Neuroland-Art

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II - MEMOIRES D'ARGENTINE

VOYAGE
AUX
AMÉRIQUES
 


un récit hypnotique
par
Benjamin et Benoît KULLMANN


écrit dans un style homérique au sens simpsonien du terme

Les éditions de la Jet.7.com






Chapitre II

MEMOIRES ARGENTINES

un émouvant instant d’intensité

 



        A l’arrivée à Buenos Ayres le 12 mai : un peu hébétés , nous prenons un taxi dans une compagnie imposée par les organisateurs du congrès présents dans le hall de l’aeropuerto : vous comprenez , “ these drivers are safer “ m’explique la gentille hôtesse muy hermosa (autant prévenir le lecteur d’emblée : si les pensylvaniennes descendent toutes de la grosse Bertha question pétard , les demoiselles d’ici sont quasi todas muy guapas et nous avons beaucoup souffert ) : or , je possède infortunément quelques notions de grammaire dans la langue de Shakespeare : si elle m’avait dit simplement “safe“ , elle m’aurait signifié que , parmi les chauffeurs de taxis, on distingue d’un côté des gars bien honnêtes ( à 41 $­­­­­­­­­­­ la course, on peut se  permettre d’être réglo , note du trésorier) , et de l’autre des truands qui vous emmènent dans des quartiers louches pour vous dévaliser . Mais “safer ” ! Plus fiables ! Subtilité de l’usage du comparatif ! La fiabilité , de ce fait  , serait-elle ici un concept inexistant  dans l’absolu? C’est avec un atroce sentiment de relativité quant à la sécurité de notre situation que nous entrons dans le taxi , et j’ai tout le loisir de me faire un sang d’encre sur ce qui nous attend , en traversant une banlieue étendue à l’infini . Qu’est ce que j’en connais au fond des argentins ? Maradona, un cocaïnomane, Evita Peron, une actrice populiste, Carlos , un terroriste épouvantable  , Borgès, un prix Nobel peut-être mais un fieffé menteur assurément ... Même Benjamin ignore comment désigner la femelle de l’argentin ... Cependant nous voici enfin au pied de l’hôtel AMERIAN , plutôt classe , même un peu mieux que le MARRIOTT ceci pour assener un coup définitif au moral du lecteur qui croupit dans son gîte urbain. Comme Benjamin en écrase lourdement j’en profite pour compléter cette relation de voyage , non sans m’être prélassé au sortir de mon bain matutinal dans un peignoir frappé aux armes de notre auberge. Retrouvailles émues avec un petit DAVIDOFF. Que les ignorants ne s’offusquent pas : il s’agit simplement d’une marque de cigares, très classe, de chez classe. Il faut que j’annonce à Benjamin que nous avons dépensé tout notre bon argent et que désormais nous devrons nous contenter de manger des nouilles. Voilà , c’est fait .




















        Première sortie : il fait frisquet . C’est l’automne, les feuilles jonchent le sol , les arbres ont l’air malades , c’est Novembre ici . Nous approchons de l’Obelisco planté sur la plus large avenue del mondo : nous sommes moyennement impressionnés , très franchement  le souvenir rapporté par Bonaparte de Louxor exposé place de la Concorde et la place Tianelmen sont plus imposants. La prochaine fois je ne sors pas sans mon double décimètre afin de remettre les pendules à l’heure .

        Un petit café chez les chrétiens ; Benjamin tenté par la conversion pardon la conversation avec la serveuse fort aimable . L’accorte soubrette nous initie à la langue de Cervantes : on dit du café qu’il est muy bueno et non muy bonito . Il y a un groupe femme qui me fait penser au bon vieux temps de Bourg-la reine .

    ********

        Prêcheurs vociférant : il faudra nous y faire, quand ces gens là ont une conviction , il se sentent dans l’obligation de le hurler dans un mégaphone en sautillant. Je suppose que c’est conforme au manuel du petit prosélyte. C’est fatigant à écouter et à regarder .

        Nous téléphonons à tout le monde : quel soulagement de savoir qu’on ne nous a pas oublié . Mumu aurait bien voulu que ça dure une demie heure mais heureusement on avait acheté une carte avec un tout petit crédit. Raphaël était très étonné que nous comptions encore au nombre des mortels .

