Antonio Franchi (1638-1709) est né à Lucca. Élève de Domenico Ferrucci, il s’installa à Florence pendant une douzaine d’années, travaillant avec Felice Ficherelli and Baldassare Franceschini, acquérant un style composite, empruntant au courant classique comme au baroque, inspiré des manières de Guido Reni, Pierre de Cortona et Pierre-Paul Rubens. Il revint à Lucca en 1668, où il exécuta plusieurs commandes religieuses. En 1674 il s’établit à Florence, sous la protection de la famille Strozzi puis des Médicis. Il réalisa pour le Marquis Pier Francesco Rinuccini le Temple de l’Amour et Le Sacrifice (Florence, Galleria Corsini), inspirés par la vision de Cortone du monde antique. Après avoir été admis à l’Accademia del Disegno en 1683 il composa plusieurs scènes bibliques et mythologiques pour le Prince Ferdinando de’ Medici, dont seul persiste le Jardin de l’Amour (Rome, Pal. Montecitorio). Il est l’auteur d’un traité de la théorie picturale, publié après sa mort.
Trattato della teorica pittoresca. La "Teorica della pittura" riveduta e corretta sul manoscritto degli Uffizi. Riproduzione anastatica dell'edizione originale (Lucca, Salvatore e Giandomenico Marescandoli, 1739). A cura di Antonio P. Torresi. Ferrara, 2002; br., pp. 80, ill. b/n, cm 17x24.
Prologue
Un nègre blanc à Paris
Le Samedi 4 Janvier 1744, un enfant albinos, né d’un nègre et d’une négresse, ramené d’Amérique à bord d’un navire affrété par un duc naturaliste et voyageur, fut présenté à l’académie qui siégeait alors au Louvre. Réunis dans la bibliothèque du Roi qui leur était réservée depuis 1666, Maupertuis, Fontenelle, Cassini, Winslow, les frères Bernard et Antoine de Jussieu, de Réaumur, le directeur Duhamel prirent place sans attendre Buffon, pensionnaire, qui avait prévenu de son absence. La séance débuta par la lecture d’une lettre de Monsieur de Maurepas « lequel donnait ainsi que Monsieur le Roy à agréer la délibération prise dans l’assemblée sur la demande qu’a fait Monsieur de Mairan de passer à la vétérance ». Ce dernier prit place ainsi au rang des honnoraires.
Puis on déplora qu’une pièce latine sur l’Aiman, venue de Ségovie en Espagne, fut arrivée trop tard pour concourir au Prix de 1744. Un Almanach de cabinet dédié à Monsieur le duc de Chartres fut distribué à la compagnie de la part du sieur Cars, graveur. Monsieur de Mairan présenta le livre de Monsieur Boffrond, Description de ce qui a été pratiqué pour fondre en Bruges d’un seul jet la figure équestre de Louis XIV, élevée par la Ville de Paris, dans la Place de Louis le Grand en 1699. Suivit l’examen de Phioles de Bologne réputées incassables, que les savants tentèrent de briser de l’intérieur en y laissant choir des billes de plomb. Monsieur Muller avait apporté deux petits cochons de lait attachés par le Sternum, qui furent l’occasion pour Winslow de disputer mollement l’origine des monstres ; la poursuite de la querelle eût paru vaine, tant les arguments des épigénistes avaient ruiné les théories des préformationistes ; il préparait cependant les Observations anatomiques pour servir à l’histoire du foetus, mémoire proposé devant les mêmes deux mois plus tard .
On en vint à notre jeune Albinos : on remarqua « ses cheveux comme de la laine blanche, le nez écrasé , et les lèvres épaisses comme les nègres » ; en examinant ses yeux, on trouva les sourcils et les cils des paupières pareillement blancs , « l’iris bleu , et le fond de la prunelle, qui pour l’ordinaire est noir, d’une couleur rougeâtre » ; sa vue était faible et ses yeux clignotants. ( à vérifier : voir 1760 : Monsieur de Cossigny informa qu’il y avait une Nation de nègres blancs à Madagascar, mais aux cheveux semblables aux notres ; ainsi qu’une Nation d’Américains, près du Mexique, blancs, aux cheveux de cette couleur). Morand fut chargé d’en rendre compte, mais ne s’acquitta jamais de cette tâche, sans doute trop occupé à préparer le mémoire réunissant ses « observations anatomiques sur quelques parties du cerveau » qu’il présenta le 5 Septembre de la même année.
