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Le neurologue et l'hystérie

Le neurologue et l'Hystérie

Benoit Kullmann


    Permettez-moi en préambule de remercier Michel Benoit qui m'a fait l'honneur de m'inviter à cette prestigieuse réunion des psychiâtres de la région Nice-Côte d'Azur consacrée ce soir à l'Hystérie. Demander à un neurologue son point de vue sur cette question témoigne d'un grand sens de l'actualité. Enfin la présence parmi vous du professeur Guy Darcourt nous intimide certes mais nous laisse espérer un commentaire critique constructif.

   Commençons avec quelques extraits d'enregistrements vidéoscopiques  successifs d'un même patient : que voyez-vous ? Un ralentissement, une marche à petits pas, vous remarquez même des absences : absence d'expression du visage, de clignement palpébral, de balancement des membres supérieurs à la marche. Le pas se raccourci cependant que la marche s'accélère à l'approche d'un obstacle, d'une chicane, du pas de la porte. Le demi-tour est décomposé. Lenteur, rareté du mouvement, sur le second extrait vous vous dites que ça irait un peu mieux pour notre malade : il le dit lui-même, il ne tremble plus - cependant vous ne l'avez pas vu trembler sur le premier extrait. Il se place de profil : décidément, aucun tremblement, ni de repos, ce que nous cherchons, ni de posture, ce que notre patient imagine être un tremblement significatif pour nous, neurologues. Un troisième extrait maintenant : oubliez le côté un peu débraillé du personnage, retenez qu'il s'avance désormais d'un pas plus sûr, allongé, les enjambées sont quasi normales et les membres supérieurs agités d'un balancement. Le dernier extrait, où notre patient danse lors de son anniversaire une macarena endiablée, nous a été envoyé par son épouse, deux ans plus tard.

    Ce patient qui s'améliore sous vos yeux, vous pensez que je l'ai traité sans originalité et en appliquant des règles établies maintenant il y a quarante ans, avec une prescription de L-Dopa, ou pour le moins un agoniste dopaminergique. Ce serait possible. Le problème, est que je dispose d'information que la caméra n'a pu saisir : j'ai vu ce patient, hospitalisé pour un tableau de mutisme akinétique extrèmement préoccupant, mettre vingt minutes pour grimper dans son lit - et l'instant d'après se retourner comme une crèpe en trois secondes, dès lors que j'avais le dos tourné. Croyait-il.

    Je l'ai donc traité avec ce célèbre composé chimique injectable dont la formule est si ma mémoire ne me trahit pas H2O. Avec un résultat que je n'hésite pas à qualifier de spectaculaire. Plus tard j'apprendrai que ce patient pris dans un conflit terrible avec son père et son frère, avait une tante atteinte par la maladie de Parkinson. Ne pensez pas une seule seconde que nous allons parler des neurones miroirs !

    On pense à Gustave Flaubert, qui s'amusait enfant à imiter un épileptique croisé sur une plage de Normandie et agaçait prodigieusement son père chirurgien. Vous imaginez le doute qui a saisi certains lorsque l'on examine l'épilepsie que Gustave a développé à partir de l'âge de 23 ans. Certains n'y ont pas cru un instant - voir l'idiot de la famille de Jean Paul Sartre.

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     Une huile sur cuivre de Frans van Mieris l’ancien, rencontrée une fin d’après midi pluvieux à l’Hunterian Museum de Glasgow, qui ne figure sur aucun catalogue. Frans van Miéris le vieux est né à Leyde en 1635, il y est mort en 1681. Il est l’élève le plus doué de Gerrit Dou, et le contemporain de Vermeer de Delft, de Spinoza d’Amsterdam.

    C’est dans la tête, semble nous dire le docteur, tandis que la patiente essoufflée désigne sa poitrine.

    J’en ai vu des visites de docteurs hollandais, peintes par Gérard Dou (1615-1675), par Quiringh van Brekelenkam (c.1622-c.1669), par Jan Steen (1626-1679), par Gabriel Metsu (1629-1667), par Samuel van Hoogstraten ( Dorrdrecht 1627-1678 ), par  Frans van Mieris I lui-même (Leyden, 1635-1681).

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  Ces peintres de genre du siècle d’or hollandais sont rangés dans la rubrique « peinture précieuse », une sous-catégorie du mouvement baroque. Ils parviennent à une maîtrise inégalée de l’espace et de la couleur, tout en faisant de chacun de leurs petits tableaux un témoignage de leur univers à la fois physique et mental. Alors qu’ils ne peuvent plus compter en terre calviniste sur le mécénat de l’Église, ils élargissent les territoires du représentable, au delà du religieux et de l’historique, donnant à voir paysages, intérieurs, natures mortes, portraits, états d’âme, émotions, passions des corps et des visages, jusqu’à rendre l’intériorité même derrière l’expression, comme Jan Vermeer. En s’attachant à parfaire le moindre détail, d’un vêtement, d’une draperie, d’un reflet sur un bougeoir. Et ici, d’une modification du contour d’une cuvette de cuivre placée derrière une carafe.

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    Revenons à Van Miéris : l’index du docteur désigne sa propre tête, vous aurez compris l’intention du peintre : cette femme, qui montre son sein comme le lieu de sa souffrance, est en fait atteinte dans son esprit, localisé dans son crâne.  J’en ai donc vu une bonne série, de visites du docteur, mais aucune avec ce geste de la main, ce regard du médecin prenant le spectateur à témoin, et cette difficulté résolue, sur le côté, représentation délicate d’un phénomène, à propos duquel je m’autorise une digression dans un autre texte bâti à partir du même tableau et intitulé précisément "à propos de La visite du docteur de Frans van Miéris", mise en ligne quelque part sur ce site ( sous la rubrique conférences).

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    De l’autre côté de la baie flamande, vivaient à la même époque deux Médecins anglais : Thomas Willis  (1621-1675) et Thomas Sydenham (1624-1689).

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    Le premier est un anatomiste extraordinaire, qui a donné son nom en particulier au polygone artériel de la base, expédiant aux oubliettes le rete mirabile décrit par Galien et sur lequel Descartes avait bâti sa physiologie cérébrale. On reparle de lui actuellement parce qu’il fut le premier à décrire le syndrôme des jambes sans repos. Mais il s’est également intéressé à un processus pathologique connu depuis l’antiquité, qu’Hippocrate désignait par l’expression « suffocation de la matrice », et que Galien subordonna aux privations sexuelles.

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     Platon dans le Timée avait le premier décrit l’errance de la matrice comme celle d’un animal frustré :
« ce qu’on appelle la matrice ou l’utérus est un animal qui vit en elles avec le désir de faire des enfants. Lorsqu’il reste longtemps stérile après la période de la puberté, il a peine à le supporter, il s’indigne, il erre par tout le corps, bloque les conduits de l’haleine, empêche la respiration, cause une gêne extrême et occasionne des maladies de toutes sortes ». Timée 92c. L’utérus est un petit animal impulsif et vagabond.

    On remarquera qu’il ne s’agit pas d’une maladie mais plutôt de la cause commune responsable d’une variété de maladies : selon que le globus hystericus remonte vers le foie, la rate, les reins, le cœur, le cou, la symptomatologie ne sera pas la même. L’hystérie féminine coexiste dans la nosographie grecque avec l’epilepsie masculine et avec l’hypocondrie : laquelle est consécutive à une altération ( inflammation )  tantôt de l’estomac, tantôt de la rate, et entretiendra des relations variables avec la mélancolie, tantôt subordonnée, tantôt sur-ordonnée à celle-ci.