        On jette des yeux partout , ce qui est ressenti péniblement par Benjamin d’autant plus qu’il a niqué ses belles lunettes de soleil. Nous pénétrons histoire de ne pas faire un sevrage des U.S. trop brutal dans le Mall Pacifico que ça ( tout à mille pesos , comme il y a les magasins tout à un dollar aux U.S. : commentaire ironique incompréhensible à celui qui ignore qu’oune peso = 1 $­­­­­­­­­­­ ).
 
        Pourquoi ne suis-je pas logé au Sheraton , ***** , mais à l’Almerian, **** luxe ? Diverses hypothèses se bousculent dans ma cervelle dévorée par l’envie et meurtrie par le ressentiment:

1°) je ne le mérite pas , ce serait trop beau pour moi
2°) ils ont voulu me forcer à faire une petite marche à pieds le matin tôt sous la pluie glacée de l’automne argentin
3°) ils s’imaginent que ça va me décourager de fréquenter les congrès pour refaire mon stock de stylos à bille
4°) le Sheraton ne reçoit pas les transfuges niçois , français de surcroît
5°) ils ont su que j’étais flanqué d’un fleuron de la culture ardéchoise et craignent que le dit fleuron ne trouasse leur moquette en installant sa tente .

        C’est Rocky à la télé : comment Benjamin m’a laissé mourir de faim pendant qu’il se nourrissait spirituellement en regardant le film jusqu’au bout .

        Lecture attentive des  recommandations au voyageur du livret de bienvenue à Buenos Ayres : au paragraphe Seguridad  :

- deje en la casa fuerte del hôtel el pasaporte, el pasaje aéreo y dinero
- preferemente evite pasear por calles demasiado desiertas o plazas por la noche
- después de las 22 hs. no tome taxis de la calle . LLame a servicios de radio taxis o remises .

Ça nous fait frio dans le dos .

        Benjamin pète le feu il reste un long moment en extase devant le plan de B.A.

        Il y a gras de trucs à voir c’est impressionnant. Pour notre première soirée nous partons dans le quartier mouvementé “la Recoleta” où nous constatons que la possibilité de trouver un resto typico est moins évidente que celle de tomber sur une cantine “attrappa-tourista”(ne pas traduire : “Chope-chiasse”, quoi que) , bref , après avoir fait un petit tour (N.B.: Désormais un petit tour pour nous c’est 4 ou 5 kilomètres) nous atterrissons dans une bicoque muy sympatico. Pendant que nous dégustons un énorme bif

           *
de chorizo  ( attention mm , faux amigo espagnol ! note du traducteur) Benoît me donne un léger cours sur les aphasies du langage (il ne s’agit pas de marcher autour de la table avec un caleçon sur la tête en récitant n’importe quoi pendant 3 heures) qui s’arrêtera au moment du flan accompagné de la “dulce de leche” qui fera beaucoup parler d’elle. La serveuse en jette un max, elle est mega-souriante et en plus elle a la bonté d’essayer de communiquer avec nous , Benoît s’en sort plutôt bien mais il se sert de moi comme faire-valoir, du genre:
(accent hautain ) “Mi hijo es mucho mas joven para estar neurologuo” , en plus il me donne des conseils de drague légèrement douteux : “Si tu veux lui plaire , dit-lui: usted es mucho fea , sabe ?” (tradùcçione: tu es très laide , tu sais?) et oui même mon propre père peut être antipathique. Nous finissons le repas à 23h00 mais Nathalia parvient à nous convaincre (grâce à son extrême gentillesse physique) d’attendre le chanteur jusqu’à 0h30. L’artiste commence à 0h45...à 1h00 nous sommes dans le taxi direction l’hôtel.

                    zzzzzzzzzzzzzz

        Pratique intensive de l’espagnol : consultation du dictionnario muy pequeno mais bastante para nosotros. Symposium de souffrance chauvine pour Benoît : envie furieuse de partir dès le début en écoutant l’anglais poussif d’une intervenante française , une vraie torture qui ne m’a pas fait rire du tout . C’est dire l’intensité du désastre . Attaques de sommeil consécutives aux frasques de la veille. Rencontre d’un neurochirurgien de Marseille qui me confie qu’en Argentine tout est à voir sauf Buenos Ayres . Très encourageant . Nonobstant ce diagnostic je persiste à partager l’optimisme de Benjamin . On part pour les quartiers chauds : San Telmo, La Boca . Le tronçonneur de têtes m’a dit d’y aller en jeans , et à plusieurs . Est ce que deux , c’est déjà plusieurs ?  Peut être sont-ce là nos derniers messages à nos familles et amis . Qu’ils sachent que nous pensons à eux en ces moments d’appréhension devant l’inconnu ....