À la lecture du procès-verbal de cette réunion frileuse qui s’acheva sur les insipides observations météorologiques de l’année 1743, la présentation du nègre blanc, insérée entre l’étude des Phioles de Bologne et celle des deux petits cochons siamois, ne semble pas avoir suscité outre mesure l’enthousiasme des académiciens que l’on imagine pressés de retrouver leurs coins de cheminée. L’Histoire de l’Académie Royale des Sciences pour 1744 lui accorde un développement à peine plus long ; on y apprend que l’Académie a vu un enfant de quatre ou cinq ans, né en Amérique dans un lieu nommé Macondé, d’un couple de noirs. « Le petit nègre a la peau blanche, mais d’ailleurs tous les traits ordinaires aux nègres, le nez écrasé, les lèvres grosses ; il a aussi cette espèce de laine qui leur tient lieu de cheveux, avec cette différence que la sienne est blanche au lieu d’être noire ; les sourcils et les cils des paupières sont pareillement blancs ; il a les yeux toujours tremblottans, et en les exposans au jour d’une certaine façon, la prunelle paraît d’un rouge clair, la choroïde se voit telle au travers de l’uvée même, qui est transparente ; il a la vue très louche et ne peut souffrir le grand jour ; la peau de ses mains est rude et un peu chagrinée, partout ailleurs elle est douce et très unie ».
Nulle mention dans le procès-verbal ni dans l’Histoire de l’Académie du nègre blanc de Carthagène qui avait été montré en public à Madrid en 1738, ni même de l’individu en tout point comparable, né au Surinam, que l’on avait soumis à l’assemblée quatre ans auparavant. Treytorrens, qui était médecin dans ce pays, avait pourtant décrit avec soin une fillette albinos âgée de 9 ou 10 mois, née d’une négresse grande et bien constituée. Son père était également noir. « Toute la physionomie de cet enfant, tous les traits de son visage étaient d’un nègre ; les lèvres étaient grosses et relevées, le nez écrasé et camus. De plus il avait, comme les autres nègres, de la laine à la tête, mais une laine aussi blanche que la neige ... Le blanc de ses yeux était fort clair, ce qui n’est pas rare, mais son iris était d’un rouge fort vif et couleur de feu, marbré seulement de quelques traits blancs tirant sur le bleu ; la prunelle, que nous ne connaissons que noire, et qui doit l’être puisque c’est un vide, était aussi très-rouge. Cet enfant ne voulait pas ouvrir les yeux quand il faisait un soleil vif et violent ; hors de là, il les ouvrait et voyait dans un lieu peu éclairé. Lorsqu’il voulait fixer la vue sur quelque objet, son iris et sa prunelle prenaient un mouvement extrêmement rapide, comme d’un tournoiement autour de leur centre, et il semblait que l’enfant se fût mis tout d’un coup à chercher quelque chose des yeux avec beaucoup d’inquiétude.
La mère de cet albinos avait déjà donné le jour à deux enfans dont l’un était un mulâtre et l’autre un nègre ; elle en eut depuis cinq autres dont l’un, albinos comme celui dont je viens de parler, mais de sexe différent, est aussi devenu le sujet d’observations intéressantes. Son histoire, rédigée par Fermin, se trouve consignée dans les mémoires de l’Académie des sciences de Berlin ». Un résumé de cette entrevue était paru dans les Mémoires de l’académie, assorti d’une synthèse des connaissances du moment signée par le docteur Helvétius (1715-1771). Les récits des voyageurs ayant observé des phénomènes analogues y sont colligés : explorateurs ou compilateurs antiques, tels Strabon ou Pline l’Ancien à travers Aulu Gelle ou encore Hérodote ; ou plus récents, ainsi Cortes à la Cour de Montezuma, ou Merolla au royaume du Congo qui cite un enfant venu au monde avec la barbe, une négresse qui devint mère d’un enfant blanc, et une autre qui accoucha d’un enfant noir et d’un enfant blanc en même temps. Dapper précise que les Dondos du royaume de Loango sont incapables de génération : donc ce sont des monstres. Kjoep, voyageur hollandais, désigne un albino de Java par le nom de Kakerlake, qui signifie cancrelat : parce que comme les blattes, cet individu est fort laid, et craint tant la lumière du soleil qu’il ne sort que la nuit. Chardin parcourt la Perse et les Indes orientales et confirme les notions de Pline sur les êtres à peau blanche de l’ancienne Albanie ; Strahlenberg rencontre en Sibérie quelques hommes restés d’une horde ancienne que l’on appelait Piegaga ou piestra horda ; Bruyn en Angola relate la naissance d’une enfant blanche née de deux parents noirs et qui elle-même mariée à un noir, eut un enfant noir ; Ribeyro décrit les Bedas de Ceylan, victimes d’une malédiction et condamnés à vivre dans les forêts ; le père jésuite Joseph Gumilla (c.1686-1750) avait fait peindre une petite négresse pie à Carthagene ( la Nouvelle Grenade ) qui illustre l'Histoire de L'Orénoque rédigée à partir des relations manuscrites des missionaires Mercado et Ribera, et parue en 1738.