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    En 1618 Charles Lepois (1563-1633), qui fit ses études à Padoue et servit Charles III de Lorraine, nommé premier Doyen de la faculté de médecine avant de mourir de la peste à Pont-à-Mousson, fait de l’hystérie non plus une maladie cérébrale sympathique, consécutive à l’action d’un autre organe, mais une maladie cérébrale idiopathique, primitive, consécutive à un épanchement de sérosité qui infiltre le cerveau : il décrit une quantité de symptômes dont la systématisation lui est alors impossible : que nous classerions actuellement en sensoriels ( cécité, surdité ), sensitifs ( anesthésie, céphalées, douleurs ), moteurs ( perte de la parole, paralysies, contractures, tremblements, convulsions ), végétatifs ( palpitations, essoufflement, ptyalisme ).

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    Willis dans ses observations médicales publiées d’abord à Londres en 1670, et l’année suivante à Leyde, d’une part confirme que l’hystérie est une maladie des nerfs et non un désordre utérin, et d’autre part oppose l’hystérie féminine et l’hypocondrie chez les hommes. Certes il détache la notion d’hystérie de l’organe utérus, mais il maintient l’idée que cette affection est féminine. Cent ans plus tard, sont éditées les Observations de l’écossais Robert Whytt (1714-1766, reconnaissant l’existence d’une hystérie masculine.

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    Thomas Sydenham qui fut surnommé à la fois « l’Hippocrate anglais », « le Shakespeare de la médecine », le « peintre supérieur des épidémies » ( Louyer Vuillermay ) tant il fit de belles descriptions dont celle de la goutte, de la malaria, de la variole, de la scarlatine, et de la chorée éponyme, écrit dans la préface de ses observationes medicae :

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« En écrivant l’histoire d’une maladie, chaque hypothèse philosophique ou autre qui a précédemment occupé l’esprit de l’auteur devrait être laissée en suspens. Ceci fait, devraient être notées les manifestations claires et naturelles de la maladie – et celles-là seulement. Elles devraient être consignées avec précision, et dans tout leur détail ; imitant le savoir-faire exquis de ces peintres qui représentent dans leurs portraits les plus petits grains de beauté et les plus pâles éphélides ».

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« In writing the history of a disease, every philosophical hypothesis whatsoever, that has previously occupied the mind of the author, should lie in abeyance. This being done, the clear and natural phenomena of the disease should be noted – these, and these only. They should be noted accurately, and in all their minuteness; in imitation of the exquisite industry of those painters who represent in their portraits the smallest moles and faintest spots ».

Medical Observations, 3rd edition, Preface.
Translated by R. G. Latham in Works, Volume 1.

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    Imitation, telle est la notion dont Sydenham entend faire la clef de voûte de la description médicale réussie. Sydenham a traité d’une manière originale, jamais entendue jusqu’alors, de l’hystérie, conçue comme un désordre ou mouvement irrégulier des esprits animaux, lesquels se portant impétueusement et en trop grande quantité sur telle ou telle partie, y causent des spasmes et troublent les fonctions des organes :

« l'affection hystérique n'est pas seulement très fréquente, elle se montre encore sous une infinité de formes diverses, et elle imite presque toutes les maladies qui arrivent au genre humain ; car, dans quelque partie du corps qu'elle se rencontre, elle produit aussitôt les symptômes qui sont propres à cette partie (.…)

    Et si le médecin n'a pas beaucoup de sagacité et d'expérience, il se trompera aisément, et attribuera à une maladie essentielle, et propre à telle ou telle partie, des symptômes qui dépendent uniquement de l'affection hystérique. …Quand j'ai examiné une malade et que je ne trouve en elle rien qui ne se rapporte aux maladies connues, je regarde l'affection dont elle est prise comme une hystérie…. Je ne finirais point si j'entreprenais de rapporter ici tous les symptômes de l'affection hystérique, tant ils sont différents, et même contraires les uns aux autres. Cette maladie est un Protée qui prend une infinité de formes différentes, c'est un caméléon qui varie sans fin ses couleurs ».

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    Lorsque Sydenham veut exprimer le polymorphisme de l’hystérie, le caméléon sort du tiroir, accompagné de son ami Protée : cette divinité marine vieillissante, et vulnérable, fils de Poséidon, qui se métamorphosait en lion, en serpent, en sanglier chargeant, en taureau aux cornes effilées ; en rocher, en arbre, en rivière ou en flamme, afin d’échapper à ses agresseurs. Lesquels en veulent à sa faculté de prémonition. Le caméléon venait d’être examiné sous toutes les coutures par les anatomistes parisiens, menés par Claude Perrault en 1669.

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    Car l’une des caractéristiques les plus remarquables de l’hystérie, est sa diversité d’expression : comme chez les grecs, comme chez Lepois ou Willis, l’hystérie de Syndenham plus qu’une maladie est une cause, une pathogénie, lien commun d’une grande diversité de manifestations. L’autre grande idée de Sydenham est que l’hystérie imite les autres pathologies. Elle est par essence trompeuse, elle utilise la technique du mime. Comme le caméléon imite croit-on alors son environnement pour se dissimuler. Nous retrouvons la notion d’imitation, cette fois-ci placée au cœur de la problématique de l’hystérie.


Une leçon à la Salpétrière

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André Brouillet (1857-1914) Une leçon à la Salpétrière 1887
Musée d'Histoire de la Médecine Rue de l'École de Médecine Paris


    André Brouillet expose au Salon de 1887 Une leçon à la Salpétrière qui met en scène Charcot présentant sa célèbre patiente, Blanche Wittmann, à ses collaborateurs, élèves et amis. Mon intention n'est certainement pas de reproduire ici le magnifique exposé de Monsieur le Professeur Jean-Louis Signoret, que j'ai eu la chance de connaître comme enseignant - j'ai passé un certificat qu'il dirigeait sur la maladie d'Alzheimer. Son exposé publié dans la revue neurologique est une merveille d'érudition et de précision concernant les personnages que vous voyez ici représentés. Ne pouvant sans tomber dans le ridicule reprendre le même inventaire, je me suis rappelé une phrase de Taine (1828-1893 - une sorte de jumeau de Charcot, à propos duquel je vous ai déjà ennuyé abondamment ) qui traite de l’imitation : dans l’œuvre picturale, il s’agit de transcrire "non le dehors sensible des êtres et des évènements, mais l’ensemble de leurs rapports et de leurs dépendances, c’est à dire leur logique ". La physiologie du groupe plutôt que son anatomie. Donc je vais non pas tant disséquer les divers membres de cette assemblée mais m'attacher à en décrire le fonctionnement, la physiologie.

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    Un petit mot sur André Brouillet : je me suis rendu muni de mon appareil photographique au musée d'Histoire de la Médecine, rue de l'École de Médecine ; rien que pour vous j'ai gravi au péril de ma santé les escaliers qui mènent à ce lieu où l'on précise qu'il n'est pas question de prendre le moindre cliché à l'intérieur. Or, la toile gigantesque de Brouillet est à l'extérieur du musée : on tombe dessus si je puis dire à bout de souffle dès lors que l'on accède au palier du troisième étage. Je pense donc avoir mitraillé ( sans flash évidemment, recommandation inepte à qui pratique la photographie dans les musées ) cette oeuvre sans contrevenir. Comme vous le devinez, on ne peut éviter les effets de parallaxe, et ceci explique les distorsions de mes clichés. Mais à ma connaissance vous ne trouverez nulle part la précision que j'essaie de vous faire partager.

