Fiat Lux :
De la musique des sphères
aux couleurs de l'arc-en-ciel
Benoit Kullmann, 8 Septembre 2009, Dusseldorf
Martin van Heemskerk Ares et Aphrodite surpris par Hephaïstos
Héphaïstos, le dieu forgeron, époux jaloux d’Aphrodite, qui le trompe avec Arès, le dieu de la guerre, surprend les amants au lit, les emprisonne dans un filet, et les ridiculise devant l'ensemble des dieux de l'Olympe - on ne peut tirer vengeance au Panthéon que de manière indirecte. Pas question d'occire son rival, il est immortel. Mais de l'union coupable d'Arès et d'Aphrodite aux caractères opposés naîtra Harmonie, ailleurs appelée Hermione, bâtarde détestée de l'Olympe d'autant plus qu'elle appartient à la tradition thébaine, et se distingue doublement des nouveaux dieux, à la fois illégitime et légitime, fruit d'un adultère mais fille d'une divinité première ; d'Harmonie donnée en mariage à Cadmos frère d'Europe et fondateur de Thèbes naîtront paradoxalement des monstres, des fous, des assassins, des assassinés, et jusqu'à Oedipe. Un collier forgé par Héphaïstos et offert à Hermione, serait la cause de cette concaténation de malheurs. Ceci pour rappeler que le jeu des notions auxquelles nous n'accordons plus de visage - l'Harmonie, la Nécessité - fut un temps de l'ordre des règlements de comptes familiaux.
Harmonie universelle : I - La musique des sphères
Vois ces planètes qui roulent en ordre, sans jamais se heurter (...).
Entends l'harmonie des sphères, cet énorme chant de grâces minéral qui se répercute aux quatre coins du ciel.
Jean-Paul Sartre, les Mouches, 1943, III, 2, p. 98.
Je vais tenter d'exposer comment le référent, le socle d'une notion essentielle à la stabilité du monde, l'Harmonie, encore en usage chez quelques uns d'entre nous, a changé, passant du registre des sons musicaux à celui des couleurs, assez précisément il y a trois siècles. Quelques concepts importants avant d'entrer dans le vif du sujet : de la lecture des Mythologiques, j’ai retenu qu’une fonction des mythes était d’assurer l’un à l’autre deux paradigmes instables, celui de la Nature et celui de la Culture, chacun autant que l’autre étant menacé d’effondrement, la robustesse de l’ensemble étant garantie par les possibilités d’adaptation du mythe aux contingences. Il en va autrement dans la pensée occidentale, et peut-être d'autres que j'ignore, dont le propre est d'arrimer un registre instable à la solidité d'un autre. La stabilité du Cosmos s'oppose au désordre du Chaos, et repose sur des règles solides. Ce dont je vais parler est une crise de représentations cosmologiques, et non épistémologiques, dans un premier temps. Je veux dire, que la crise épistémologique n'est pas première mais consécutive à l'onde de choc produite par la crise de la représentation cosmologique. D'autre part, vous serez surpris par le nombre d'événements dont on aurait pu attendre que leur survenue déstabilise la conception cosmologique du moment, mais qui n'ont eu en fait aucune conséquence. Pour la bonne raison, que le souvenir des compétitions théoriques qui auraient pu être menaçantes, est enterré dans les cimetières de la philosophie. Si le sol de l'École d'Athènes avait été recouvert d'un tapis, en le soulevant on aurait trouvé nombre de pensées peu orthodoxes que les courants dominants ont étouffé sans état d'âme.
Fortune de la musique des sphères
Prenons la situation de Pythagore constatant que des cordes tendues avec la même tension et dont le rapport des longueurs sont des nombres entiers sonnent dans la même gamme. Si la corde de référence sonne en do, une corde deux fois plus courte sonnera encore en do, 3 fois plus courte en sol, 4 fois plus courte en do, 5 fois plus courte en mi, etc. Soit les notes de l’accord parfait de do majeur. Pythagore construit une interprétation mathématique des gammes, les notes étant définies par des relations numériques. Pour les Pythagoriciens le mouvement des astres assure l’harmonie du Monde. Autour de la Terre située au centre de l’Univers tournent les astres sur des trajectoires circulaires, chacune de celle-ci étant conçue comme une corde vibrante dont la note doit être en harmonie avec celle des autres astres. Les sept astres ( Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne ) et la sphère des étoiles jouent une gamme complète et en parfaite harmonie : la musique des sphères. Dans le Timée ( c. 370 B.C.)