        De retour le soir , vers 19h30, deux heures à tuer au moins avant la comida : en effet , ici , on dine très tard. Increvables apparemment ces argentins . Profitons en pour raconter le périple qui nous a conduit à travers le vieux Buenos Ayres , dans des rues de plus en plus étroites , d’un Bario à l’autre, chacun étant autonome , toutes les quatre rues il y a une avenue , la ville est quadrillée avec des zones intermédiaires dont certaines nous ont paru dangereusement désertes.



        Tout d’abord la place de Mayo , où Benjamin a eu la détestable initiative d’acheter , plus cher que sur le parvis du Sacré Coeur, des cacahuètes grillées et caramélisées (des pralines en somme ) ; c’est bon mais ça se sait parmi le peuple des pijonos ( un croisement entre nos pigeons , ces rats volants familiers, et les fameux piranhas que j’ai vu dans Tintin - je dois à la vérité de révéler même si cela rappelle des mauvais souvenirs à Benjamin que ces poissons carnassiers apparaissent dans l’Oreille Cassée )  : aussi avons nous été l’objet d’une attaque en règle . Heureusement , Benjamin a hérité de mes réflexes et au moment où il allait perdre un doigt , benjamin évita pijon . ( rires ) .

        Sur cette place se situent moulte bâtisses dont la pyramide de Mayo , certainement pas aussi impressionnante que Khéops , Kephren ou autre Mickeyrhinos but we don’t Caïre.

        Ensuite, cap via la Calles Reconquista sur le bario San Telmo : une rue déserte puis soudain une populace bigarrée , des statues vivantes, de Carlos Gardel ou de Charlie Chaplin, des joueurs d’accordéon , de bandonéon , d’orgue de barbarie, de harpe indienne, et , très typicos , de Didjieeridou , enfin c’est l’orthographe que me dicte Benjamin, on verra quand il passera son concours si c’est bien exact tout ça . Un marché aux puces avec des centaines de bouteilles d’eau de Selz à 25 $­­­­­­­­­­­ , et tout un tas de cochonneries d’époque . Et des danseurs de tango , les types sont vieux avec des costards à rayure qui en jettent un max, les filles sont plutôt bien roulées ; des chanteurs de rue ; une musique envoûtante que j’écouterais des heures . Mais comme deux modernes Ulysse échappant au chant des sirènes , nous parvenons grâce à notre fameuse force de caractère à nous arracher et nous filons vers la Boca . Nous traversons un grand parc occupé par des échoppes d’artisanat local qui nous permettent de constater que décidément la vente au détail d’horreurs est un phénomène épidémique n’épargnant nul recoin de la planète  ; nous écoutons abasourdis  par les séquelles de la junte qui autrefois sévissait en Argentine , une bande de musicos exécutant au sens haute cour militaire du verbe une sorte de fusion entre le plus mauvais des groupes progressistes des années 70 débutantes ( pat’ d’ef’ et pédale ouah ouah ) et la musique des Andes qui a justifié à elle seule l’extermination des Incas par les conquistadores . Nous trouvons notre salut dans la fuite mais ce massacre sonore nous a fait perdre notre légendaire sens de l’orientation et nous voici engagés dans une avenue cradingue , murs lépreux et bicoques en ruines, quasi-déserte ; nous croisons quelques indigènes aux allures inquiétantes , fuyant leurs regards en coin je vérifie fébrilement que mon portefeuille est toujours en place ; accostant un autochtone à l’apparence plus civilisée nous lui demandons conseil et je suis aussitôt tenté de partir dans la direction exactement opposée à celle qu’il m’indique ; c’est  miracle si nous retrouvons notre chemin après des kilomètres d’incertitude .

