible au Metropolitan Museum of Art (Venus et Adonis, c 1628). Elle a fait l’objet de copies dont l’une est à

    Fils d’un notaire de Cadore, il arrive à Venise à l’âge de 9 ans et commence son apprentissage chez Sébastiano Zuccato ; puis travaille dans l’atelier de Gentile Bellini, mais rebuté par la manière « séche » du maître, il se rapproche de Giovanni Bellini, qu’il trouve plus moderne. En 1508 il est chargé avec Giorgione de décorer à fresques le Fondaco dei Tedeschi ; Titien lui emprunte sa manière de suggérer les formes au lieu de les souligner, mais il ne partage pas avec lui le lyrisme contemplatif et l’indifférence aux réalités terrestres. Il se démarque également dans sa manière d’utiliser l’espace et les couleurs et ses portraits sont empreints d’une forte caractérisation, éloignée du pathétisme de Giorgione. Ce dernier meurt en 1510, Titien est le seul héritier de la leçon du maître . De cette époque datent certaines œuvres dont l’attribution à l’un ou l’autre a fait l’objet de valses hésitations : « Le concert champêtre » (Louvre), « la bohémienne » (Vienne), « Noli me tangere » (Londres) …mais actuellement, les spécialistes s’accordent à peu près pour en donner la paternité à Titien.

    A partir de 1512/13, il semble rechercher une beauté tranquille, emblématique de toute la renaissance : « l’amour sacré, l’amour profane » en étant un des plus fameux exemple.En 1530, sa renommée est internationale : les rois et les aristocrates voient dans son art l’expression de ce à quoi ils aspirent ; les Este, les Gonzague, les Della Rovere sont ses commanditaires. Il rencontre Charles Quint à Bologne, qui l’invitera à la cour d’Augsbourg entre 1548 et 1550 ; les portraits éxécutés repondent aux exigences de faste et de majesté de ses clients. Après 1550 son génie créateur n’est pas éteint : il s’attelle à des travaux à Venise, Ancone, tout en honorant une commande de Philippe II d’Espagne dont la première version de « Vénus et Adonis » (1553/54, Prado) :


 Les représentations de la nature ou des villes que l’on observe à l’arrière–plan des œuvres de la Renaissance, portraits, illustrations de scènes pieuses, vies de Saint, ne sont pas soumises à la nécessité de ressembler à telle ou telle véridique ville, ou réel coin de campagne, ou montagne connue: les représentations sont imaginaires, ce sont des décors, Jérusalem ou Rome révées d’Altdorfer ou de Van Heemskerk ; parfois le spectateur pourra trouver que telle ville ou telle campagne réelle ressemble à l’arrière plan d’un tableau, mais non l’inverse.

    La représentation du paysage en soi, indépendamment des portraits, des scènes historiques ou religieuses est une évolution laborieuse, à laquelle concourent la miniaturisation du paysage, tableau dans le tableau que permet l’invention de la veduta chez les peintres flamands et italiens, laquelle veduta envahira l’espace du tableau au point de l’occuper tout entier (illustrer par une série) ; l’acclimatation des plantes et des espèces animales venus du nouveau monde dans des jardins botaniques et des ménageries, comme l’arrangement de la nature dans le dessin de jardins à la Française, à l’Anglaise, suscitent leur représentation picturale qui rend compte du résultat de ces constructions et de ces accumulations. On représente un jardin dans le même esprit qu’on représente une maison, un palais, bien réels et témoignant à la fois de la fortune du bourgeois ou du prince qui la possèdent et du paysagiste qui en a conçu le plan. Il peut alors devenir un motif de tableau au même titre que la scène dont il est le décor, voire s’affirmer en soi comme thème premier. Un exemple particulier est l’évolution de la représentation du cycle des saisons : mythologique, les saisons sont incarnées (cf Botticelli), puis l’action humaine caractérisant la période de l’année est retenue (Brueghel), puis la représentation des modifications des arbres, du ciel, de la lumière suffisent.

    Des querelles persistent, lorsqu’il faut dater l’apparition du paysage en tant que genre dans l’histoire de la peinture : doit-on en attribuer la paternité à un peintre allemand, Joachim Patinir (1475-1524) surnommé "der gute Landschaftsmaler" (le bon peintre de paysages), ou attendre que le mot « pittoresco » n’apparaisse pour la première fois sous la plume du peintre Salvator Rosa en 1662 dans une lettre qu’il adresse à G.B. Ricciardi ?