Pierre Marie (1853-1940)
Mais il n'y a pas que la vieille garde des anatomistes, qui baille aux corneilles. Le regard lointain, presque absent, un jeune neurologue semble perdu dans ses pensées, à des années-lumière des préoccupations de Charcot : Pierre Marie (1853-1940) n'a que trente-quatre ans mais il a déjà décrit l'année précédente l'atrophie musculaire progressive et l'acromégalie, il identifiera l'ostéo-arthropathie hypertrophique en 1890, l'hérédoataxie cérébelleuse en1893, la spondylose ankylosante en 1898. Il fondera en 1893 avec Brissaud la Revue Neurologique. En 1897, il prend la direction du service de Bicêtre où il explore en particulier les différentes formes d'aphasie. En 1918, à 65 ans, il obtient enfin la Chaire de Neurologie créée par Charcot. En collaboration avec Charles Foix et Henri Meige, travaux consacrés aux séquelles neurologiques de la guerre.
La méthode nosographique
Pendant la "période clinique" de l'hystérie, ont été individualisés les syndrômes suivants :
Hémianesthésie hystérique et hyperesthésie ovarienne dans l'hystérie
De la contracture hystérique
De l’hystéro-épilepsie
Hystéro-traumatisme
Scotome hystérique
Œdème bleu des hystériques
Les observations sont faites par Charcot, consignées par des internes : ici, nous reconnaissons Guinon et les frères Berbez, en train d'écrire. Plus tard leurs notes seront relues, mises en forme et publiées :
Paul Berbez est Interne : il publie cette même année une dissertation intitulée Hystérie et Traumatisme.
Son frère Henri Berbez est alors externe.
Georges Guinon (1859-1932) est élève et secrétaire momentané de Jean Martin Charcot (1825-1893) ; deux ans plus tard, il soutient sa Thèse sur les agents provocateurs de l’hystérie. Guinon sera ensuite chef de clinique et à ce titre responsable de la mise en forme des Leçons du Professeur, mémoires, notes et observations parus pendant les années 1889-1890 et 1890-91, "publiées sous la direction de Georges Guinon, chef de clinique; avec la collaboration de MM. Gilles de La Tourette, Blocq, Huet, Parmentier, Souques, Hallion, J.B. Charcot et Meige"....
Henri Parinaud (1844-1905)
De la polyopie monoculaire dans l’hystérie ; ( annales oculistiques de Gand 1878 )
Qui se souvient qu'il fut connu comme musicien sous le pseudonyme de Pierre Erik.
Edouard Brissaud (1859 - 1909)
Edouard Brissaud (1859 - 1909), l'élève préféré de Charcot dit-on ; on lui doit la description du rire et du pleurer spasmodique ; l'œdème simulé des hystériques (Souques) : il travaille à la distinction anxiété et angoisse, la sinistrose, l'Aphasie d'intonation. Il fondera la revue neurologique avec Pierre Marie. Libre penseur, il meurt d’une tumeur cérébrale à 57 ans, après avoir été opéré par Victor Horsley
Photographie, dessin et nosographie
Albert Londe
De manière judicieuse, mais sans en être l'inventeur, Charcot va utiliser une technique récente : la photographie. Son collaborateur Albert Londe développe les techniques propres à la photographie médicale et accumule les clichés :
manuscrit de Paul Richer : annotations de la main de l'artiste-neurologue de clichés pris par Londe
Bobine d’induction et pile de Grenet : l’usage de l’électricité n’est pas nouveau : déjà l’abbé Nollet dans les années 1750 électrisait les dames de la cour de Louis XV, et Mesmer les secouait dans ses baquets ...
Cette préoccupation n'est pas le propre de Charcot : déjà en 1865, Alfred Maury l'auteur du sommeil et des rèves dans la préface de sa troisième édition écrit d'emblée ! deuxième phrase du premier chapitre ) : « c’est de la psychologie expérimentale que j’ai voulu faire ». La deuxième moitié du XIXème siècle est hantée par la personnalité de Claude Bernard (1813-1878). Je ne résiste pas à la pulsion qui me fait vous proposer cet autre tableau de groupe :
Quel en est l'auteur ? Vous connaissez son nom ... Lhermitte, Léon Lhermitte, le père de Jean et le grand-père de François. Le titre du tableau, peint en 1889, est Claude Bernard pratiquant la vivisection.
Comment Charcot s'y est-il pris pour mettre en place cet appareil expérimental, cette structure destinée à découvrir la vraie nature de l'hystérie, eh bien ce tableau d'une certaine façon nous permet de le comprendre. Je passe rapidement sur la présence, aujourd'hui impensable, du directeur de la Salpétrière au milieu même de l'assistance, Monsieur Léon Lebas. Il y a d'autres incongruités nous le verrons plus tard, et plus choquantes. Charcot se fonde sur l'utilisation de trois techniques très en vogue en cette fin de siècle : l'electricité, le magnétisme, l'hypnose.