        Il s’agit bien d’un miracle en effet : d’abord, nous percevons des accords de cuivre avec une grosse caisse qui fait boum .  La curiosité l’emporte sur la crainte et nous approchant prudemment , nous apercevons un hélicon , émergeant d’ une fanfare , laquelle précède un trio ecclésiastique , lui-même en tête d’une procession en l’honneur d’ une vierge dorée trônant sur un palanquin porté à bras d’hombre par une papardelle de costauds flanqués de gardes en uniformes style XVIII ème siècle . C’est une rencontre du destin Bunuelesque ! La rédemption peut-être pour les mécréants que nous sommes ! Du mégaphone jaillit des torrents de bonnes paroles ! Qui sait ce qu’il fût advenu de nos âmes si nous avions seulement pu les comprendre ! Ah ! si le sacristain avait joué avec des piles neuves ! Si nous restons, nous risquons d’être tenté d’y croire , comme celà est arrivé au pauvre Pascal , aussi fuyant le bonheur simple des croyances charbonnières nous nous engouffrons dans une petite rue et quelle chance  nous tombons pile sur les façades colorées caractéristiques du quartier des dockers, le quartier de la Boca . Il y a là encore des chanteurs de tango , des boutiques rigolotes , des bars ,  le Samovar de Raspoutine , accueillante taverne où l’on peut prendre une leçon de Tango avec un professionnel pour 5 pesos . Parvenus sur le quai , nous prenons un café sur un bateau amarré à perpétuité,  d’où nous observons un  couple et leurs deux enfants, un garçon et une fille , lesquels enfants dansent le tango pendant que le padre harangue la foule sur les vertus de la cellule familiale  . La madre en attendant suçote avec une sorte de tuyau une infusion dans une petite marmite fumante ? Ce comportement qui a une importance ethnographique certaine devra être précisé plus tard . J’ai d’ores et déjà repéré une affiche sur laquelle me paraissait être détaillée la fonction de ce récipient . A côté de cette affiche, deux autres exposaient l’une la pratique du tango , l’autre l’usage qu’il convient de faire d’un chorizo ( pour les non-hispanisants qui nous liraient , un boeuf ) , à savoir son découpage en bons bifes. J’ai lu quelque part que l’argentin moyen ,  en consomme un demi par an en moyenne , en comptant par conséquent les nourrissons et les vieillards cacochymes . Je m’imagine, tel un moderne La Fontaine, tirer parti des observations sur le terrain que nous accumulons , rapprochant le Crapaud de Mott Street et le Boeuf de Buenos Ayres, chacun promis à un destin cruel .

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        Assez ratiociné sur les particularités des indigènes de la Boca , il nous reste quelques $­­­­­­­­­­­ et Benjamin me paye le taxi pour rentrer quand tout d’un coup jaillit une idée nouvelle aussitôt mise en pratique : notre sympathique chauffeur , qui s’est mis en tête de nous expliquer dans un espagnol rocailleux le pourquoi et le comment de la ville , lorsque je lui demande le nom du café que fréquentait Carlos Gardel, s’écrie avec un grand sourire “ TORTONI ! “ . C’est parti pour TORTONI ! Nous ne sommes pas déçus : un café extraordinaire , où je sirote un chocolat au cognac en matant de vieux couples d’habitués , un garçon septuagénaire en habit , noeud pap et serviette blanche repliée sur l’avant bras , tellement archétypique qu’il faudrait l’empailler , des joueurs de billard, un orchestre qui joue le tango inlassablement derrière un rideau rouge, des colonnes, des lumières comme sans doute il y a un siècle ... On rentre à pinces sans égard pour les arpions de Benjamin qui lui font entrevoir ce que lui réserve le grand architecte au soir du jugement dernier ...

        Et comme la noche est cada , que nos estomacos crient famina , nous voici tels des loups chassés de leur tanière par la faim repartis pour TORTONI histoire de tester (nous avons testé l’Argentine pour vous ) , pour Benjamin les toasts special TORTONI , et pour Benoît un bife gigantesque, vachement bon commenterais-je cruellement .

 
       Nous mangeons donc au Tortoni (aujourd’hui on varie vachement les plaisirs ) c’est Benoît qui insiste. Tout se passe très bien pendant le repas , mon padre se tient parfaitement correctement avant de se prendre pour Will Smith dans “Men in Black” et de flashouiller tout l’monde avec son SUPERAPAREILFOTONUMERIK (“Oh, écoute , il est trop magnifique ce café”), Bref , la honte , la rchouma pour moi mais , compréhensif , je prends cela comme la vengeance des canettes de cocas à Londres.