Platon décrit l’âme du monde comme possédant des propriétés comparables aux relations musicales. Les planètes sont disposées selon une séquence 1:2:3:4:8:9. Dans le Mythe d’Er, au livre X de la République, les âmes dans les Enfers voient et entendent les orbites tournoyantes, proportionnelles et colorées, chacune accompagnée de sa note chantée par une sirène. Ultérieurement, les planètes et les astres seront désignés selon la séquence numérique Lune = 1; Venus = 2; Terre = 3; Mars = 4; Jupiter = 14; Saturne = 25, reproduisant les intervalles de la gamme diatonique : la musique des sphères était née. Pour résumer, l'harmonie universelle est garantie dans un premier temps par la musique des sphères. D’Aristote à Polycarpe Poncelet, la liste est longue des musiciens, peintres, savants, astronomes, qui accordent les sons aux couleurs, aux odeurs, aux modes harmoniques, aux sensations élémentaires du goût. Johannes Kepler (1571-1630) publiera certes en 1618 les Harmonices mundi, où chaque planète est définie par un motif, une séquence de notes fondée sur ses mouvements. Ce qui est intéressant, est que cette variation formelle - non plus une note mais une série de notes par planète - ne menace pas fondamentalement la structure - le géocentrisme - mais néanmoins introduit une instabilité.
La crise de la musique des sphères
La conception géocentrique, précisée par Ptolémée, maintenue vingt siècles, sera l'objet d'une crise qui se déroule en plusieurs actes, dont certains semblent n'avoir eu aucune incidence alors qu'ils compromettaient radicalement la stabilité du système, théoriquement.
Ainsi, l'introduction très précoce de la gamme chromatique en Grèce par Archytas de Tarente (c. 428 - 350 B.C.). Remplacer un gamme de sept sons par une gamme de douze sons séparés par des intervalles égaux contenait en germe de quoi faire imploser l'imbrication des sphères de Pythagore, d'Aristote ou de Ptolémée. Il n'en fut rien. De même, les modèles proposés par Héraclide le Pontique, absent le jour où les philosophes posèrent pour Raphaêl, qui soutint que la Terre n'était pas immobile, mais tournait sur elle-même, ce qui permettait de comprendre la rotation apparente de la voûte céleste en 24 heures ; et que les mouvements particuliers de Mercure et de Vénus qui semblaient osciller autour de Soleil, suggéraient que ces deux planètes ne tournaient pas autour de la Terre, mais autour du Soleil. Héraclide était cependant géocentriste. Ses propositions n'eurent aucun écho jusqu'à ce que Copernic le cite. Le plus étonnant est l'indifférence que connut Aristarque de Samos au IIIe siècle avant notre ère. En appliquant des raisonnements géométriques aux corps célestes, en particulier au moment des éclipses de Lune, il détermina les distances relatives de la Lune et du Soleil, dont il démontra qu'il était beaucoup plus volumineux que la Terre. Comme il lui paraissait difficile d'admettre qu'un corps de cette taille tourne autour d'un corps beaucoup plus petit, il proposa que le Soleil était le véritable centre du monde, et que toutes les planètes, sauf la Lune, gravitaient autour de lui. Le seul a avoir repris ses théories est Séleucos de Séleucie, un astronome babylonien ( ou grec ? ) du siècle suivant.
« Aristarque de Samos a publié certains écrits sur les hypothèses astronomiques. Les présuppositions qu'on trouve dans ses écrits suggèrent un univers beaucoup plus grand que celui mentionné plus haut. Il commence en fait avec l'hypothèse que les étoiles fixes et le Soleil sont immobiles. Quant à la terre, elle se déplace autour du soleil sur la circonférence d'un cercle ayant son centre dans le Soleil. »
Archimède, Préface du traité Le sablier.
