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Obama Blues (Les pyrosis d'Emilio Campari)

Sa plume trempée dans l'éthanol n'épargne personne et n'engage que lui

Interview de notre correspondant spécial au bar de la Hanckock Tower de Chicago, Emilio Campari, le Mardi 4 Novembre 2008, par le Webmestre.

American Eagle et les vingt-sept petits nains

    Les lecteurs réguliers des billets d'Emilio Campari pardonneront sa défaillance nous l'espérons temporaire, qui contraint le webmestre à se substituer à lui, si tant est que l'on puisse prétendre remplacer la plume d'Emilio, plus incisive que le croc du tigre et plus alerte que la sirène des pompiers, par une prose directement inspirée des tirades de Christophe, l'auteur oublié du Sapeur Camember.



    Aujourd'hui 4 Novembre 2008, n'aura pas été un bon jour pour notre confrère à l'accent mélodieux. Je l'ai retrouvé effondré au bar qui occupe le sommet de la Hangkock Tower. La pointe de son cure-dent agaçait une olive asphyxiée au fond d'un verre à pied dans lequel encore peu de temps auparavant le Martini Bianco attendait qu'on le bût ; lequel verre rejoignit bientôt une rangée de ses clones ne contenant plus que des noyaux stériles et attendant qu'une serveuse vînt les ôter. C'est le conique de répétition risquai-je devant ce bel agencement, ne provoquant qu'un sanglot saturé de rage capitoline. J'étais déconcerté. Il faut préciser qu'autour de nous, la fête battait son plein, et certains républicains qu'on aurait pu croire désabusés n'étaient pas les derniers à chanter : leur leader lui-même n'avait-il pas éprouvé quelques  difficultés à dissimuler son allégresse, tout d'un coup libéré du fardeau qu'aurait été une cohabitation avec la plantigrade d'Anchorage, et soulagé de pouvoir déclarer sa flamme à son concurrent sans paraître trop ridicule ? Que l'on me permette de retranscrire notre conversation :

WebMestre : Eh bien Emilio, que se passe-t-il ? Tout le monde se réjouit, en particulier chez nous, depuis Fabius Minimus, à l'outrecuidant Devedjian, en passant par le nigaud des pyrénées ... Et vous tirez une tête de six pieds de long ? Vous d'habitude si enjoué devant les turpitudes du monde ? Le premier à me démontrer lorsque mon moral est au plus bas que derrière l'épouvantable, il y a plus horrible encore !

    Emilio poussait des soupirs à fendre l'âme et la pauvre olive souffrait mille morts. Un mot que j'avais lâché sans penser à mal le fit gémir :

E.C.  Ne prononcez jamais devant moi je vous en conjure le nom du fossoyeur de l'Europe .... c'est le seul en effet qui se réjouisse en toute conscience de cette effroyable nouvelle qu'est l'élection d'Obama ...

    Je l'interrompai. J'avais l'impression de l'entendre proférer pire qu'un blasphème, je le regardais comme s'il avait commis le plus odieux des sacrilèges.

WM Mais enfin Emilio, tandis que même les plus efficaces pratiquants de la ségrégation négative se réjouissent sur nos ondes de la victoire de cet homme assurément éloquent  et courageux, vous tenez des propos que je vous demande de tempérer, car ils pourraient nous en cuire, en cette soirée de liesse et de débordements probables !

E.C. laissez moi finir ... Si le Minime du Panthéon jubile, c'est qu'il sait qu'avec l'arrivée d'Obama au pouvoir, c'en est fini de l'espoir que l'Europe s'affirme enfin comme la première puissance mondiale ... Tandis qu'avec Mac Cain, et sa colistière dont les températures extrêmes de l'Alaska ont givré l'essentiel du capital neuronal, le tandem allait droit dans le mur, empêtré
à perpétuité dans la guerre d'Irak, incapable de faire face à la crise des classes moyennes, et à la merci d'un caprice de banquier chinois ... L'Amérique à genoux, c'était la seule opportunité qu'aurait jamais eu le projet Européen de se relever ... Vous comprenez pourquoi le fossoyeur est enchanté ?