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        André Brouillet est né en 1857, il a vécu à Valence, puis à Poitiers et à Paris : il est reçu à l'âge de 18 ans à l'École Centrale, mais sa vocation de peintre fut la plus forte et il renonça à la carrière d'ingénieur. C'est un peintre académique : il exécute nombre d'oeuvres de commande, et celui-ci en est l'exemple : il a demandé un an de travail,  Son autoportrait n'est pas très convainquant, mais il avait la réputation d'être un bon portraitiste, et il a réalisé le portrait de la reine de Grèce et du tsar Nicolas II lors de sa venue à Paris. Ses oeuvres sont dispersées, et se comptent sans doute par centaines. André Brouillet est mort en 1914, au début de la première guerre mondiale.

    En 1887, lorsqu'il reçoit commande de la Leçon, il n'a que trente ans. 1887 est une drôle d'année : celle du début de la construction de la tour Eiffel, de la démission et de la coalition du général Boulanger, celle du scandale des décorations que vendait Daniel Wilson, le gendre du président de la République Jules Grévy.

*Pour la petite histoire, l'aventure de Daniel Wilson mérite d'être connue : il fut poursuivi pour corruption de fonctionnaire ; or un député n'est pas un fonctionnaire et donc la procédure fut annulée pour vice de forme ! et il fut réélu député par deux fois après ce scandale ...

    C'est aussi l'année de la dernière réunion des impressionnistes - mouvement qui n'exerce aucune influence sur André Brouillet. D'autres portraits de groupe voient le jour à cette période, certains très célèbres :

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Henri Fantin Latour (1836-1904) , autour du piano

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Henri Fantin Latour (1836-1904) , hommage à Delacroix 1864
Autour du portrait de Delacroix d'après une photographie : Fantin-Latour lui-même, James Whistler  à l'arrère plan, Edouard Manet les mains dans les poches,  Baudelaire

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Henri Fantin-Latour (1836-1904) Un atelier aux Batinolles 1870
de gauche à droite : Otto Schölderer, Manet, devant son chevalet ; Auguste Renoir, portant chapeau; Zacharie Astruc, sculpteur etjournaliste ; Emile Zola ; Edmond Maître ; Frédéric Bazille, qui sera tué quelques mois plus tard pendant la guerre de 1870 à vingt-six ans ;  Claude Monet.

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Henri Fantin Latour (1836-1904) , Un coin de table 1872
Debout : Elzéar Bonnier, Emile Blémont et Jean Aicard. Assis : Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, Léon Valade, Ernest d'Hervilly et Camille Pelletan. Le pot de fleur représenterait Albert Mérat qui ne voulait pas être peint en compagnie des sulfureux Verlaine et Rimbaud.


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André Brouillet (1857-1914) Une leçon à la Salpétrière 1887
Musée d'Histoire de la Médecine Rue de l'École de Médecine Paris

    Revenons à notre tableau : on peut distinguer plusieurs sous-groupes : à droite, le maître Charcot, qui présente à l'assemblée sa patiente, soutenue par un médecin tandis que deux infirmières se tiennent prêtes à intervenir : un brancard appuie l'aspect dramatique de la situation. Face à lui, assis sur des chaises, dans des postures témoignant d'une attention soutenue, un premier groupe ; la vigilance des spectateurs assis au fond à gauche, et plus encore de ceux qui se tiennent debout, est sans doute moins vive. Pour les quatre personnages assis derrière ce qui semble être une table, l'attention est variable, sauf en ce qui concerne celui qui, le crayon à la main,  est juste derrière Charcot.

    Regardons de plus près le premier groupe :

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    Bien entendu, le regard se porte d'abord sur cette figure féminine abandonnée, inerte, que supporte avec distinction un médecin sur la personnalité duquel nous reviendrons.

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    Les deux personnages féminins sur le qui-vive sont mademoiselle Bottard, la surveillante, à propos de laquelle le qualificatif dévoué semble avoir été inventé tout exprès, et mademoiselle Ecary, infirmière, dont la présence par elle-même a dû guérir bien des patients et faire grimper bien des pressions systoliques.

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    On appréciera la discrétion du médecin à la flexion délicate et remplie de pudeur de son index gauche. Pour saisir toute la difficulté de la situation de notre confrère je vous suggère de mimer la scène.

        Revenons à Blanche Wittmann.

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    Elle entre à la Salpétrière à l’âge de quinze ans comme fille de salle, femme de service, puis admise le 6 Mai 1877 comme épileptique simple à la 5ème division 2ème section. Le fait de rentrer comme employé puis d'être admis comme malade n'était sans doute pas exceptionnel. Elle avait présenté des convulsions dès l'âge de vingt-deux mois, son père d’origine suisse était devenu fou : sa mère décédée en 1872 était sujette à des "crises de nerfs" ; de leurs neuf enfants, cinq étaient morts, quatre de convulsion et un d’épilepsie (sic).

    Le  philosophe et psychologue Joseph Delboeuf (1831-1896) de Liège la rencontre à la Salpétrière en Décembre 1885 au cours d’une séance intime, selon sa propre expression : il relate l'entrevue, qui eut lieu probablement en présence d'Hippolyte Taine. "C’est une blonde alsacienne, de 26 à 27 ans, de taille moyenne, corpulente, poitrine richement meublée (sic), assez bien du reste de sa personne, physionomie insignifiante et placide. Elle est à la Salpétrière depuis son enfance ; elle est sujette à ce que l’on nomme la grande attaque hystérique ; l’Iconographie de la Salpétrière la représente sous bon nombre d’aspects. On l’a exploitée et explorée de toute façon. Pour le moment elle était enceinte, et on la faisait servir  à l’étude de l’action et de l’hypnotisme sur les mouvements du fœtus. Bref, c’est la pièce la plus curieuse qu’on puisse montrer, et propre à faire à elle seule la réputation d’un établissement public."

    Elle pouvait être mise en catalepsie à gauche, en léthargie ou en somnambulisme à droite, et en approchant d’elle à son insu un aimant soit à droite, soit à gauche, on renversera ce double état. Une attitude cataleptique non symétrique est inversée par l’aimant. Delboeuf écrit : "je suis de moins en moins convaincu de l’existence d’une polarité magnétique corporelle. Je crains plus que jamais qu’il ne s’agisse ici de phénomènes d’auto-suggestion ou plutôt de suggestion ignorée de part et d’autre dont l’expérimentateur est tout aussi dupe que le sujet". Il a une phrase que l'on ne peut oublier une fois lue : «  Cette Wittman, une fois endormie, est une véritable pièce de laboratoire vivante."
   
    Nous apprenons un peu plus loin qu'un monsieur Ochorowiz a inventé un hypnoscope - une espèce de bague aimantée qui permet de découvrir les sujets hypnotisables.

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    Je vais dire un mot maintenant de l'un des lieux communs les plus éventés de l'histoire de la neurologie. Regardez bien le poignet de Blanche Wittmann. Vous diriez certainement : voici un cas typique de dystonie. Une contracture hystérique selon la terminologie de Charcot.

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    Son collaborateur Paul Richer - c'est lui que l'on aperçoit très attentif le crayon à la main derrière Charcot - est l'auteur de séries de dessins représentant les différentes phases de la grande crise hytérique, parmi lesquels on trouve celui-ci :

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    Regardez bien la main dans la phase des contorsions - avec un opisthotonos : je redresse l'image :

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    André Brouillet avec un magnifique sens de l'observation, ce qui est le moins pour un peintre. Comme j'ai passé une partie de mon existence à constater que les artistes pour la plupart n'en faisaient qu'à leur tête, je demanderai que l'on me laisse à mon admiration.