L'électricité
Le pionnier de l'utilisation de l'électricité est sans contexte Duchesnes de Boulogne : nous avons tous en tête les planches photographiques de ce curieux personnage aux favoris abondants, appliquant ses électrodes sur le visage d'un individu paraissant tout droit sorti d'un cirque.
Romain Vigouroux (1831-c.1895)
Mais le savant électrothérapeute de la Salpétrière, s'appelle Romain Vigouroux (1831-c. 1895), directeur du service d'électrothérapie, intéressé par la Métalloscopie, la Métallothérapie, les Aesthésiogènes. Il met au point des traitements électriques réguliers, dont plus de cinquante malades bénéficient chaque jour.
Son fils est l’auteur d’un ouvrage sur la contagion mentale.
Le magnétisme
Il faut se représenter la passion qu'a suscité alors l'usage des aimants, cas particulier de l'usage des métaux : on infléchit le sens d'une posture dystonique en promenant un aimant de part et d'autre du patient. Celui qui tient l'aimant s'appelle tantôt Bourneville, tantôt Gilles de la Tourrette ... Les séances suscitent l'incrédulité voire les sarcasmes des visiteurs. On se réfère à la Métallothérapie, au Burquisme, au Perkinisme ...
Parmi les collaborateurs présents de Charcot, certains sont impliqués directement dans le magnétisme : ainsi, Charles Féré ( 1852 - 1907 ) publie cette année 1887 sur le magnétisme animal avec Binet. Charles Féré a écrit sur la Pathologie des émotions, l'évolution et la dissolution de l'instinct sexuel, les Troubles de l'intelligence, l'Aphasie et ses diverses formes, le Traitement des aliénés dans les familles. Il décrit le pénomène déjà signalé par Aristote, l' héautoscopie. Dans évolution et dissolution de l'instinct sexuel (1887), le concept de dissolution remplace le terme de degenerescence.
L’hypnose
Mais c'est avec l'hypnose que Charcot pense avoir le plus de chance d'élucider la nature de l'hystérie : après les découvertes de James Braid, il s'établit l'équation suivante : les manifestations de l'hystérie sont reproduites par l'hypnose. La grande crise hystérique, et sa succession de phases, sont analogues à la grande crise hypnotique. Dans un deuxième temps, les sujets hystériques sont hypnotisables, et bientôt la réciproque s'impose : les sujets hypnotisables sont hystériques. L'hypnose est une hystérie expérimentale. Là encore, Londe et Richer vont établir une iconographie solide. L'Iconographie photographique de la Salpétrière couvre la période 1875-1879 ; la Nouvelle iconographie de la Salpétrière est fondée par Charcot, Richer et Gilles de la Tourette.
Les trois phases de l’hypnotisme : état cataleptique, état léthargique, état somnambulique.
Léthargie avec infirmière
Léthargie
Parmi les collaborateurs les plus impliqués dans l'hypnose :
Désiré-Magloire Bourneville (1840-1909)
Hôpital de Bicêtre, Le progrès médical, Député de Paris 1873
Sclérose tubéreuse
Lettre en faveur de la Création de classes spéciales pour les arriérés 1897
Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’epilepsie, l’hystérie et l’idiotie 1902
Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés 1894
Leçons sur les maladies du système nerveux faites à la Salpétrière 1872
Très anticlérical, il veut bouter les religieuses hors de l'hôpital public : « L’État qui est laïc a le devoir de se priver du concours d’auxiliaires qui par leurs vœux se placent en opposition directe avec les lois de la nature et les intérêts de la société »
Président de la Société d'Incinération
Georges Albert Brutus Edouard Gilles de la Tourette (1857-1904)
Le plus attentif de tous - plus encore qu'Albert Londe ou que Paul Richer, est assurément Gilles de la Tourette ; même si l'on ne peut voir l'expression de son visage, tout son être semble tendu. Il sera reçu sept ans plus tard à l'agrégation, âgé à peine de trente-sept ans, une distinction que n'obtiendra jamais Babinski. Il publie abondamment, essentiellement sur l'hypnotisme et l'hystérie. Originaire de Loudun il s'interesse aux amours d'Urbain Grandier et de Sainte Jeanne des Anges.
En 1893, une de ses malades de la Salpétrière convaincue qu'elle avait été hypnotisée à distance, lui tira plusieurs coups de revolver.
