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Le cerveau des jésuites II : fascination et sidération

 Le cerveau des Jésuites II

Abbaye de la Celle, le 19.II.2011

Fascination et Sidération

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    Troisième terrain d'action des jésuites, et probablement le plus important, l'enseignement, tant des missionnaires que des élèves des collèges, ici le collège de la Flèche, qui accueillera en particulier Descartes. Lorsque les Jésuites seront expulsés, en 1764, deux cents collèges fermeront, où était instruite l'élite du pays. J'insiste inégalement sur deux piliers de la pédagogie jésuite : la pratique du théâtre, et plus généralement des divertissements, en toute occasion.



    Corneille est un élève des jésuites, il a joué enfant les tragédies des Pères Mousson, Petau, Caussin, Cellot, qui donnèrent de 1608 à 1626 des pièces au collège de la Flèche.



    Un exercice de fin d'année entre autres exemples : "Les Pères Jésuites qui n’espargnent rien pour instruire la jeunesse noblement, luy ont donné depuis longtemps le mesme exercice. C’est pour cela qu’ils font exposer tous les ans trois grands tableaux au public par trois de leurs écoliers. Chacun a la liberté de les examiner pendant tout un jour, et le lendemain il se fait une assemblée de personnes de qualité en présence de laquelle ceux qui croient avoir trouvé le vrai sens de ces énigmes, font paroistre la vivacité de leur esprit."



    Cette oeuvre de Claude Mellan (1598-1688), "le roi David accoudé", appartenant aux collections du musée de Nancy, fut  composée pour le titre- frontispice de l'ouvrage du révérend père Nicolas Talon (1605-1691), jésuite, intitulé "L'Histoire Sainte, Les Roys, Tome Troisième", Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1645. Si vous recherchez dans la base Joconde l'interprétation, vous lirez ceci : "Le roi David est accoudé sur un haut piédestal, à main droite, orné sur sa face d'un bas-relief présentant l'épisode de la mort de Saül, tandis qu'un jeune homme, placé derrière lui, à main gauche, porte le sceptre". En réalité, l'essentiel de la signification de cette estampe est perdu, si l'on ne prend la peine de se référer au Journal encyclopédique ou Universel, qui relate le commentaire du père Talon.  David est assis, accoudé sur un tombeau, plongé dans une profonde méditation. Derrière lui, Salomon, debout, le sceptre  en main et la couronne sur la tête, dans la fleur de la première jeunesse, porte vers le ciel des regards animés par la confiance : le tombeau sur lequel Dabid est accoueé présente dans sa face antérieurre, un bas-relief, où l'on voit Saül tombant sur la pointe de son épée, et Absalon, le fils de David,  percé de flèches. On peut lire sur la frise : Quomodo ceciderunt fortes ? Comment tombèrent les vaillants ?

    Talon ajoute : "la France voit au travers du cercueil de David Louis le Juste et l'image de votre Majesté". David est Louis XIV, Salomon Louis XIII, dont le surnom était Louis le Juste.  Henri III et Henri IV sont ces Fortes qui, réprouvés de Dieu, ont péri d'une mort sanglante, indice par elle-même de réprobation.

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    L'activité très spécifique dans laquelle les élèves des collèges jésuites sont impliqués et à propos de laquelle je voudrais insister est le rapport particulier aux images dont témoigne l'usage des recueils d'emblème. Ici, l'un de ces recueils, composé par le maître de Rubens, Otto Van Veen.


    Parmi les figures dominantes de cette prédilection pour les mises en scène, le Père Ménestrier, auteur de quantité d'ouvrages sur le sujet des médailles, des inventions pour les spectacles publiques, jusqu'aux décorations funèbres.



    Mais je souhaiterais vous entretenir avant tout, et ce n'est pas la première fois, d'une singularité des jésuites en matière d'enseignement : je veux parler de la pratique des emblèmes.  Ménestrier est l'auteur d'un Art des emblèmes, et de la Philosophie des images. Pour ceux qui ne savent pas ce dont il retourne : c'est un très curieux système que celui des emblèmes, qui nous est aussi étranger que le sont les hyéroglyphes, auxquels ils sont apparentés par la tradition, et qui nous entraîne dans un mode de pensée que nous ignorons tout à fait, alors qu'il a envahi l'Europe pendant trois siècles.




    Tout débute avec un juriste italien, Andréa Alciati, soucieux d'entrer dans le Parnasse de ses contemporains, qui édite un ouvrage qu'il place d'emblée sur le plan d'un nouveau genre littéraire, poétique.




    Il s'agit d'une quantité de compositions toutes conçues selon le même modèle : un titre, ou motto ; une image, ou pictura ; un texte enfin, subscriptio. Les emblèmes apparaissent en 1530, ils sont une évolution de systèmes symboliques que sont les blasons, les devises, les bestiaires, mâtinés des préoccupations de la renaissance au sujet des systèmes hermétiques, ésotériques, tels les hiéroglyphes.