    Et la tarte-à-la-crême de la neuropsychiâtrie me direz-vous ? la voici : comparez maintenant la position de Blanche, de son poignet en particulier mais pas seulement, et ce qui est accroché au mur lui faisant face :

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    Période des contorsions peut-on lire. Certes les têtes de Cornil et de Burty nous gènent un peu mais nous voyons bien que sur le mur se déroule la même scène que dans la salle. Et bien entendu cette invitation muette, cette suggestion sera remarquée par plusieurs confrères, de la Salpétrière et d'ailleurs, certain présent dans la salle et bien placé, d'autres absents et critiquant la manière de Charcot en particulier depuis Nancy. Nous pouvons dire que nous nous trouvons devant l'un des plus beaux exemples de physiologie picturale. Parmi les neuropsychiâtres qui participeront activement aux recherches de Charcot, la plupart assistent à la scène, et tournent le dos au fameux mur.

Blanche Wittmann est devenue l'héroïne d'un roman suédois, Blanche et Marie, écrit par
Per Olov Enquist et publié en 2006. Passée la période Charcot, lequel meurt prématurément en 1893, six ans après le tableau de Brouillet, Blanche entre comme assistante chez Marie Curie, à l'Institut du radium qui deviendra l'Institut Curie. La pauvre Blanche qui ne connait pas les effets terribles de l'exposition aux radiations meurt après qu'on l'eût amputé de ses jambes et d'un bras. Le Grand-Guignol est toujours debout, lui.

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    Blanche Wittmann n'était pas seule à la Salpétrière : elle avait en particulier une concurrente redoutable, Augustine. Voici Augustine, lorsqu'elle va bien :

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et lorsqu'elle va mal :

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  Il est temps de parler du maître de cérémonie, Jean-Martin Charcot ( 1825-1993 ) : lorsque le tableau est commandé, il est âgé de soixante-deux ans ; celà fait une bonne dizaine d'années que ce que l'on désigne comme la "période clinique" de l'hystérie - celle de la description des symptômes et de l'identification des syndrômes - a fait place à la "période expérimentale". Auparavant, pendant la première décennie de son exercice à la Salpétrière, à partir de 1862, Charcot a décrit l'anatomie et la pathologie de la moelle épinière, et contribué plus que tout autre à la constitution de la méthode anatomo-clinique, celle-là même à laquelle nous avons été formés. Puis il s'est attaqué au domaine des névroses, ce qui signifie les affections sans atteinte cérébrale détectable : les deux principales névroses sont l'épilepsie et l'hystérie. L'épilepsie est l'objet des travaux de Hughlings Jackson, outre-Manche. Charcot s'attelle au problème de l'hystérie, et pendant vingt ans s'efforcera, en vain, de l'élever au rang de maladie. Il n'a pas, par définition, le secours de l'anatomo-pathologie. Il lui faudra pour commencer individualiser des formes stables de l'hystérie, en comptant sur la seule observation. Nous comprenons mieux l'attitude un peu lointaine de certains des spectateurs : en particulier certains qui se tiennent au mur ;

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ainsi,
Maurice Georges de Bove  (1845-1920), Médecin des Hôpitaux en 1877, agrégé en 1878, professeur de pathologie puis de clinique médicale. 



Maurice Georges de Bove  (1845-1920)

C'est un précurseur de l'hygiène sociale, de la lutte contre la tuberculose, la syphilis et l'alcoolisme. Il écrit un Précis de Pathologie interne en collaboration avec Saillard, une Contribution à l'Etude de la Sclérose latérale amyotrophique en collaboration avec Gombaut, une Pathologie des Tremblements en collaboration avec Bondet ; enfin les Maladies du tube digestif avec Joseph Castaigne et Emile Charles Achard 1907. Il sera caricaturé en compagnie de

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Victor Cornil (1837-1908)

Très tôt préoccupé d’histopathologie, stagiaire chez R.Virchow à la fin de la fin de son  internat. Républicain, préfet puis président du Conseil général  et député de l’Allier

François-Alexis-Albert Gombault (1844-1904)

thèse sur la sclérose latérale amyotrophique 1877
conservateur du musée Dupuytren
nommé en 1887 médecin des Hôpitaux à l’Hospice d’Ivry
anatomiste, histologiste
collaborateur de Victor Cornil
publication sur l’aphasie


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Mathias Duval (1844-1907)

    Il en va de même pour Mathias Duval (1844-1907), anatomiste, collaborateur de Charcot qui obtint son doctorat en  1869, fut agrégé en  1873. Directeur du laboratoire anthropologique à l’école des hautres études puis professeur d’anatomie à l’école supérieure des Beaux-Arts, il est professeur d’histologie à la faculté de médecine en 1885 et futur membre de l’académie de médecine. Ses travaux portent sur la structure et usages de la rétine. Thèse d’agrégation, 1873
. Anatomiste,  il rédige des Manuels de microscopie. 1873 ; 2ème edition, 1877, des Cours d'anatomie. 1873, des Précis de technique microscopique et histologique. 1878.
 Précis  d’anatomie à l'usage des artistes. 1881.
 Leçons sur la physiologie du système nerveux. 1883.
 Le placenta des rongeurs. Paris, Felix Alcan, 1892. 
 Histoire de l'anatomie plastique.
avec Edouard Coyer. Paris, Picard & Kann, 1898.

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Alexis Joffroy  (1844-1908)

    Ou encore, Alexis Joffroy  (1844-1908) doctorat en  1873,  médecin des hôpitaux en 1879,  agrégé en 1880 rejoint la Salpétrière en  1885,  à partir de 1893 professeur de clinique psychiâtrique à l’ Asile St.-Anne.  Syringomyelie  poliomyélite : atrophie de la corne antérieure de la moelle en 1869 avec Charcot  action neurotoxique et thérapeutique de l’alcool De la pachyméningite cervicale hypertrophique. Paris, 1873.
 De la médication par l' alcool. Paris, 1875.
 De l'influence des excitations cutanées sur la circulation et la calorification. Paris, 1878. 
 Fugues et vagabondage. avec R. Dupouy. Paris, 1909.
 La paralysie générale. Avec Mignot. Paris, 1909.

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Pierre Marie (1853-1940)

    Mais il n'y a pas que la vieille garde des anatomistes, qui baille aux corneilles. Le regard lointain, presque absent, un jeune neurologue semble perdu dans ses pensées, à des années-lumière des préoccupations de Charcot : Pierre Marie (1853-1940) n'a que trente-quatre ans mais il a déjà décrit l'année précédente l'atrophie musculaire progressive et l'acromégalie,  il identifiera l'ostéo-arthropathie hypertrophique en 1890, l'hérédoataxie cérébelleuse  en1893, la spondylose ankylosante  en 1898. Il fondera  en 1893 avec Brissaud la Revue Neurologique. En 1897, il prend la direction du service de Bicêtre où il explore en particulier les différentes formes d'aphasie. En 1918, à 65 ans, il obtient enfin la Chaire de Neurologie créée par Charcot. En collaboration avec Charles Foix et Henri Meige, travaux consacrés aux séquelles neurologiques de la guerre.