Philippe Fermin (1729-1813) Description générale, historique, géographique et physique de la colonie du Surinam Amsterdam, E. Van Harrevelt, 1769. (Réserve F 2410 F 35 A).
Joseph Gumilla Histoire naturelle, civile et géographique de l'Orénoque, et des principales Rivières qui s'y jettent. Dans laquelle on traite du Gouvernement, des Usages & des Coûtumes des Indiens qui l'habitent, des Animaux, des Arbres, des Fruits, des Résines, des Herbes & des Racines Médicinales qui naissent dans le Païs. Traduite de l'Espagnol sur la seconde Edition, par M. Eidous, ci-devant Ingénieur des Armées de S.M.C Avignon & se vend à Marseille, Jean Mossy, 1758
José Gumilla (1686-1750), El Orinoco ilustrado y defendido: historia natural, civil y geografica de las naciones situadas en las riberas de esto gran rio"(enlarged ed., 2 vols., with plates, Madrid, 1745)
Les académiciens n’étaient pas moins savants en 1744 que dix années plus tôt. Sans doute étaient ils plus pressés, ou simplement blasés. Tous les témoignages cités par Helvétius étaient à leur disposition : les relations de voyages, rédigés par les géographes de l’antiquité ou les parcoureurs des nouveaux mondes, encombraient leurs bibliothèques, voisinant avec les publications périodiques des Académies de Berlin ( les Éphémérides des curieux de la nature ), de Londres ( les Philosophical transactions ), de Paris ( les Mémoires et l’Histoire de l’Académie Royale des Sciences ) ; avec le Journal des savans, institution vénérable compilant depuis 1665 les publications des sociétés érudites ; les Mémoires pour servir à l’histoire des sciences et des arts, dits Mémoires de Trévoux, créés en 1701 et dont l’édition était contrôlée par les jésuites, à la fois découvreurs du monde et défenseurs de l’ordre établi ; le Journal de Verdun, clef du cabinet des princes de l’Europe édité au Luxembourg depuis 1697 ; l’Almanach historiophysique, destiné aux dames. Ou encore la Feuille hebdomadaire de la Normandie, la Gazette et nouvelles ordinaires de Toulouse, sans oublier les Mémoires des multiples académies provinciales, Nantes, Bordeaux, Dijon, Caen, Perpignan, qui reprenaient récits de voyage et observations des naturalistes en les commentant.
L’enfant fut promené dans Paris avant que l’on perde sa trace, probablement exhibé dans les cours et les salons des capitales européennes jusqu’à ce qu’un refroidissement ne l’arrachasse à l’intérêt des savants et des curieux. De cet « événement mondain mineur », selon l’expression de Jacques Roger, Voltaire rendit compte et Maupertuis tira l’argument de sa Venus Physique, sous titrée Dissertation sur le maure blanc.