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    J'eus une vision, d'un aigle lorgnant dans la direction d'un nids dévasté, où s'entassaient tant bien que mal vingt-sept coquilles d'où sortaient ébouriffés et piaillants autant de petits gnomes courant dans tous les sens et parlant toutes sorte de langues comme du temps de la tour de Babel. Je tentais d'apaiser le désespoir d'Emilio :

Webmestre : d'habitude vous me paraissez plus pertinent dans vos analyses. Vous croyez vraiment que la prospérité des U.S.A freine la notre, et qu'il suffirait que la première s'étiole pour que la seconde s'épanouisse ? Avez vous seulement pensé à la croissance du B.R.I.C ? Ne vous sentez vous pas un peu seul, fragment d'européen que vous êtes, face à des puissances idéologiques autrement plus déterminées que nous ( j'essayais d'éviter d'appeler les choses par leur nom, on ne peut jamais prévoir les réactions d'Emilio )?

E.C. Ah ! le
B.R.I.C* ! Ma le cinese ils vont nous manger tout cru !

*Brésil Russie Inde Chine

    Abandonnant l'espoir de lui faire saisir la faiblesse de son raisonnement j'en appelais à ses sentiments humains comme on dit dans Télérama :

Webmestre : la joie de nos frères américains ne fait-elle pas plaisir à voir, nonobstant le choeur consternant en apparence de nos ténors politiques ? Car vous ne vous attendiez pas quand même à ce que l'un de ces derniers prenne le risque d'émettre des bémols parmi ce concert de louanges ? Ne me dîtes pas que vous en êtes resté au temps de l'occupation de Naples par les G.I ?

    Emilio me jeta un regard qui signifiait approximativement : tu n'es qu'une pauvre nouille, un spaghetti mental, un tortellini de la pensée, un ravioli du concept ; s'il avait eu un exemplaire de La pelle sous la main il me l'aurait fait avaler.

E.C. Ma porca miseria ne comprends-tu pas que si par malheur le système social des nords-américains s'améliorait, alors l'auto-satisfaction de tes concitoyens hexagonaux que l'on pourrait croire à son comble atteindrait des seuils de fatuité intolérables ... Chacun chez vous se féliciterait ( abusant de la merveilleuse expression que vous avez inventée avec tant d'à-propos : je me félicite de votre succès ... ) de la disparition des pratiques archaïques et brutales d'outre-atlantique inspirée par votre propre laxité ...

    Voilà tout Emilio : perdu entre deux registres, entre deux ordres de phénomènes : d'un côté, la perspective certes pas forcément réjouissante d'un regain du côté de l'Amérique du nord, la question étant par qui préfère-t-on être dévoré. De l'autre, cet  inventaire mussolinien de nos travers :

E.C. Et de la même manière qu'il est convaincu d'avoir inventé la révolution, la république, la déclaration des droits de l'homme, le vote des femmes, l'abolition de la peine capitale et j'en passe, le quidam de par chez vous arborerait fièrement à sa boutonnière déjà bien encombrée la médaille commémorant la naissance de la Solidarité universelle !

    J'eus une nouvelle vision : la Charité à terre, morte, éventrée, ses enfants en pleurs,
pétrifiés de terreur entre les cadavres de Cimon et Piero ; debout, une harpie vociférante, personnification de la Solidarité, dont le visage semblerait celui craché de Martine Aubry, pointant un revolver sur la tempe d'un malheureux haut comme trois pommes et plus maigre qu'un clou, portant lunettes, cravate, cartable, sommé par un tonitruant " soit solidaire ! " de participer à l'achat de divers biens de consommation courante nécessaires au développement harmonieux d'une horde de va-nu-pieds : cigarettes, bouteilles de bière, billets d'entrée au Stade de France et abonnements de téléphones portables.


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    Il se faisait tard, le soir tombait sur le lac Michigan, les araignées de la tour Hangkock se laissaient glisser silencieusement comme une armée de Ninja le long des baies vitrées du bar.

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    Je laissais Emilio anéanti au milieu des éclats de ses rêves brisés, pour aller chanter et danser comme les autres, émerveillé par les cascades de reflets de la Porte des nuages
comme par le bonheur d'autrui. Demain viendrait bien assez tôt qui me le ferait voir insupportable.

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