Edouard Lelorrain (1867-)
Maladie de Strumpell Lorrain
Décrite par Strumpell en 1880,
Lorrain en a fait le sujet de sa thèse en 1888
Gilbert Ballet (1853- 1916)
Maladie de Ballet : Paralysie des muscles extrinsèques de l’œil, épargnant les muscles intrinsèques.
Symptôme de Ballet : Paralysie des mouvements volontaires de l’œil cependant que les mouvements automatiques sont respectés
études à Limoges, Chef de clinique de Jean Martin Charcot à la Salpétrière. Médecin des Hôpitaux puis professeur agrégé en 1886, professeur de psychiâtrie en 1900, professeur d’histoire de la médecne en 1907,
le faisceau sensitif intracérébral 1881
Thèse sur l’aphasie ( le langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie 1886 )
Psychoses et affections nerveuses
Paralysie syphilitique
Biographies d’ Emanuel Sweden Borg (1688-1772), de Leonardo da Vinci (1452-1519), de Marie Leszczynka (1703-1768),
Ballet appartenait au mouvement teetotaliste ( abstinence alcoolique totale)
Alfred Joseph Naquet
(1834 - 1916)
Médecin et homme politique, il fut député du Vaucluse de 1876 à 1883 puis
sénateur de 1883 à 1890, enfin
député de la Seine de 1890 à 1893. Radical, il a été cependant boulangiste. Il fut mis en cause dans l'affaire de Panama et pris à partie par les mouvements antisémites comme auteur de la loi sur le divorce.
Théodule Armand Ribot ( 1839-1916 )
fondateur de la psychologie scientifique française.
En 1862, il entra à l’école Normale Supérieure et obtint son agrégation en 1866.
Il soutint en 1873 à la Sorbonne avec succès ses deux thèses, la première en latin sur Hartley et la seconde en français sur l'hérédité psychologique.
Il fonda en 1876 une nouvelle revue (Revue Philosophique de la France et de l’étranger) centrée sur les nouvelles tendances qui émergeaient en philosophie et en psychologie.
Il tente d’élucider le fonctionnement normal de l'esprit en partant de sa pathologie.
En 1885, il fut chargé du premier cours de psychologie expérimentale à la Sorbonne. En 1888, on créa pour lui une chaire de "psychologie expérimentale et comparée" au collége de France.
Il forma Pierre Janet et Georges Dumas et encouragea la fondation à la Sorbonne du premier laboratoire français de psychologie expérimentale qui fut d'abord dirigée par Henry Beaunis (1889) puis Alfred Binet (1894).
Durant les dernières années de sa vie, il fut l'auteur de nombreux ouvrages centrés sur la psychologie de l'affectivité.
La psychologie anglaise contemporaine (1870),
La psychologie allemande contemporaine (1876),
Les maladies de la mémoire (1881),
Les maladies de la volonté (1883),
Les maladies de la personnalit(1885),
Psychologie de l’attention (1888),
Psychologie des sentiments (1896),
L’évolution des idées générales (1897),
Essai sur l'imagination créatrice (1900),
Logique des sentiments (1905),
La vie inconsciente et le mouvement (1914).
Jules Claretie (1840-1913)
Romancier et auteur dramatique, directeur de la Comédie Française de 1885 à 1913 ; collaborateur de La France, du Figaro et de l'Illustration, chef du Bureau des Bibliothèques communales. En 1888, il occupe le siège de Cuvillier-Fleury à l'Académie française où il aura pour successeur le maréchal Joffre.
Œuvres théatrales : la famille des gueux, Raymond Lindey, Les ingrats, Valentin, Monsieur le ministre, le prince Zilah , etc. On lui doit la phrase fameuse : "Tout homme qui dirige,
qui fait quelque chose,
a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose,
ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens, d'autant plus sévères,
qu'ils ne font rien du tout". Son roman Les Amours d’un interne se déroule à la Salpétrière.
Il fait partie de ceux qui auront l’honneur d’assister, après la leçon du mardi, au diner du même jour, réunissant dans l’hôtel particulier du 217 bd Saint Germain hommes politiques, artistes, peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, collectionneurs, personnalités religieuses …
Philippe Burty (1830-1890)
Écrivain, collectionneur et critique d’art, inspecteur des Beaux-arts en 1881, instigateur du cercle des japonisants et favorisant l’avant-garde, il témoigne de la mondanité de Charcot qui organise chez lui des dîners où l’on reçoit Edmond de Goncourt ; il vend une oeuvre de Delacroix à Charcot.