Il faut attendre près de deux millénaires pour que des modèles complexes héliocentriques soient proposés par Nicolas Copernic (1473-1543), par Tycho Brahé, par Galilée enfin.
Le géocentrisme a vécu, avec l’introduction de la gamme chromatique dans l’harmonie, et surtout avec la redéfinition du cosmos, héliocentrique et non plus géocentrique : c’en est fini de la musique des sphères. Cependant la notion d’harmonie universelle n’est pas remise en question pour autant, la correspondance des sons et des couleurs demeure toujours telle une certitude échappant à toute critique. Puisque la musique des sphères tourne à la cacophonie, ce ne seront plus les notes qui donneront le la aux autres séries homothétiques, accordant au mouvement des planètes les sons, les couleurs, les saveurs, mais les couleurs dont l’ordre sera défini d’une manière indiscutable par Isaac Newton.
Harmonie universelle : II - La couleur de l'arc-en-ciel
Avant d'examiner en détail les conséquences de la formalisation par Isaac Newton lui-même de sa découverte, je vous propose de parcourir rapidement une obsession d'un certain nombre d'artistes, d'intellectuels, de savants qui depuis l'antiquité se sont mis en tête d'établir des correspondances entre les sensations de registres différents. J'ai traité longuement ailleurs la cause et la conséquence de cette perversion de l'esprit : la théorie des cinq sens aussi archaïque mais plus résistante apparemment que la théorie des quatre éléments et moins sociologiquement marquée que la subordination aux signes du zodiaque ; sans cette théorie, aucune correspondance possible entre les différentes modalités de la sensation ; d'autre part, la synesthésie, dont la mode est revenue depuis une petite quinzaine d'années, après avoir déchaîné les passions à la fin du XIXème siècle, et dont la consistance s'évanouit dès lors que l'on met à plat la théorie des cinq sens sur laquelle elle est avec une naïveté confondante rivée comme l'arapède à son rocher.
La couleur de la musique
La liste des théoriciens des correspondances nous occuperait pendant une journée et commence avec Aristote ; je me contenterai de citer les plus originaux, Franchino Gaffurio ( 1451-1522 ) qui propose une coloration des modes en 1492 : Dorien = couleur cristalline ; Phrygien = orange; Lydien = rouge ; Mixolydien = couleur mixte indéfinie ; Jérôme Cardan qui en 1550, expose un système mettant en correspondance les couleurs, les saveurs et les planètes ; Giuseppe Arcimboldo, auquel manquait un modèle mathématique d’harmonie des couleurs, construisit une échelle de gris à partir du système pythagoricien des intervalles de la gamme ; il transforma cette échelle de gris en échelle des couleurs et convainquit un musicien de la cour de Rudolph II de Prague d’installer des bandes de papier colorées sur son gravicembalo ( clavecin ) ;
et last but not least le jésuite Athanase Kircher (1601-1680) qui publie en 1646 un Ars magna lucis et umbrae puis sa Musurgia Universalis exposant le principe d'un Clavecin oculaire. La Musurgie est l'art d'employer à propos les consonnances et dissonnances.
L'harmonie de l'arc-en-ciel
Beaucoup plus ancienne et solidement ancrée dans les mentalités, la croyance très répandue en un principe universel d’harmonie chromatique analogue à l'harmonie musicale sera reconnue dans la structure même de l’arc-en-ciel : après bien d’autres, le théoricien du XVIIe siècle Karel van Mander, qui proposa des instructions détaillées sur la manière de rendre les six couleurs de l’arc-en-ciel avec des pigments, affirme que le bleu paraît excessivement bien placé à côté du pourpre, et celui-ci à côté du rouge, et le rouge à côté du jaune orange, etc... Mais l’extraction des règles élémentaires de cette grammaire des couleurs est laborieuse.