La méthode nosographique

Pendant la "période clinique" de l'hystérie, ont été individualisés les syndrômes suivants :

Hémianesthésie hystérique et hyperesthésie ovarienne dans l'hystérie
De la contracture hystérique
De l’hystéro-épilepsie
Hystéro-traumatisme
Scotome hystérique
Œdème bleu des hystériques


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    Les observations sont faites par Charcot, consignées par des internes : ici, nous reconnaissons Guinon et les frères Berbez, en train d'écrire. Plus tard leurs notes seront relues, mises en forme et publiées :

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    Paul Berbez est Interne : il publie cette même année une dissertation intitulée Hystérie et Traumatisme. Son frère Henri Berbez est alors externe. Georges Guinon (1859-1932) est élève et secrétaire momentané de  Jean Martin Charcot (1825-1893) ; deux ans plus tard, il soutient sa Thèse sur les agents  provocateurs de l’hystérie. Guinon sera ensuite chef de clinique et à ce titre responsable de la mise en forme des Leçons du Professeur, mémoires, notes et observations parus pendant les années 1889-1890 et 1890-91, "publiées sous la direction de Georges Guinon, chef de clinique; avec la collaboration de MM. Gilles de La Tourette, Blocq, Huet, Parmentier, Souques, Hallion, J.B. Charcot et Meige"....

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Henri Parinaud (1844-1905)

De la polyopie monoculaire dans l’hystérie ;  ( annales oculistiques de Gand 1878 )
Qui se souvient qu'il fut connu comme musicien sous le pseudonyme de
Pierre Erik.


Edouard Brissaud (1859 - 1909)

Edouard Brissaud (1859 - 1909), l'élève préféré de Charcot dit-on ; on lui doit la description du rire et du pleurer spasmodique ; l'œdème simulé des hystériques (Souques) : il travaille à la distinction anxiété et angoisse, la sinistrose, l'Aphasie d'intonation. Il fondera la revue neurologique avec Pierre Marie. Libre penseur, il meurt d’une tumeur cérébrale à 57 ans, après avoir été opéré par Victor Horsley



Photographie, dessin et nosographie

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Albert Londe
    De manière judicieuse, mais sans en être l'inventeur, Charcot va utiliser une technique récente : la photographie. Son collaborateur Albert Londe développe les techniques propres à la photographie médicale et accumule les clichés :

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Paul Richer

    Ces photographies sont analysées par Charcot et par Paul Richer, non seulement neurologue mais peintre, graveur, sculpteur, qui va distinguer les étapes de la grande crise d'hystérie à partir des clichés de Londe.

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manuscrit de Paul Richer : annotations de la main de l'artiste-neurologue de clichés pris par Londe

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La période expérimentale

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    Au centre de la pièce, une petite table, surchargée d'instruments, à la droite du Maître, est placée comme pour témoigner du caractère scientifique de l'approche de l'hystérie :


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    Bobine d’induction et pile de Grenet : l’usage de l’électricité n’est pas nouveau : déjà l’abbé Nollet dans les années 1750 électrisait les dames de la cour de Louis XV, et Mesmer  les secouait dans ses baquets ...

    Cette préoccupation n'est pas le propre de Charcot : déjà en 1865, Alfred Maury l'auteur du sommeil et des rèves dans la préface de sa troisième édition écrit d'emblée ! deuxième phrase du premier chapitre ) : «  c’est de la psychologie expérimentale que j’ai voulu faire ». La deuxième  moitié du XIXème siècle est  hantée par la personnalité de Claude Bernard (1813-1878). Je ne résiste pas à la pulsion qui me fait vous proposer cet autre tableau de groupe :


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    Quel en est l'auteur ? Vous connaissez son nom ... Lhermitte, Léon Lhermitte, le père de Jean et le grand-père de François. Le titre du tableau, peint en 1889, est Claude Bernard pratiquant la vivisection.

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       Comment Charcot s'y est-il pris pour mettre en place cet appareil expérimental, cette structure destinée à découvrir la vraie nature de l'hystérie, eh bien ce tableau d'une certaine façon nous permet de le comprendre. Je passe rapidement sur la présence, aujourd'hui impensable, du directeur de la Salpétrière au milieu même de l'assistance, Monsieur Léon Lebas. Il y a d'autres incongruités nous le verrons plus tard, et plus choquantes. Charcot se fonde sur l'utilisation de trois techniques très en vogue en cette fin de siècle : l'electricité, le magnétisme, l'hypnose.

L'électricité

    Le pionnier de l'utilisation de l'électricité est sans contexte Duchesnes de Boulogne : nous avons tous en tête les planches photographiques de ce curieux personnage aux favoris abondants, appliquant ses électrodes sur le visage d'un individu paraissant tout droit sorti d'un cirque.

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Romain Vigouroux (1831-c.1895)

    Mais le savant électrothérapeute de la Salpétrière, s'appelle Romain Vigouroux (1831-c. 1895), directeur du service d'électrothérapie, intéressé par la Métalloscopie, la Métallothérapie, les Aesthésiogènes. Il met au point des traitements électriques réguliers, dont plus de cinquante malades bénéficient chaque jour.

  Son fils est l’auteur d’un ouvrage sur la contagion mentale.


Le magnétisme

       Il faut se représenter la passion qu'a suscité alors l'usage des aimants, cas particulier de l'usage des métaux : on infléchit le sens d'une posture dystonique en promenant un aimant de part et d'autre du patient. Celui qui tient l'aimant s'appelle tantôt Bourneville, tantôt Gilles de la Tourrette ... Les séances suscitent l'incrédulité voire les sarcasmes des visiteurs. On se réfère à la Métallothérapie, au Burquisme, au Perkinisme ...

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    Parmi les collaborateurs présents de Charcot, certains sont impliqués directement dans le magnétisme : ainsi, Charles Féré ( 1852 - 1907 ) publie cette année 1887 sur le magnétisme animal avec Binet. Charles Féré a écrit sur la Pathologie des émotions, l'évolution et  la dissolution de l'instinct sexuel, les Troubles de l'intelligence, l'Aphasie et ses diverses formes, le Traitement des aliénés dans les familles. Il décrit le pénomène déjà signalé par Aristote, l' héautoscopie. Dans évolution et dissolution de l'instinct sexuel (1887), le concept de dissolution remplace le terme de degenerescence.

L’hypnose

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    Mais c'est avec l'hypnose que Charcot pense avoir le plus de chance d'élucider la nature de l'hystérie : après les découvertes de James Braid, il s'établit l'équation suivante : les manifestations de l'hystérie sont reproduites par l'hypnose. La grande crise hystérique, et sa succession de phases, sont analogues à la grande crise hypnotique. Dans un deuxième temps, les sujets hystériques sont hypnotisables, et bientôt la réciproque s'impose : les sujets hypnotisables sont hystériques. L'hypnose est une hystérie expérimentale. Là encore, Londe et Richer vont établir une iconographie solide. L'Iconographie photographique de la Salpétrière couvre la période 1875-1879 ; la Nouvelle iconographie de la Salpétrière est fondée par Charcot, Richer et Gilles de la Tourette.

    Les trois phases de l’hypnotisme :  état cataleptique, état léthargique, état somnambulique.

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Léthargie avec infirmière


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Léthargie

Parmi les collaborateurs les plus impliqués dans l'hypnose :

Désiré-Magloire Bourneville (1840-1909)

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Hôpital de Bicêtre, Le progrès médical, Député de Paris 1873

Sclérose tubéreuse

Lettre en faveur de la Création de classes spéciales pour les arriérés 1897
Recherches cliniques et thérapeutiques sur l’epilepsie, l’hystérie et l’idiotie 1902
Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés 1894
Leçons sur les maladies du système nerveux faites à la Salpétrière 1872

    Très anticlérical, il veut bouter les religieuses hors de l'hôpital public : « L’État qui est laïc a le devoir de se priver du concours d’auxiliaires qui par leurs vœux se placent en opposition directe avec les lois de la nature et les intérêts de la société »

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Georges Albert Brutus Edouard Gilles de la Tourette (1857-1904)

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    Le plus attentif de tous - plus encore qu'Albert Londe ou que Paul Richer, est assurément Gilles de la Tourette ; même si l'on ne peut voir l'expression de son visage, tout son être semble tendu. Il sera reçu sept ans plus tard à l'agrégation, âgé à peine de trente-sept ans, une distinction que n'obtiendra jamais Babinski. Il publie abondamment, essentiellement sur l'hypnotisme et l'hystérie. Originaire de Loudun il s'interesse aux amours d'Urbain Grandier et de Sainte Jeanne des Anges.