Emile Auguste Carolus-Duran (1838-1917) Portrait de Philippe Burty, 1874
Paul Arène (1843-1896)
Des Alpes aux Pyrénées : étapes féliibréennes. 1892. Charcot en Arles
Républicain et libéral, il collabore au journal de Gambetta où il tient de nombreuses chroniques. Désargenté et bohême, son centre d'intérêt est le café. Il devient l'intime de la famille Charcot à laquelle il consacre quelques pages
déception amoureuse avec Jeanne, fille du professeur
Sur un Eventail (pour Jeanne Charcot).Si les ondines et les fées
Maintenant ainsi qu'autrefois
Sur une coquille de noix
Naviguaient, de corail coifées,
Et si j’étais, - car nous aimons
Suivre parfois d’étranges rêves,
-Un des minuscules démons
Rois de la mer bleue et des grèves,
Je ne voudrais d'autre travail
Que d'agiter cet éventail
Pour faire une brise légère
Qui pousserait tout doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la passagère.
Jean-Baptiste Charcot (1867-1936)
1891 reçu au concours d’Internat
1892 achète son premier yacht
1893 Pourquoi-Pas ?
1895 doctorat en médecine
Champion de France de rugby à XV ( pilier droit)
1896 épouse Jeanne Hugo petite fille de Victor Hugo et divorcée de Léon Daudet
1908-1909 exploration de l’antarctique ,
1925-1935 expéditions au Groënland
1936 Naufrage du Pourquoi-pas ?
Mais nous avons presque oublié notre collègue si prévenant :
Il est temps de révéler que ce dévoué médecin n'est autre que Joseph Babinski ( 1857-1932 ). Saluons au passage l'ouvrage remarquablement écrit et documenté que lui a consacré notre confrère et ami Hubert Dechy. Est-ce le hasard qui a placé dans cette situation le neurologue inventeur du signe éponyme, toujours est-il qu'il se trouva parmi les critiques de la conception de l'hystérie selon Charcot et ses élèves.
Pour Babinski, auquel on doit la description des syndromes de Babinski-Froehlich, de Babinski-Nageotte, d'Anton-Babinski, de Babinski-Vaquez, de Babinski-Froment, l'hystérie devient une préoccupation de premier plan à partir des années 1900 : en ceci il hérite de son maître vénéré. Mais il s'en éloigne sur le plan conceptuel : relève d'un processus mental qu'il appelle Pithiatisme, dans le paradigme duquel on trouve les notions de Persuasion, Suggestion, Simulation, Supercherie ; ses conceptions sont exposées dans la revue neurologique en 1901. Dans un second temps il distinguera avec Froment, pendant la première guerre mondiale, les syndrômes physiopathiques.
Les absents
Si l'on applique la méthode appliquée par Michel Onfray à l'École d'Athènes, selon laquelle l'omission de certains philosophes oubliés par Raphaël serait pleine de sens, les absents de la Leçon ne le seraient pas tout à fait par hasard.
Henry Meige (1866-1940) :
"La procession dansante d'Echternach" de Dr. Henri Meyge (1866-1940), neurologiste Élève du Dr.Jean-Marie Charcot, professeur à la Salpétrière, il a notamment travaillé avec Brissaud. Cette étude constitue un des ouvrages de référence sur l'hystérie collective.
Hippolyte Bernheim (1840-1919):
Pathomimie, Imitation, Suggestion
Contagion hystérique
Hystérie de culture
l’Hystérie de culture de la Salpétrière Le temps 1991
Bernheim, H. -Conception du mot hystérie, critique des doctrines actuelles In : Revue médicale de l'Est, 1904,tome XXXVI, pp. 23-25.
L'occasion de dire un mot au sujet de Léon Daudet, le fils d'Alphonse : dans son roman les Morticoles, l'écrivain d'extrême-droite, médecin raté,
Jules Bernard Luys (1828-1897)
Moreau de Tours Salle Louis Les fascinés de la Charité Reims
Pierre Janet
thèse de médecine sur l'hystérie soutenue en 1893
forme de désagrégation mentale caractérisée par la tendance au dédoublement permanent de la personnalité, conséquence d’un déficit de l’attention sélective, d’un affaiblissement de la faculté de synthèse psychologique, d’un rétrécissement du champ de la conscience
cf Freud et Breuer la même année
Sigmund Freud
Josef Breuer,
Bertha Pappenheim : Anna O.
Aucun homme au monde ne m’a autant influencé
Sigmund Freud travailla dans le service de Charcot à la Salpétrière d’Octobre 1885 à Février 1886
correspondance : il écrit à son épouse qu’il prend un peu de cocaïne pour se délier l’esprit avant d’aller diner boulevard Saint Germain
Jules Déjerine
Jules déjerine est né en 1849; agrégé en 1886, en 1887 il est médecin chef à Bicêtre, et ne prendra le poste de chef de service à la Salpétrière qu’en 1895 et sera titulaire en 1917 de la chaire de Clinique des maladies du systême nerveux. Il meurt la même année.