La lecture de ces compte-rendus de l’Académie Royale des Sciences est à l’origine du présent ouvrage, qui ne prétendait lorsque je l’entrepris il y a trente-cinq ans à d’autres dimensions que celles d’un article sur la notion de singularité dans l’œuvre de Buffon. Mais la réunion en un seul volume publié en 1971 chez Maspéro des textes de ce dernier consacrés à l’homme, à ses variétés et à leurs causes, me mit une puce dans l’oreille qui me démangea quelques dizaines d’années et dont le lecteur ne trouvera l’apaisante solution qu’au chapitre traitant de l’alpinisme. Trois siècles de pérégrinations autour du globe, avaient amassé les observations concernant des êtres dont le point commun, souligné par Buffon, était de naître blanc dans des populations colorées : les Dondos du Sénégal, les Albinos du Gabon, la piestra horda de Sibérie, les blafards de l’isthme Darien, ou encore les Bedas de Ceylan, les Kakerlakes de Java ... La naissance d’enfants blancs dans des contrées peuplées de noirs, de jaunes ou de cuivrés semblait lorsque l’on apporta le petit maure blanc à l’académie un fait répandu aux quatre coins du globe, dont seule l’interprétation était soumise à variations. Deux problématiques s’entrecroisaient, l’une portant sur l’origine de la couleur de la peau, et l’on faisait appel à des théories très diverses : explication historique, influence du climat, causes chimiques, physiologiques, anatomiques, imagination des mères. La seconde concernait la singularité de ces phénomènes, les uns soutenant qu’il s’agissait d’accidents de la nature, de lusi naturae, comme les hermaphrodites ou les nains ; les autres que ces êtres formaient des groupes entiers comme les géants de Patagonie, les pygmées d’Afrique, les hommes sauvages de Bornéo * ou les troglodytes .
Comment percevons-nous ces explorateurs rédacteurs du récit de leurs voyages ? D’abord, dans leur diversité : les uns sont marins, d’autres soldats ; les missionnaires côtoient les commerçants, les chirurgiens discutent sur le pont avec des flibustiers. Les naturalistes, botanistes ou zoologues, viendront après. Ont-ils la même formation ? Surement pas : si tous par définition savent écrire, les uns ont lu Pline ou Ctésias dans le texte, les autres ne possèdent du latin que les rudiments. La formation d’un diplomate diffère de celle d’un dessinateur. Sont ils préparés à cet exercice ? Si la réponse est affirmative pour les jésuites, si la tenue d’un journal de bord est instaurée pour les capitaines dès le début du XVème siècle, les premiers voyageurs pour la plupart ne suivent pas une méthode, et notent au gré de leurs critères propres de la nouveauté, du différent ; la vérification des dires de Pline ou d’Hérodote n’a de sens que si l’on a fait ses humanités. Ce que rapporte l'un de ces voyageurs, dépend donc de sa formation, des a-priori qu’il emporte dans son bagage intellectuel, de l’idée qu’il se fait de l’insolite, de l’incongru. Un personnage intéressant bien qu’imaginaire est Raphaël Hythloday, le marin-philosophe que rencontre Thomas More au début de l’Utopie : il n’entend guère le latin mais connaît bien le grec, langue philosophique par excellence. Figurent dans les récits, deux ordres de faits : ceux que l’auteur a vu lui-même, et ceux qu’on lui a rapporté ; la encore une distinction s’impose, entre ce que des matelots ou des missionaires ont vu ou entendu, et les propos des indigènes eux-mêmes, dont le recueil suppose la présence d’un traducteur. De manière anecdotique, deux observateurs dont l’idéologie diverge – l’un est catholique, l’autre protestant - se trouveront en concurrence sur le même terrain : André Thevet et Jean de Léry au Brésil.
Les récits de voyages de sont pas légion au sortir du moyen-âge : en dehors des géographies de Pline, de Mela, de Ptolémée, d’Hérodote, pour l’antiquité ; des récits de Geoffroy de Villehardouin ou de Jean de Joinville en terre sainte lors des croisades, du voyage des frères Polo, du périple de Jean de Mandeville, entre autres Mirabilia descripta, les manuscrits sont rares qui rendent compte de l’Orient ou de l’Afrique du Nord … L’engouement pour le genre se dessine dans la seconde moitié du XVIème siècle, avec les libraires-imprimeurs Théodore de Bry, Walter Raleigh, Richard Hackluyt ; il s’affirme au siècle suivant, explose commercialement avec les multiples rééditions des premières compilations telles les Grands Voyages, où le lecteur découvre les premières relations concernant les Indes Occidentales, les Amériques. Ce développement de l’édition spécialisée crée une tension supplémentaire affectant les voyageurs-observateurs : un bon nombre d’entre eux lorsqu’ils tracent la première ligne de leur compte-rendu savent qu’au retour ils pourront espérer en tirer bénéfice. A côté puis intriqué avec le commerce florissant des cartes maritimes, et des possibilités croissantes de l’impression et des textes, et des gravures, le marché des Indes occidentales et orientales qui détermine l’évolution économique du monde européen étendu peu à peu à l’ensemble du globe, génère des intermédiaires : aussi le rédacteur d’une relation de voyage à peine débarqué se voit-il proposer de mettre en forme la matière brute de son récit, grâce aux services d’un clerc, averti des goûts du public, qui corrigera et l’orthographe et le contenu même du manuscrit.