Martin Cureau de la Chambre (1594-1675) illustration des Nouvelles observations et coniectures sur l'iris Paris: Jacques Langlois pour Pierre Rocolet, 1650. Ce que Roger de Piles en 1708 faisait observer dans ses Cours de Peinture par Principes, mais sans en appeler au météore : les pigments de l’outremer et du vermillon s’accordent mal lorsqu’on les mélange sur la palette, nous le retrouvons dans la Manière de bien juger les ouvrages de peinture publiée en 1771, où Marc-Antoine Laugier conclut que le bleu et le rouge sont dans la plus grande opposition, puisque dans l’arc-en-ciel, nous « voyons le bleu le plus fort, et le rouge le plus vif, occuper les deux extrémités de l’échelle ».. Mais attardons nous sur l'une des expériences scientifiques les plus fascinantes qui soient, à tout point de vue.
Les couleurs de l’arc-en-ciel
Des arcs-en-ciel, plusieurs surent les produire à l’aide d’un prisme bien avant Isaac Newton. Mais ce dernier construisit le premier un dispositif permettant de combiner l’action successive de deux prismes sur un faisceau lumineux. C’est l’Experimentum Crucis de 1672 : de droite à gauche sur le croquis dessiné par Newton lui-même, on distingue l’ouverture par où passe la lumière solaire, le premier prisme, la planche interposée entre le premier et le second prisme, percée de trous afin de sélectionner un faisceau émergent d’une seule couleur, puis le second prisme, et l’absence de dispersion observée sur le mur opposé à l’ouverture. Si l’on compte les trous découpés par Newton sur la paroi qui sépare les deux prismes, on en dénombre cinq. Et non sept. La décomposition de la lumière produit invariablement l’apparition du même spectre des couleurs, dont l’ordre est analogue à celui de l’arc-en-ciel. La crise du fondement de l'harmonie universelle, détrônant la musique des sphères, trouve dans la figure de l'arc-en-ciel une nouvelle assise, au prix d'un torsion cervicale à l'observation de la part du grand Newton lui-même. Cette nouvelle optique n’est pas acceptée par tout le monde : les cartésiens résistent, les précurseurs de la théorie ondulatoire contestent.
Le clavecin oculaire
Parmi les adversaires déclarés des théories Newtoniennes, un personnage original, Louis-Bertrand Castel, (1688-1751), occupe la place du bouffon, amusant la galerie pendant un quart de siècle. Après ses études au collège des Jésuites, faute d’avoir pu se rendre en Chine où il avait demandé à être envoyé, il enseignera au Lycée Louis le Grand en 1724, rappelé par Fontenelle et Tournemine. Il fait paraître un premier texte en 1725, intitulé Clavecin pour les yeux avec l'art de peindre les sons et toutes sortes de pièces de musique, qui sera suivi des Nouvelles expériences d'optique et d'acoustique en 1735, puis de L’Optique des Couleurs, fondée sur les simples observations, & tournée sur-tout à la practique de la peinture, de la teinture & autres arts coloristes, édité en 1740. Louis Bertrand Castel conçut un projet poursuivi son existence entière : construire un clavecin capable de transformer les sons en couleurs. Son dessein était plein de bonnes intentions : dans l’article préliminaire paru en 1725 il ne s’agit pas moins que «… de peindre ce son et toute la musique dont il est capable ; de les peindre, dis-je réellement, ce qui s'appelle peindre, avec des couleurs , et avec leurs propres couleurs ; en un mot, de les rendre sensibles et présents aux yeux, comme ils le sont aux oreilles de manière qu'un sourd puisse jouir et juger de la beauté d'une musique (...) et qu'un aveugle puisse juger par les oreilles de la beauté des couleurs.»
