Que puis-je ajouter ? Mon interlocuteur était tout déconfit, au bord de comprendre qu'il vivait depuis un demi-siècle dans la pire des illusions, celle qui consiste à nier obstinément que le monde tout entier en soit une. Mais un sursaut de rationalisme modifia in extremis la configuration d'un aiguillage de ses réseaux corticaux, et c'est dans la contemplation du fond son verre qu'il identifia la cause première de ce tohu-bohu mental. Nous avions en effet exploré à l'endroit et à l'envers la carte des shooters en s'arrêtant au B52, une arme de destruction cérébelleuse massive. Impossible de mettre un pied devant l'autre pendant deux heures, une fois recueillie la dernière goutte au terme d'une extension linguale caméléonesque dirait BK. Ni prononcer une parole, sans ressentir une sorte d'effondrement du massif facial antérieur. Cà tombait bien pour moi, Nic Payne entrait en scène et derrière l'orgue Hammond se contorsionnait ce fou furieux de Michel Chasles. Pendant cent-vingt minutes au moins je n'allais plus sentir mes jambes inutiles à mes vagabondages mentaux. Ces révasseries imbibées me ramènent inéluctablement au temps où celui qui s'agitait sur la scène, c'était moi.