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    En 1893, une de ses malades de la Salpétrière convaincue qu'elle avait été hypnotisée à distance, lui tira plusieurs coups de revolver.



Edouard Lelorrain (1867-)

Maladie de Strumpell Lorrain
Décrite par Strumpell en 1880,
Lorrain en a fait le sujet de sa thèse en 1888

Gilbert Ballet (1853- 1916)

Maladie de Ballet : Paralysie des muscles extrinsèques de l’œil, épargnant les muscles intrinsèques.
Symptôme de Ballet : Paralysie des mouvements volontaires de l’œil cependant que les mouvements automatiques sont respectés
études à  Limoges, Chef de clinique de Jean Martin Charcot  à la Salpétrière. Médecin des Hôpitaux puis professeur agrégé en 1886, professeur de psychiâtrie en 1900, professeur d’histoire de la médecne en 1907,
le faisceau sensitif intracérébral 1881
Thèse sur l’aphasie ( le langage intérieur et les diverses formes de l’aphasie 1886 )
Psychoses et affections nerveuses
Paralysie syphilitique
Biographies d’ Emanuel Sweden Borg (1688-1772), de Leonardo da Vinci (1452-1519), de Marie Leszczynka (1703-1768),
Ballet appartenait au mouvement teetotaliste ( abstinence alcoolique totale)

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Alfred Joseph Naquet 
(1834 - 1916)

    Médecin et homme politique, il fut  député du Vaucluse de 1876 à 1883 puis 
sénateur de 1883 à 1890, enfin  
député de la Seine de 1890 à 1893. Radical, il a été cependant boulangiste. Il fut mis en cause dans l'affaire de Panama et pris à partie par les mouvements antisémites comme auteur de la loi sur le divorce.



Théodule Armand Ribot ( 1839-1916 )

fondateur de la psychologie scientifique française.
En 1862, il entra à l’école Normale Supérieure et obtint son agrégation en 1866.
Il soutint en 1873 à la Sorbonne avec succès ses deux thèses, la première en latin sur Hartley et la seconde en français sur l'hérédité psychologique.
Il fonda en 1876 une nouvelle revue (Revue Philosophique de la France et de l’étranger) centrée sur les nouvelles tendances qui émergeaient en philosophie et en psychologie.
Il tente d’élucider le fonctionnement normal de l'esprit en partant de sa pathologie.
En 1885, il fut chargé du premier cours de psychologie expérimentale à la Sorbonne. En 1888, on créa pour lui une chaire de "psychologie expérimentale et comparée" au collége de France.
Il forma Pierre Janet et Georges Dumas et encouragea la fondation à la Sorbonne du premier laboratoire français de psychologie expérimentale qui fut d'abord dirigée par Henry Beaunis (1889) puis Alfred Binet (1894).
Durant les dernières années de sa vie, il fut l'auteur de nombreux ouvrages centrés sur la psychologie de l'affectivité.

La psychologie anglaise contemporaine (1870),
La psychologie allemande contemporaine (1876),
Les maladies de la mémoire (1881),
Les maladies de la volonté (1883),
Les maladies de la personnalit(1885),
Psychologie de l’attention (1888),
Psychologie des sentiments (1896),
L’évolution des idées générales (1897),
Essai sur l'imagination créatrice (1900),
 Logique des sentiments (1905),
La vie inconsciente et le mouvement (1914).

Jules Claretie (1840-1913)

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Romancier et auteur dramatique, directeur de la Comédie Française de 1885 à 1913 ; collaborateur de La France, du Figaro et de l'Illustration, chef du Bureau des Bibliothèques communales. En 1888, il occupe le siège de Cuvillier-Fleury à l'Académie française où il aura pour successeur le maréchal Joffre. 

Œuvres théatrales  : la famille des gueux, Raymond Lindey, Les ingrats, Valentin, Monsieur le ministre, le prince Zilah , etc. On lui doit la phrase fameuse : "Tout homme qui dirige, 
qui fait quelque chose, 
a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, 
ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens, d'autant plus sévères,
 qu'ils ne font rien du tout". Son roman
Les Amours d’un interne se déroule à la Salpétrière.

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    Il fait partie de ceux qui auront l’honneur d’assister, après la leçon du mardi, au diner du même jour, réunissant dans l’hôtel particulier du 217 bd Saint Germain hommes politiques, artistes, peintres, sculpteurs, architectes, écrivains, collectionneurs, personnalités religieuses …

Philippe Burty (1830-1890)

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Écrivain, collectionneur et critique d’art, inspecteur des Beaux-arts en 1881, instigateur du cercle des japonisants et favorisant l’avant-garde, il témoigne de la mondanité de Charcot qui organise chez lui des dîners où l’on reçoit Edmond de Goncourt ; il vend une oeuvre de Delacroix à Charcot

Emile Auguste Carolus-Duran (1838-1917) Portrait de Philippe Burty, 1874

Paul Arène (1843-1896)

Des Alpes aux Pyrénées : étapes féliibréennes. 1892. Charcot en Arles

Républicain et libéral, il collabore au journal de Gambetta où il tient de nombreuses chroniques. Désargenté et bohême, son centre d'intérêt est le café. Il devient l'intime de la famille Charcot à laquelle il consacre quelques pages

déception amoureuse avec Jeanne, fille du professeur

Sur un Eventail (pour Jeanne Charcot).

Si les ondines et les fées
Maintenant ainsi qu'autrefois
Sur une coquille de noix
Naviguaient, de corail coifées,
Et si j’étais, - car nous aimons
Suivre parfois d’étranges rêves,
-Un des minuscules démons
Rois de la mer bleue et des grèves,
Je ne voudrais d'autre travail
Que d'agiter cet éventail
Pour faire une brise légère
Qui pousserait tout doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la passagère.

Jean-Baptiste Charcot  (1867-1936)


1891 reçu au concours d’Internat
1892 achète son premier yacht
1893 Pourquoi-Pas ?
1895 doctorat en médecine
Champion de France de rugby à XV ( pilier droit)
1896 épouse Jeanne Hugo petite fille de Victor Hugo et  divorcée de Léon Daudet
1908-1909 exploration de l’antarctique ,
1925-1935 expéditions au Groënland
1936 Naufrage du Pourquoi-pas ?

Mais nous avons presque oublié notre collègue si prévenant :

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    Il est temps de révéler que ce dévoué médecin n'est autre que Joseph Babinski ( 1857-1932 ). Saluons au passage l'ouvrage remarquablement écrit et documenté que lui a consacré notre confrère et ami Hubert Dechy. Est-ce le hasard qui a placé dans cette situation le neurologue inventeur du signe éponyme, toujours est-il qu'il se trouva parmi les critiques de la conception de l'hystérie selon Charcot et ses élèves.