Dans l’abondance de détails qui déferlent sur l’Europe et le cercle de plus en plus large des curieux, apothicaires ou médecins possesseurs de cabinets, princes affichant leur inclination pour les arts et les sciences, philosophes prompts à tirer d’un récit exotique matière à moraliser, l’albinos est noyé au milieu d’une quantité d’observations qui lui disputent en singularité et en merveilleux. Le nombre de relations de voyages qui le décrivent est très faible, le nombre des compilations qui le citent l’est un peu moins : nous ne voudrions pas que le demi-millier de pages qui suivent induisent le lecteur en erreur, quand à l’appréciation quantitative du phénomène. Au contraire, par rapport aux nations exotiques telles que les géants, les acéphales, les unijambistes, les amazones, les hommes à queue, les cannibales, les albinos font pâle figure oserons-nous écrire. Et sont absents des récits exotiques de Thomas More ( l’Utopie est bâtie à partir d’une rencontre à Anvers avec Raphaël Hythloday, un marin-philosophe portugais compagnon d’Amerigo Vespucci lors de son quatrième périple ), de Rabelais, ou plus tard de Bernard de Fontenelle ( la relation d’un sauvage de l’isle de Bornéo et l’entretien sur la pluralité des mondes) et du génial Swift.
Alors pour quelle raison attribuer une telle importance à cet « événement mondain mineur » ? Si les relations de voyage faisant allusion directement à l’albinos sont rares, en revanche la quasi totalité des dissertations sur la couleur de la peau, qui se comptent par dizaines, en tirent argument, et ce quelle que soit la valeur accordée à celui-ci dans le débat crucial qui oppose les monogénistes et les polygénistes, autrement dit, la question même de l’unité du genre humain, dont l’enjeu est capital, alors qu’une partie de ce genre enchaîne l’autre.
"Au château de Drottningholm, en Suède, dans les appartements du prince héritier, se trouve le portrait au pastel d'un nègre blanc, c'est-à-dire albinos. Grâce à l'extrême obligeance de M. Cari David Moselius, l'érudit suédois distingué, nous pouvons en donner la reproduction (pi. 3). Une inscription de l'époque, collée sur le verre, identifie le modèle: « Mapondé, né d'un nègre et d'une négresse à Cabende, de nation Moyo, et a esté traitté au dit Cabende, coste d'Angolle, le 15 janvier 1743. Peint par J.-B. Peroneau en 1745. » Comment, et en quel lieu, ce jeune Zamore vint-il poser devant Perronneau ? Aurait-il été ramené des régions congolaises par le frère du dessinateur Aignan-Thomas Desfriches, capitaine de marine marchande, en même temps que le nègre Paul dont le buste, modelé par Pigalle, se trouve aujourd'hui au musée d'Orléans? Ces questions nous semblent difficiles à éclaircir, et l'année 1745 reste parmi les plus mystérieuses de la vie de Perronneau. Vu de face, à mi-corps, se détachant sur un fond bleu, le jeune nègre, au visage et aux cheveux blancs, porte un cafetan gris-vert, bordé de petit gris, s'' ouvrant sur un vêtement de couleur rose comme le bonnet qu'il tient à la main. Le modelé de cette tête enfantine est singulièrement puissant et expressif. Suivant M. Granberg, ce pastel devait se trouver déjà à Drottningholm au XVIIIème siècle ; il avait sans doute été acheté par la reine Louise Ulrique, sœur de Frédéric le Grand".
in Léandre Vallat (1878-1952) ; Paul Ratouis de Limay (1881-) : Perroneau Jean-Baptiste (1715-1783) ; Librairie nationale d'art et d'histoire, Paris