        Heureusement qu’on a pas raqué 12 $­­­­­­­­­­­ pour la noches del tango dans la petite salle privée , les musiciens et les danseurs ont jeté l’éponge faute d’auditoire . Nous rentrons repus en nous demandant ce qui reste à voir dans cette bourgade et Benjamin émet une réserve concernant le trajet en Autocar pour Iguaçu , dix neuf heures aller et peut-être un peu moins au retour vu que ça doit logiquement descendre  lui paraissent un peu longuet . Je lui fais remarquer qu’il a amené de la lecture en particulier un traité de grammaire en quinze tomes  (heureusement qu’il n’a plus l’âge que je lui porte sa valise).

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        Tellement zzz cette nuit que je me lève en retard et je file à toute allure au congrès sans même profiter  de mon desayuno . Je me rattrape sur les petits fours des buffets dressés ça et là . Entre deux sessions plutôt interessantes (à un petit détail près ,  j’ai rencontré madame Euh , une canadienne anglaise insupportable , incapable d’aligner trois mois sans hésiter , et de surcroît l’épouse du Chairman ! une sorte de Xavière locale .... ) . Je sens que Benjamin est déçu, aussi j’hypothèque la maison pour acheter des billets pour les chutes . Deux minutes après avoir engagé l’avenir de ma famille , je tombe sur une affichette annonçant le congrès 2002 latino-américain d’épileptologie à ... Foz de Iguaçu ! ironie du destin ! je ris de bon corazon  , tel l’indien auquel on l’arrache.



        Ce soir , on a prévu d’aller à l’Opéra . C’est ça aussi, être congressiste : on va pouvoir aller s’enquiquiner pendant toute une soirée , mais on sera bien habillé . Va falloir que j’apprenne à Benjamin à faire un noeud de cravate . C’est pas gagné d’avance , comme disait Fignon avant la finale du tour de France qui l’opposa au blaireau (Bernard Hinaut , pour les ignares ) .

        J’avoue, je suis bien nippé , Benoît me motive pour la soirée : “Tu vas voir, j’ai des supers places on est juste en face des musicos” , Effectivement on est juste en face seulement je ne savais pas qu’ on serait au 6ème étage (le dernier) et que les musiciens ressembleraient aux Yellow Cab de New York vus du haut de l’Empire State building , en plus , pour les admirer , il faut se pencher (si tu te tiens droit tu as droit au lustre et basta). Message personnel : Quand j’étais petit j’adorais me mettre dans les cadis des supermarchés , à 20 ans c’est plus chaud au niveau de la place pour mes gambettes. Heureusement, la musique est excellente . Conclusion de cette expérience : L’ opéra c’est comme le sauna .... ça fait du bien quand tu sors.

        Les photographies montrent bien la réalité telle qu’elle est : au parterre , des bourgeois essoufflés à la simple idée de grimper trois marches . Des rangs entiers restent vide . J’imagine des groupes de japonais ou autres epileptologues exotiques qui ont préféré s’agglutiner dans un karaoké . Les sièges cossus recouverts de velours rouges avec accoudoirs sont vides , tandis que les pauvres ( c’est nous ) serrés comme des harengs sont perchés juste sous le paradis , sur les durs strapontins de la gallerie . Une jolie dame italienne est assise à côté de Benjamin , mais elle s’endort rapido tandis que Miguel Estrella dont nous apprenons qu’il fut un martyr au sens propre de la musique argentine nous égrène avec son groupe ( le sextet de dos mundos ) valses, tangos , musiques traditionnelles avec des arrangements super modernes qui nous prennent aux tripes . La chanteuse se porte bien avec beaucoup de monde au balcon 7LK2 étant bien considérée notre situation plongeante avec angle de vue imprenable lorsqu’elle se penche pour faire la révérence ,  et sa voix est muy magnifico . Au moment où Estrella attaque la partie classique et demande à son public adoré doyoulike Chopin, manque de bol les fourmis nous ont dévoré les quilles et il faut se sauver à toute allure . Toute grande allure dois-je préciser  , avec Benjamin en costard cravate qui en jette et nous ne pouvons nous permettre moins que de nous rassasier au bar irlandais situé en face de l’hôtel , de Bifes et autres raviolis ( la serveuse , fort mignonnette a tenté d’expliquer le contenu des raviolis , c’était peine perdue , comme de faire comprendre le contenu de la critique de la raison pure à un analphabète sponsorisé par l’éducation nationale ) , le tout dans une ambiance musicale  groove .