Il puise dans Kircher, un jésuite érudit, les bases de son raisonnement analogique. Athanase Kircher a publié en 1650 la Musurgia Universalis, démonstration ( sans allusion aucune à la Dioptrique que Descartes a publié quelques années auparavant ) de l’analogie parfaite entre le son et la lumière, que Castel reprend à son compte. Comme la lumière, le son se réfléchit, est soumis aux lois de la réfraction des corps qu’il pénètre ; les trompettes sont à l’ouïe ce que les lunettes sont à l’œil ; les microscopes sont à la vue, les cornets que le sourd place à son oreille… « Le son & la lumière consistent également dans les trémoussements insensibles des corps sonores et lumineux, et du milieu qui les transmet ». Que l’on ne s’imagine pas Castel lisant Huyghens ! Les trémoussements évoquent certes les vibrations sur lesquelles le hollandais fonde sa théorie mais l’abbé a pêché l’expression chez Kirchner, qui prétendait voir les couleurs plus vives « lorsque l’air est semé de divers trémoussements dus au son » ...
On ne se lasse pas des citations de Castel : « Au sortir du déluge, Dieu nous regardant en pitié comme de petits enfants, il nous montra cet arc-en-ciel, vrai joujou, vrai clavecin, dont l’aspect a quelque chose de riant et de gracieux » ; « Or, pour le dire en passant voilà votre tonique, voilà votre tierce, et votre quinte de couleurs dans les trois principales du prisme ou de l'arc-en-ciel ». « Avant le déluge, la Nature était semée de mille coloris. Après le déluge, l'arc-en-ciel a été donné à l'homme comme sceau d'une alliance entre celui-ci et Dieu. Le premier ton de l'arc est le la, tandis que le clavecin possède une tonique ut-bleue. L'arc-en-ciel est donc monté en mineur, le clavecin en majeur. Comment résoudre ce problème ? Avant le déluge, l'œuvre de Dieu, pure, résonnait en majeur et le ciel était entièrement bleu. Après le déluge, le bleu devint sanglant, comme tout ouvrage divin. La fondamentale bleue du départ, mélangée au rouge devint violette et résonna dès lors en mineur : « L'arc-en-ciel n'est qu'une allégorie de Jésus-Christ et mon clavecin qui en descend est chrétien «.» Le prisme du père Castel ( 1688- 1757) ne réfracte pas la lumière, mais fait apparaître les trois fondamentales des peintres, le rouge, le jaune et le bleu, qui par combinaison donnent douze couleurs conformément à la gamme chromatique. Par exemple, sur la palette musicale du Père Castel le vert « qui répond au ré est naturel, champêtre, riant, pastoral ».
Harmonie des sons, harmonie des couleurs
Toute musique qui ne peint rien n'est que du bruitJean le rond dit D’Alembert (1717-1783)
La correspondance entre les sons et les couleurs est au XVIIè et au XVIIIè siècles une question triviale, débattue indéfiniment dans les salons, les académies et les cours. L’analogie entre les notes de la gamme et les couleurs du spectre s’impose à n’importe quel esprit faible, à l’ut correspond le violet, au ré l’indigo, au mi le bleu, au fa le vert, au sol le jaune, au la l’orangé, au si le rouge, à l’ut enfin le pourpre ; on fit remarquer au révérend père Castel que le nombre de couleurs dépassait le nombre sept, et que le nombre de notes dans la gamme chromatique était douze et non sept. D’où un bricolage aboutissant à la mise en correspondance des douze demi-tons de la gamme chromatique et des couleurs « bleu, céladon, vert, olive, jaune, fauve, nacarat, rouge, cramoisi, violet, agate, turquin ».
Comment les ténors du siècle des lampions accueillirent-ils les idées du Père Castel ? Diderot se moquait de lui et l'évoque de manière fort ironique dans les Bijoux indiscrets. Voltaire écrit « C'est une musique pour les yeux… Il peint des menuets et de belles sarabandes. Tous les sourds de Paris sont invités aux concerts qu'il leur donne…». Parmi les musiciens, Telemann, Gretry et Rameau furent intéressés ; Telemann donnera une traduction allemande du Clavecin oculaire, publiée à Hambourg en 1739. Jean Jacques Rousseau qui lui a rendu visite porte un diagnostic : « Le P. Castel était fou, mais bon homme au demeurant », reconnaissant qu’il fait partie des trois seules personnes qui lui furent utiles lors de son séjour à Paris. La folie douce du père Castel oscille entre la paraphrénie et la mythomanie. Au point qu’il prétend s’être donné à lui-même des concerts de prismes, et livre au passage la recette de clavecins olfactifs, gustatifs, et tactiles : « Mettez une quarantaine de cassolettes pleines de parfums divers, ouvrez les soupapes. Voilà pour l'odorat. Sur une planche, rangez tout de suite, avec une certaine distribution des corps capables de faire diverses impressions sur la main. Voilà pour le toucher. Rangez de même des corps agréables au goût, entremêlez de quelques amertumes. Voilà pour le goût ».