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    Pour Babinski, auquel on doit la description des syndromes de Babinski-Froehlich, de Babinski-Nageotte, d'Anton-Babinski, de Babinski-Vaquez, de Babinski-Froment, l'hystérie devient une préoccupation de premier plan à partir des années 1900 : en ceci il hérite de son maître vénéré. Mais il s'en éloigne sur le plan conceptuel : relève d'un processus mental qu'il appelle Pithiatisme, dans le paradigme duquel on trouve les notions de Persuasion, Suggestion, Simulation, Supercherie ; ses conceptions sont exposées dans la revue neurologique en 1901. Dans un second temps il distinguera avec Froment, pendant la première guerre mondiale, les syndrômes physiopathiques.


Les absents


    Si l'on applique la méthode appliquée par Michel Onfray à l'École d'Athènes, selon laquelle l'omission de certains philosophes oubliés par Raphaël serait pleine de sens, les absents de la Leçon  ne le seraient pas tout à fait par hasard.

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Henry Meige (1866-1940) :

"La procession dansante d'Echternach" de Dr. Henri Meyge (1866-1940), neurologiste Élève du Dr.Jean-Marie Charcot, professeur à la Salpétrière, il a notamment travaillé avec Brissaud. Cette étude constitue un des ouvrages de référence sur l'hystérie collective.

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Hippolyte Bernheim (1840-1919):

Pathomimie, Imitation, Suggestion
Contagion hystérique
Hystérie de culture

l’Hystérie de culture de la Salpétrière Le temps 1991
Bernheim, H. -Conception du mot hystérie, critique des doctrines actuelles In : Revue médicale de l'Est, 1904,tome XXXVI, pp. 23-25.

    L'occasion de dire un mot au sujet de Léon Daudet : dans son roman les Morticoles

Jules Bernard Luys  (1828-1897)

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Moreau de Tours Salle Louis Les fascinés de la Charité Reims

Pierre Janet

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thèse de médecine sur l'hystérie  soutenue en 1893
forme de désagrégation mentale caractérisée par la tendance au dédoublement permanent de la personnalité, conséquence d’un déficit de l’attention sélective, d’un affaiblissement de la faculté de synthèse psychologique, d’un rétrécissement du champ de la conscience
cf Freud et Breuer la même année

Sigmund Freud

Josef Breuer,
Bertha Pappenheim : Anna O.

Aucun homme au monde ne m’a autant influencé

    Sigmund Freud travailla dans le service de Charcot à la Salpétrière d’Octobre 1885 à Février 1886
    correspondance : il écrit à son épouse qu’il prend un peu de cocaïne pour se délier l’esprit avant d’aller diner boulevard Saint Germain

Jules Déjerine

Jules déjerine est né en 1849; agrégé en 1886, en 1887 il est médecin chef à Bicêtre, et ne prendra le poste de chef de service à la Salpétrière qu’en 1895 et sera titulaire en 1917 de la chaire de Clinique des maladies du systême nerveux. Il meurt la même année.


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  Notre conception de l’hystérie, notre usage neurologique de l’hystérie, a plus de parenté avec l’hystérie de Sydenham qu’avec celle des psychanalystes : notre problème avec l’hystérie est qu’il faut la débusquer, et ne pas se laisser prendre à son piège. Vous percevez le retour à la métaphore animale platonicienne.

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    Il y a trente ans, séjourna dans le service une patiente qui se plaignait de douleurs épigastriques atroces. Elle avait été examinée par des cardiologues, des gastro-entérologues, des psychiâtres, enfin s’était échouée au pavillon D, et pas plus que nos confrères nous ne comprîmes la raison de ses souffrances. J’avais remarqué au cours de mes allées et venues dans le couloir, qu’elle paraissait parfaitement calme lorsque l’on ne lui prêtait aucune attention. Mais sitôt qu’une infirmière ou un médecin entrait dans sa chambre, elle se tordait de douleur, gémissante, implorante, suppliant qu’on la soulage. Le reste du temps qu’elle passât dans l’attente d’une maison de repos, je n’approchais plus sa chambre au cours de ma visite sans annoncer aux étudiants, que maintenant nous allions voir Sarah Bernhardt. Quelques mois plus tard, j’appris qu’un chirurgien lui avait finalement proposé une laparotomie exploratrice, et avait découvert un envahissement métastatique du plexus solaire. Il n’y avait pas de scanner, encore moins d’IRM alors. On peut avoir une pathologie gravissime, et l’exprimer sur un mode hystérique.


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    Maintenant mon problème avec l’hystérie, n’est plus tant de me laisser piéger par elle, et je n’écris plus grand H dans mes dossiers. Mon problème est : comment expliquer ceci. Que j’observe, avec la certitude que quiconque ce soir prétendrait en faire autant, ne tiendrait pas deux minutes. Alors que cet homme va demeurer des heures dans cette position, que vous ne pourriez reproduire à moins d’attraper le tétanos ; tout comme cette jeune femme depuis trois mois décrit un curieux balancement de la main droite tandis que l’auriculaire gauche se dresse tout seul. Qu’est-ce qui est capable de générer un tel mouvement, qui n’est ni un tic, ni une myoclonie, ni un tremblement, ni une dystonie ? Ou cette autre qui convulse depuis deux jours.

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    Si vous êtes cultivé, vous direz selon l’interprétation freudienne, qu’au cours de sa petite enfance, elle n’a pas résolu le conflit oedipien : il ou elle ne sait pas, profondément, inconsciemment, s’il est un petit garçon ou une petite fille. Il ou elle aménage son angoisse de castration, consécutive au caractère incestueux de ses désirs sexuels. Il ou elle fait de son propre corps une scène où se réalisent les fantasmes de castration inconsciente associés aux représentations que le moi ne saurait accepter. Si vous êtes informé, vous direz : cette jeune femme est dans l’impossibilité d’exprimer un conflit intérieur, une émotion refoulée, son corps exprime une souffrance indicible, on apprendra peut-être qu’elle a été victime de sévices dans sa petite enfance si l’on suit Roelofs et Coll. établissant une corrrélation entre ces abus et les crises nerveuses non épileptiques. Freud parlait déjà du traumatisme sexuel infantile.

 
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    Le DSM IV a banni le terme hystérie, trop connoté, pour ne plus reconnaître que les conversion disorders : distingués en dissociation ( de la mémoire, de la conscience,  de l’identité ) et somatisation : troubles somatoformes, inconscients ; factices, conscients, avec recherche d’un rôle ; simulés, malingering, avec recherche d’un gain matériel.

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    Depuis quelques années, au cours des congrès qui nous entraînent à l’autre bout de la planète, je rencontre ici un poster, là une communication traitant de l’exploration fonctionnelle des phénomènes de conversion. Une production d’articles qui s’amplifie lentement mais sûrement. Sont concernés selon Halligan et coll. 4% des consultants en neurologie. Du temps de Sydenham, un sixième des situations pathologiques relevait de l’hystérie. Le dépistage d’anomalies de l’activation régionale cérébrale dans le cas particulier des paralysies et des troubles de la sensibilité hystériques repose sur : le SPECT, tomographie computérisée par émission de photons, l’IRM fonctionnelle, le Pet-scan, Positron emission tomography.

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    Je résume d’après Black et Seritan de Montréal les résultats de diverses études entreprises ces dernières années, en soulignant que l’approche neurobiologique a été amorcée il y a déjà trente-cinq ans par Ludwig, alors que l’on exploitait dans toutes les directions les travaux de Sperry sur la disconnection inter-hemisphérique :

P. Vuilleumier, C. Chicherio, F. Assal. S. Schwartz, D. Slosman, T, Landis 
Functional neuroanatomical correlates of hysterical sensorimotor loss
Brain 2001, 174: pp. 1077-1090 Vuilleumier P et al. SPECT.