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Lever de bon matin , de grands projets en perspective : centre culturel Borges , visite du musée d’histoire hispano-américaine, musée des beaux arts ... ce qui promet une bonne ballade mais manque de chance nous arrivons trop tôt les musées n’ouvrent qu’à 12 h 30 voire deux heures de la tarde ...

 
      Pour tuer le temps quoi de mieux qu’une bonne petite visite de cimetière . Pas vraiment enchanté par cette nouvelle proposition de mon père “Faut quand même qu’on voit la tombe d’Eva Peron” j’y vais finalement d’un pas décédé. Pour trouver la tombe de la célèbre chanteuse c’est pas difficile c’est celle qui est à moitié recouverte de fleurs et bizarrement c’est l’une des moins belles.


        Je me fais harceler par une bande de vieilles argentines pressées de me vendre des aveugles , et qui trouvent le moyen lorsque je prétends fielleusement de pas entender el espanol , de démontrer des talents polyglottes lesquels me poussent dans mes derniers retranchements . Heureusement pour me défendre je peux affirmer sans mentir que j’ai perdu Benjamin dans l’extravagant dédale que forment les allées du cimetière, préoccupé que j’étais de mitrailler les tombes sans attirer l’attention des gardiens innombrables présents à chaque intersection . J’avais l’impression pénible de commettre un sacrilège , et c’est à la dérobée que j’ai photographié une partie du mausolée  d’Evita , laquelle si j’ai bien tout compris est une sorte de symbole pour les Alonzo locales.

        Retour avec un état d’esprit des plus joyeux , calles ayouyou pour prendre le café de la fin de matinée aux “las portenios “ qui nous avait si bien réussi le premier soir et effectivement les serveuses ont changé mais sont toujours aussi muy guapa . Les partitions de tango seraient dénichables du côté de la rue Uruguay, à deux pas d’ici (environ une petite heure de marche ) .



        Nous croisons des promeneurs de chiens , l’un d’entre eux tenait une meute en laisse . Que de thunos il doit se faire! S’est exclamé Benjamin ; sur ses prunelles on pouvait lire :
      ^   ^
    ($­­­­­­­­­­­) ($­­­­­­­­­­­)
    !
    <>
ou plus précisément :
                *




         Une dame très chicos tirait son dogue au bout d’une laisse longue comme un jour sans pain , devant un arbre aux racines gigantesques  au creux desquelles dormait un hobbo . Tout ceci peut paraître incroyable, mais fort heureusement , contrairement au baron de Munchausen que l’on devait croire sur parole , nous avons des preuves photographico-électroniques !




        Musée des beaux arts : pas très grand , peu d’oeuvres cf catalogue , boutique du musée inconsistante, mais qu’est ce qu’on va bien pouvoir ramener ? Quand même pas des bifes congelés ?  Les cartes postales elles-mêmes sont inexpédiables ! Quand aux photographies des oeuvres que je glane ça et là selon les tours et les détours du parcours fléché que mon sur-moi (“ il s’appelle mumu“, musique de Puccini ) m’impose , elles sont loupées parce que je n’ai découvert qu’à la dernière seconde devant un Rembrandt l’astuce pour éviter le flou pas artistique du tout caractérisant toutes mes prises de vue pour l’instant : il faut appuyer sur la petite fleur , et non sur les montagnes . Comprenne qui pourra . Et tant pis pour le piccolo GUARDI qui était bien joli pourtant et m’a fait penser à une certaine charmante personne qui se reconnaîtra j’espère .

        La lecture du trotamundos d’Argentine et quelques conseils plus ou moins bien éclairés tant il fait sombre sur Buenos Ayres ( j’ai acheté un recueil de palabrès de Tango , qu’on aille de prisa me quiérer une corde et oune pistolé ) , m’ont dissuadé d’imposer à Benjamin un départ avec obligation de se trouver à l’arrache une fois sur place un gîte , un bus ou la vingtaine de kilomètres qui sépare Puerto Iguaçu des chutes pedibus , les autorisations espéciales pour franchir la frontière brésilienne , les entrées dans le parc.... . Nous aurions préféré de loin l’aventure et les emboucanages, mais la dure réalité nous contraint à dormir en toute simplicité au Sheraton , Internaçional Hôtel , cinque ***** au coeur de la jungle en sirotant une margarita glacée dans  un jacusi fumant .