Je m'intéressai à l'arc-en-ciel, à partir d'une réflexion simplette - la découverte de la décomposition de la lumière par le prisme avait-elle modifié la manière dont les peintres représentèrent l'arc-en-ciel après Newton ? Auparavant, l'arc-en-ciel était conçu sans la moindre référence réaliste, qu'il marque la fin du déluge, ou le jugement dernier. Ses couleurs sont tierces ou quartes, selon que l'on y voit la trinité ou le tétramorphe. Chez Rubens, l'un des iridophiles les plus prolixes, l'arc n'est jamais orthodoxe. L’arc-en-ciel est propulsé au rang de canon de l’harmonie chromatique, révélée par le prisme ; après les vaines exhortations du jésuite Marc-Antoine Laugier, ou du poète Antoine-Marin Lemierre, ceci sera enseigné dans un lieu aussi prestigieux que l’Académie royale d’Angleterre en 1804 par Benjamin West, président de cette institution. Les querelles des physiciens trouvent leur écho dans les oeuvres d'Angelica Kauffman, newtonienne jusqu'au bout des ongles, de Laurent Pécheux, caricatural, du préraphaélite, corrigé au dernier moment par John Everett Millais ; et à l'opposé dans les arcs anti-newtoniens de Joseph-Marie Vien.
D'une crise cosmologique à une crise épistémologique
Franz Marc (1880-1916) Chevaux noir et blanc dans un paysage montagneux avec arc-en-ciel 1911 Graphische Sammlung, Albertina, Wien
Franz Marc (1880-1916) Cheval bleu avec arc-en-ciel 1913 The Museum of Modern Art, New York John S. Newberry Collection
Le rapport entre la chose représentée et sa représentation change. Les peintres comme les musiciens se mettent à inventer des codes. Les arcs-en-ciel de Vassili Kandinsky, comme ceux de Franz Marc ou certains de Robert Delaunay, ne sont pas non plus newtoniens, déformés par les contraintes de la composition, multicolores chez Marc sans aucun respect du spectre, tricolores chez Kandinski, et volontiers rouge-jaune bleu (Gelt-Rot-Blau est l’une de se oeuvres maîtresses). Célestes chez Marc, ou dans Twilight de Kandinski, ils participent au rayonnement cosmique dont la description scientifique récente fascine les peintres de cette génération. Ailleurs, ils sont ancrés dans le paysage prolongeant la légende du pont arc-en-ciel, de la passerelle mystique entre le terrestre et le spirituel. Vassili Kandinsky raconte que dès l’âge de trois ans, il voyait les couleurs se détacher des objets, affirmant sa synesthésie, une prétention alors très à la mode en particulier dans les milieux artistiques. Caressant le violon comme Ingres, fasciné par la puissance émotionnelle de la musique, il écrit en 1907 Der Gelbe Klang, le son jaune, associant musique, poésie, théâtre et jeux de lumière. En 1910, Alexander Scriabin compose Prometheus: The Poem of Fire, qui comporte une partie pour un orgue coloré. Prometheus fut produit à New York en 1915 ; un orgue lumineux projetait des lumières colorées sur un écran au dessus de l’orchestre. En 1911, Kandinsky entreprend une correspondance avec Arnold Schönberg (1874-1951), théoricien de l’atonalité. Trois ans auparavant, il avait décidé de s’installer à Murnau avec Gabriele Munter, et découvert par hasard l’abstraction, fasciné par une de ses oeuvres appuyée contre le mur mais tournée sur le côté. : « Maintenant j'étais fixé, l'objet nuisait à mes tableaux ». 1
Kandinsky oscille entre deux métaphysiques : un système cyclique dont les couleurs sont un modèle de représentation, mouvement perpétuel enraciné dans les mythes solaires et les religions panthéistes, suivant le même chemin qu’emprunta Goethe ; un système linéaire dont l’eschatologie est variable, édénique selon la théorie théosophique, apocalyptique si l’on se réfère à la thématique du peintre. En ce qui concerne les couleurs, il s’inspire de Rudolf Steiner lui-même fortement influencé par le Traité des couleurs de Goethe qu’il a préfacé, accommodant le poète à la sauce anthroposophique. Les couleurs de l’arc-en-ciel sont au nombre de sept, il en ajoute cinq pour faire douze comme les tons de la gamme chromatique et les signes du zodiaque. L’enjeu est de réaffirmer l’unité du cosmos, dont la construction reproduit les mêmes lois gouvernant de manière analogue des registres différents.