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(1)    hypo-activation sélective du thalamus et noyaux striés qui sont impliquées dans l’initiation et le controle  volontaire des mouvements;
(2)    normalisation de cette activation lorsque les troubles de conversion hystérique disparaissent et que les patients recouvrent un usage volontaire normal
(3)    la sévérité de l’hypo-activation cérébrale initiale est plus marquée chez les patients dont les troubles persistent plus d’une année, et semble ainsi prédire le délai de guérison.

Les auteurs rapprochent ces résultats de ceux observés chez des patients présentant une héminégligence motrice ou sensitive et/ou une anosognosie

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Mailis-Gagnon A; Giannoylis I; Downar J; Kwan CL; Mikulis DJ; Crawley AP; Nicholson K; Davis KD
Comprehensive Pain Program, Toronto Western Hospital, Ontario, Canada.
Altered central somatosensory processing in chronic pain patients with "hysterical" anesthesia
Neurology.  2003; 60(9):1501-7 (ISSN: 1526-632X)

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    Les auteurs explorent par IRMf des patients présentant des déficits somatosensitifs non systématisables ( non dermatosomal somatosensory deficits (NDSD)). Les stimuli non perçus n’activent pas les aires activées par les stimuli perçus : le thalamus, la région postérieure du cortex cingulaire antérieur, et les aires 44/45 de Brodmann ; les stimuli non perçus sont associés avec une désactivation du cortex somatosensible primaire et secondaire, du cortex pariétal postérieur, et du cortex préfrontal.  En revanche les stimuli non percus ( mais non les stimuli perçus ) activent la partie rostrale du cortex cingulaire antérieur. 

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Arias M Sección de Neurología, Hospital de Conxo, Complejo Hospitalario Universitario de Santiago de Compostela, La Coruña.
Psychogenic disorders: concepts, terminology and classification
Neurologia.  2004; 19(7):377-85 (ISSN: 0213-4853)

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    A partir de la classification des désordres psychogènes les auteurs analysent les données de la neuro-imagerie fonctionnelle : qui suggèrent le rôle important de l’inhibition inconsciente et involontaire dans la perte de la volition, analogue à l’hypnose et différente de la simulation. L’activité normale de certaines aires du cortex, moteur ou sensitif, est bloquée par d’autres zones  impliquées dans l’intégration émotionnelle ( cortex cingulaire antérieur et orbito-frontal ).

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Atmaca  M; Aydin A; Tezcan E; Poyraz AK; Kara B
Department of Psychiatry, School of Medicine, Firat University, 23119 Elazig, Turkey.
Volumetric investigation of brain regions in patients with conversion disorder.Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry.  2006; 30(4):708-13 (ISSN: 0278-5846)

    Se fondant sur la constatation établie d’une diminution du débit sanguin cérébral au niveau du thalamus et des noyaux gris centraux, controlatérale au déficit moteur chez des patients présentant une conversion hystérique, les auteurs entreprennent une évaluation par IRM chez dix patientes ; et trouvent une diminution significative par rapport aux sujets témoins du volume des noyaux caudés et lenticulaires, et des thalami, droit plus que gauche. 

    Je ne sais si un jour ces conversion disorders intégreront le champ de la neurologie, j’ai bien vu les torticolis spasmodiques et autres blépharospasmes rejoindre la nosographie des movement disorders, et la dyslexie ou l’autisme celle des pathologies développementales. Il y a dix ans j’avais présenté lors d’un congrès de psychiatrie une communication intitulée de manière un peu pédante et provocatrice, « à propos de quelques incidents de frontière survenus récemment entre la Psychiatrie et la Neurologie, et passés inaperçus ». J’y parlais de la céphalée de tension, des dystonies, de la fibromyalgie. Ce qui est certain, c’est que l’hystérie actuellement joue un rôle dans notre manière d’appréhender les phénomènes neurologiques, elle est la limite de notre aptitude à systématiser, elle est la frontière au-delà de laquelle se dissipe notre domaine intelligible, et où commence celui des analystes. Le développement des techniques d’exploration des fonctions supérieures éclaire d’un jour nouveau ce territoire. Derrière l’hétérogénéité des résultats et leurs éventuelles contradictions, il semble possible de mettre en évidence une altération de l’activation de certaines régions cérébrales, impliquées soit dans l’initiation du mouvement, soit dans la perception, soit dans le circuit des émotions, voire dans les trois.

    Mais vous saisissez que cette interprétation d’une part néglige la grande variabilité culturelle et historique de la symptomatologie hystérique ; d’autre part fait appel à des catégories provisoires de notre schématisation des fonctions supérieures, à peine moins archaïques que le sens commun, l’imagination, ou la volonté. Les résultats de ces investigations nouvelles, fonctionnelles, seraient-ils tautologiques ? Autrement dit, ne nous montreraient-ils que l’envers imagé des phénomènes cliniques, sans rien nous apprendre de la cause des troubles ? Voire, les explorations fonctionnelles n’aboutiraient-elles qu’à la production de phénomènes de laboratoire ?


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    Le supplément scientifique du New York Times titrait le 30 Septembre 2006 : Is Hysteria Real ? Brain Images Say Yes. Nous plongeant un peu plus dans l’univers que Mac Luhan nous prédisait dans la galaxie Gutemberg : les mots ont perdu leur pouvoir, seules comptent désormais les images. Nos confrères d’outre-Atlantique ne sont pas tous dupes, loin de là, et Richard Gracely s’interroge : Is seeing believing ?

Gracely RH : Is seeing believing? Functional imaging of hysterical anesthesia.
Neurology.  2003; 60(9):1410-1 (ISSN: 1526-632X)

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    Frans van Miéris vendait ses petites toiles jusqu’à 1500 gulden, le prix d’une maison, pendant que Vermeer crevait de faim. Ce tableau aux dimensions modestes – 34 sur 27 cm - les vaut-ils, qui nous donne à voir de l’inattendu, cette interprétation moderne d’un symptôme que l’on attribuait alors aux fantaisies de l’utérus, et que l’on raillait sous cape.

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Soit l'École d'Athènes de Raphaël :

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    Là je ne peux réfréner la pulsion qui me fait recourir une fois encore à un détail de la fresque de Raphael, l’École d’Athènes : Platon désigne le ciel, Aristote le sol ; pour le premier le monde des idées est la seule réalité tandis que le monde n’est qu’apparence ; pour le second le monde est constitué d’objets dont la connaissance fragmentée, imparfaite nous est possible à partir des sens ; le toucher étant le sens élémentaire ; je vais dire un peu vite, la transcendance à droite, une sorte d’immanence à gauche. La jeune femme a les yeux au ciel, le Nouveau Testament ouvert sur ses genoux ; le docteur lui tâte le pouls de la main droite, de l’autre désigne sa propre tête, marquant son encéphalocentrisme, dont nous sommes les héritiers.

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On retrouvera les deux exposés à l'origine de celui-ci sur le site, sous les titres

- une leçon à la Salpétrière, conférence donnée à Nice le
- à propos d'une visite chez le docteur de Franz van Miéris, Conférence donnée le à Èze, à l'invitation du Professeur Pierre Thomas, pour la première réunion du Collège des Enseignants de Neurologie.

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Psychiatrie et neurologie : vers une séparation «de bien»." Le commentaire de l'actualité . Un entretien avec les docteurs G. BOUDIN, H. EY et C. KOUPERNIK, Le concours médical, 1967, 3, pp. 3881-3893


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Date de création : 07/09/2008 : 10:45
Dernière modification : 29/01/2009 : 17:27
Catégorie : Conférences de Montréal
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