        Vers six heures course effrénée en direction du Bario situé à proximité de la station Uruguay , afin de trouver quelques partoches de Tango grâce auxquelles je vais pouvoir définitivement crever les tympans de mes voisins .

        Ce soir Benoît décide de m’ emmener dans un resto branché “le Verde” ,  à l’intérieur la déco n’est évidement pas rouge . Une chanteuse met l’ambiance (elle devait être vachement mignonne dans les 70’s). Ce qui est bien ici c’est que Benoît ne se plaint pas d’être le plus vieux de l’assemblée. Une fois de plus il varie les plaisirs et se commande un énorme Bife aux petits oignons. Nous finirons la soirée au “Lotus” en buvant des cocktails dignes de ce nom , padre esta cuito ,  rentrar pionçaro.

        Précision du padre , pas si cuito que celà : ce soir est un grand soir , c’est la première fois que mon fiston m’invite à boire et donc j’ai tenu à être à la hauteur . D’ailleurs je suis resté fidèle à la tequila du début à la fin. Et j’ai parcouru les cent mètres qui nous séparaient de l’albergo peut -être pas très droit  mais tout seul .

                    zzzzzzzzzzzz

        Miercoles ! déjà Miercoles ! Lever d’un bond avec une seule idée en tête: téléphoner à Juliette pour son compleano ( plus approprié qu’anniversario lorsqu’il s’agit d’une personne, ceci pour les puristes de la route stratégique et leur grand mère de Port Royal ) . Mais le sort s’acharne , sous la pluie battante , je ne peux que laisser un message sur le portable de Mumu , Dieu seul sait ce qu’elle fait à l’heure qu’il est ! “bonjour c’est mumu vous pouvez laisser un message “ ! A douze mille kilomètres !

        Comme Benjamin le fait remarquer, quelle autre occupation un jour de pluie que de se rendre au zoo ? Effectivement , c’est le meilleur endroit pour bien saloper ses godasses dans la gadoue et les déjections de tous les animaux qui croisent notre chemin , en liberté ! Il pleuvait moins dans le pavillon especial Rain Forest que dehors . Enfin , on peut se prévaloir de quelques rencontres bien sympathiques : mygales en velues-en-voilà , scorpion contemplant son desayuno lequel tente de se débiner mais à mon avis la cage n’a pas d’issue , grosses blattes bien dégueu que je vais faire agrandir pour les mettre au dessus du lit de Juliette , serpents d’eau comme on aimerait pas en rencontrer dans sa baignoire , chouettes qui ont fait une drôle de binette lorsque je les aies aveuglées avec mon super flash électronique , paon refusant de faire la roue , perroquet incapable de prendre la pause , un drôle de ouistiti pas plus gros qu’une main, la petite cousine à Rustine de Pékin, que nous avons baptisé Rustinette illico et par conséquent ; tigre blanc ne tenant pas en place, ours blancs vautrés, ours bruns agités , hormiguaros ( fourmilier , note du traducteur ,cf la mygale et la hormi ) , éléphants saccageant les branches des majestueux accacias qui entourent leur enclos avec piscine, sous le fallacieux prétexte d’une fringale de onze heures, enfin nous leur avons tiré le portrait à tous (manquent malheureusement à l’appel certains pensionnaires de ce zoo subventionné  ayant manifestement acquit une mentalité de fonctionnaires et roupillant d’un sommeil injuste dans leurs coquettes tanières taillées dans le béton  alors que nous avons  parcouru trente cinq mille kilomètres rien que pour les voir ) et on vous en infligera l’intégralité à notre retour , amis lecteurs . Il y a même un chat , qui a accepté gentiment de faire un clin d’oeil à Mumu lorsque Benjamin l’a minacé geste à l’appui de lui crever l’autre s’il n’obtempérait pas aussitôt . Ah ! l’effet d’une sévère admonestation !