La fin de l’Harmonie universelle
Franz Marc a été tué pendant la grande guerre, en 1916, près de Verdun ; d'autres codes sont inventés par les peintres, en particulier par Klee ; le dodécaphonisme achève l'harmonie musicale, l'abstraction achève l'harmonie des couleurs : en ce sens que le référent, le réel, astronomique ou météorologique, disparait au profit des seules lois de la composition musicale ou picturale, le temps d'une pièce musicale ou l'espace d'un tableau.
Paul Klee
Paul Klee (1879-1940) ne pouvait, alors qu’il écrivait sur la couleur ou tenait conférence sur le sujet, escamoter l’arc-en-ciel, qu’il définit comme « une abstraction au sens de pureté de la couleur » ( le regard pensant, conférence de 1922). La mystique de Klee diffère sensiblement de la métaphysique de Kandinsky : néanmoins, pour éclaircir le mystère de l’arc, il pose comme principe premier, en bon néo-platonicien, qu’il existe une forme parfaite de ce qui nous parvient sous forme incomplète, superficielle ; et comme principe second, en bon théosophe, que l’instinct artistique est la clé nous permettant d’entrevoir l’être cosmique depuis notre monde terrestre et derrière les apparences. Par chance, à la frontière des atmosphères terrestre et céleste, se trouve l’arc-en-ciel !Situé à la limite des deux mondes, terrestre et spirituel, l’arc-en-ciel ne peut être totalement parfait : tout d’abord, Klee ne croit pas qu’il contienne sept couleurs, à regret car ce chiffre « lui convient bien », mais six ; d’autre part les couleurs y sont présentes sous forme linéaire, et non circulaire, le cercle étant l‘expression de la perfection. Enfin et surtout, la série des couleurs commence et finit en des points précis. Mais là encore, la chance qui a probablement accordé à Klee une disposition singulière des cônes de la rétine, lui fait voir une teinte violette aux deux limites de l’arc, un bleu violet et un rouge violet, qui sont comme deux moitiés d’une même couleur, et du même coup permettent de boucler la boucle et de déboucher sur l’infini, autrement dit l’éternité : « nous quittons le règne humain, le domaine supra-animal, le domaine du pathos, de la tension, du matériel-animé, du règne intermédiaire incluant le repos et le mouvement, symbolisé par le triangle où les couleurs pures ne sont qu’à moitié chez elles. Nous libérons le pendule des lois de la pesanteur, nous le laissons fendre les airs pour qu’il accède au domaine des Dieux, au règne dynamique de l’élan, de la spiritualité, de la rotation parfaite et du mouvement total, symbolisé par le cercle où les couleurs pures sont véritablement chez elles.»