    Le succès du genre est extraordinaire : Alciati est quasi immédiatement copié, pillé, et des livres d'emblèmes jaillissent dans tous les pays, dans toutes les langues, sur tous les sujets : l'amour, la morale, le théologique, le spirituel. Ils donneront naissance à l'Iconologia de Cesare Ripa, dont la première édition, non illustrée, date de la fin du XVIème siècle : mais dès la seconde édition, l'Iconologia, comporte une collection d’images symboliques assorties d’un titre et d’un commentaire, comme l’emblème. Le titre du recueil, sinon son contenu, est explicite : Iconologie ou, Explication nouvelle de plusieurs images, emblèmes, et autres figures Hyérogliphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes, et des Passions humaines […] nécessaire à toutes sortes d’esprits, et particulièrement à ceux qui aspirent à être, ou qui sont en effet, Orateurs, Poëtes, Sculpteurs, Peintres, Ingénieurs, Auteurs de Médailles, de Devises, de Ballets, et de Poèmes dramatiques. Plus de six mille titres seront publiés en trois siècles, que des centaines de modernes Champollion s'évertuent actuellement à inventorier et à caractériser sur le plan formel et sémantique.

    Les Jésuites commanditent 1710 ouvrages emblématiques imprimés et publiés entre 1597 et 1770 (dont 501 titres originaux), soit un tiers de la production emblématique totale4.  Le maître de Rubens, Otto van Veen, est l'auteur de recueils d'emblèmes très connus.



    Les principes qui gouvernent sa composition sont énumérés par de nombreux auteurs, avec des variantes ; ici je vous montre de manière exemplaire les conseils de Paulo Giovo (1483-1552) : il faut qu'il y ait une juste proportion entre le corps et l'âme, c'est à dire entre la figure et le texte. Que la devise ne soit ni si obscure, qu'elle ait besoin d'une Sibille pour l'interpréter ; ni si claire que chacun la puisse aisément concevoir. Qu'elle soit agréable à voir, et pour cela Giove dresse une liste des motifs bienséants. Qu'il n'y ait point de figure humaine, nous verrons que ce principe fera long feu. Enfin qu'il y ait un mot dans une autre langue que celle de la personne qui porte la devise. Principe qui demanderait un développement à soi seul.








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    Ménestrier fait évoluer l'Art des emblèmes (toute la nature est une boutique de Peintre ; le ciel est plein de figures et de crotesques depuis que nos Poètes et nos Astrologues y ont attaché des images de fantaisie ; il n’est pas jusques aux nues quelques grossières qu’elles soient, qui ne servent de table d’attente au soleil ; ce grand ouvrier ... mesle les jours et les ombres avec tant de succes...) vers la Philosophie des images : l'image constitue le véhicule essentiel pour comprendre ou transmettre toute idée. La rhétorique devient alors “ l'art de persuader par les images ”, son discours agissant par des images verbales ou figurées qui permettent de toucher l’imagination et au-delà la volonté.

















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http://www.youtube.com/watch?v=xBLbH6vRwk8


  
Appendice

Qu’est-ce qu’un emblème ?

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Andrea Alciati ( 1492- 1550)  Emblemata 1549


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    Puisant dans un imagier et créant des emblemes selon un code de correspondance, code dénaturé, destiné aux peintres, poètes, sculpteurs, graveurs, médaillers, brodeurs, tapissiers, porcelainiers, décorateurs selon des règles qui varient et vont aboutir à des sous-genres : les imprese, les devises, l’iconologia : en particulier, l’intelligibilité ne doit pas être évidente, ni trop absconse.

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    Enracinée dans les blasons, les devises, les bestiaires ; ajoutons la mode des hyéroglyphes

    Combinant un motto, une pictura, un commentaire

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Le caméléon est un être théorique jailli de l’histoire naturelle de Pline : qui se nourrit d’air, imite les couleurs environnantes et se meut très lentement

Nous donnerons trois exemples précis utilisant le caméléon

-    ad adulatores : cf Erasme, Della Porta, la Bruyère, et d’autres,
-    mutabile semper
-    festina lente : oxymore

ad adulatores

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Version Lefèvre du recueil d’Alciato  (1492-1550) : In adulatores, intitulé dans la version française Desloyauté, sous-titrée Contre les flateurs.
Alciato: Les emblemes, Lyon: Macé Bonhomme,

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Mutabile Semper

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Festina lente





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Raffaello Sanzio (1483- 1520) l’École d’Athènes 1509 Fresque, largeur à la base 770 cm
Stanza della Segnatura, Palazzi Pontifici, Vatican


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Camille Corot Château Saint-Ange Musée des Beaux-Arts de Lille


 Il traverse alors une crise qui l’amène à suivre les enseignements de grammaire et de théologie des universités de Barcelone, Alcala, Salmanque puis Paris.

    Denis Gauthier publiera la rhétorique des Dieux, i.e. la musique

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Date de création : 13/02/2011 : 19:14
Dernière modification : 19/02/2011 : 20:34
Catégorie : Conférences
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