        Mais bon il y a assez de chats borgnes à Istanbul , pas besoin d’en rajouter ici. Passer une journée pluvieuse au zoo c’est un peu comme avoir une migraine ophtalmique devant les chutes du Niagara  .... on voit pas grand chose. Mais bon Benoît voulait absolument observer ces oiseaux colorés qui parlent alors j’ai dit à mon père OK. Le paon n’a pas voulu faire la roue pour la photo , on lui a demandé pourtant, mais il avait l’air content et il était armé alors on a pas insisté , et oui car , pour ceux qui ne sont pas au courant , l’ heureux paon tire. En voyant Bambi Benoît ne peut s’empêcher de lui annoncer le décès de sa mère , j’ai trouvé ça légèrement sadique mais bon Bambi le savait déjà et oui , encore une fois pour les inculturés , il faut savoir que la biche est devin. Pour ce qui est des fauves nous avons vu le plus rapide du monde mais ce PD s’est barré avec les crocodiles c’est toujours pareil le gai part dans le marais. Déjà que mon oreille droite ne s’était pas bien remise des différents atterrissages , certains cris sauvages n’arrange pas son état et l’idée d’aller voir un docteur pour ça m’effraie car une consultation chez un oto-rhino c’est rosse. Bon je vais m’arrêter là , je ne vais pas me taper toute l’arche de Noé non plus, Benoît s’est bien marré et c’est déjà ça , si il avait été mon invité j’aurais pu dire mon hôte a ri . Stop ça commence à devenir re-loup comme dirait l’outre.  
 
        Ça gadouille de partout , le parc est vide , Benjamin se prend d’affection pour un groupe de porcins sauvages avec des soies comme celles des porcs épiques (je me tire par cette galipette phonétique d’une embrouille orthographique, ne sachant comment accorder porc-épic au pluriel ). Maintenant qu’on a bien marché , pour ne pas contrarier nos habitudes nous marchons encore un petit peu pour aller rendre hommage au monument des espagnols . Voyez la photo , sans commentaire de ma part , mais je me plie aux exigences de Benjamin , à son avidité de connaître quel qu’en soit le prix indexé sur le degré d’ usure de mes semelles ( à ce propos dilemme cornélien s’il en fût, qu’est ce que je vais mettre comme chaussures demain : mes affreuses ou mes horribles  ? Pour marcher dans la jungle , j’aurais du prendre mes Timberland’s qui font si mal mais que j’ai achetées au Canada ) .

        Enfin nous voici à la porte du musée d’art hispano-américain : le musée lui-même est très joli , style précisément hispanique , mais l’exposition “ ser et parecer” dont le titre me promettait des vertiges métaphysiques n’est pas bouleversante. Benjamin dans la boutique du musée ( une vingtaine de brochures , une dizaine d’objets plus quelques affiches sur les étalages , rien avoir avec le MOMA  ) tente de se faire expliquer la recette d’El Mate ( cf étonnement non feint relaté plus haut , et à la Boca ) . Tant de curiosité ethnographique m’enchante , mais n’est-elle pas un peu curieuse cette frénésie de connaissance  au sujet de toutes les manières de fumer , en l’occurence de la yerba ? J’apprend avec soulagement que des tentatives d’acclimatation ont eu lieu en Asie et en Afrique mais qu’elles ont toutes échoué. De retour à l’hôtel chic ! j’ai enfin le numéro de téléphone de Juliette et je peux lui souhaiter de vive voix un bon anniversaire !

                    *

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        Un tour par le centre culturel José Luis Borges, avec quelques expositions dont un groupe d’italiens , avec un travail sur des matériaux je suppose hypermoderne qui donnent du relief à la toile . Ne dit-on pas les reliefs d’un repas , pour en désigner les restes ? Par égard pour le lecteur j’éviterai de decliner ici ( concession semantique et pedantesque  à la modernité) la liste des reliquats et autres déjections que ces oeuvres m’ont permis d’évoquer . J’erre comme une âme en peine dans les rayons de la galeria Pacifico, à la recherche de quelque colifichet à rapporter (un grand merci à l’inventeur de Word 5 qui m’a permis d’effacer sans rature le “ ramener “, premier jeté mais aussi sec supprimé ,  toujours un effet surmoïque de la grand mère de Port Royal et de ses sycophantes , voyez du côté de la secte de la route stratégique ) . Je sens que nous allons acheter une douzaine de marmites à Mate.

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Date de création : 21/11/2009 : 10:19
Dernière modification : 01/02/2011 : 22:27
Catégorie : Voyage Aux Amériques
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