Paul Klee ( 1879-1940) illustration de Das bildnerische Denken ; conférence du 28 Novembre 1922 Die Ordnung auf dem Gebiet der Farben (Das Regenbogen als endliche Farbreihe /Die Skala der reinen Farben /Der spektrale Farbkreis)
Et un peu plus loin : « le violet peut être mentionné comme le point d’impact de la force qui humanise et déforme les choses divines pour les révéler à l’être humain ». On imagine la rotation parfaite de Goethe dans sa tombe, étourdi d’aise autant qu’éperdu de reconnaissance. Et pour conclure sur la formation de l’arc : « violence fut faite au cercle chromatique à l ‘endroit du violet. Brisé, le cercle se déroula et donna alors naissance à une série de points colorés qui forma l’arc-en-ciel. » Herschel a découvert l’infra-rouge en 1800, Rittner l’ultra-violet en 1802, interdisant à jamais de réunir les extrémités du spectre autrement que par fantaisie. Mais qu’importent les lois de la physique pourvu que le principe fondamental de la théorie des couleurs de Klee, la notion de mouvement continu, puisse s’épanouir entre deux mouvements conjugués : l’un circulaire, l’autre pendulaire. Du premier dérive le triangle des couleurs primaires, qui devient une étoile élémentaire après inclusion des non-couleurs, le noir et le blanc. Pas une référence à la théorie de Young, pas une allusion à la perception, alors que la Gestalt-theorie est en marche ; une méconnaissance étonnante des conceptions contemporaines de la lumière.
John Gage interprète ce texte comme le constat de la disparition du sens esthétique et symbolique de l’arc-en-ciel : même si l’on peut ne pas adhérer à la lecture qu’il propose de Klee, la conclusion de l’auteur de Couleur et signification est particulièrement bien venue et emporte la conviction qu’il faut désormais dire des messes pour le défunt météore, envoyé au purgatoire des symboles éculés et hors d’usage. L’acte de décès de l’arc-en-ciel coïncide avec le déclin de la Synesthésie, précipité par l’essor du behaviorisme. En ces lendemains de la grande guerre, l’arc qui symbolise la paix et l’harmonie n’est plus de saison. Plus profondément, l’année suivante, Schönberg compose ses premières œuvres sérielles, dodécaphonistes, en finissant avec les canons classiques de l’harmonie. Les musiciens structurent leurs créations à partir de lois internes, comme les peintres inventent de nouveaux langages dans lequel l’espace est limité à la toile, les formes et les couleurs entrant en résonnance en fonction du code défini par l’artiste, et non d’une quelconque référence à la réalité ; les concepts sont traduits en traits et en couleurs, sans prétendre représenter le réél. Si Kandinski restera fidèle à son projet de rendre visible l’invisible, dans une métaphysique ésotérique, Klee se révèlera un prodigieux créateur de codes, et l’inventeur d’une sorte de grammaire de la combinaison des signes picturaux : la démarche de Franz Marc peut apparaître comme une continuation naïve du monisme de Goethe, pérennisant la mise en correspondance des couleurs et des tempéraments ; celle de Kandinski est plus complexe tout en conservant la prétention d’exprimer les variétés des émotions ; en ce sens, elle appartient encore au mouvement amorcé trois siècles plus tôt, de la peinture des passions. Celle de Klee est définitivement abstraite, les couleurs et les formes sont des unités signifiantes qui entretiennent des rapports suffisant à générer un langage averbal.
L’arc survit à cette crise aux raisons complexes, mais déchiqueté, détissé comme le déplorait Keats. Réduit en charpie. Tel l’arc de Max Beckmann qui n’est plus le lieu de l’harmonie ; les bandes de couleurs sont disjointes, elles forment un pont déchiqueté dans le sens de la longueur, fragile passerelle désarticulée, impraticable, entre le monde terrestre et un ciel déserté. Voire réduit à son fantôme, chez Pollock - l'arc-en-ciel gris, sans doute hommage à son maître.
Iconographie complémentaire :
Sachs, Georg. Tob Historia naturalis duorum Leucaethiopum auctoris ipsius et sororis ejus ; Salisbaci, sumptibus Bibliopolii Seiddiani : 1812 VIII-118 p. -8vo
Cornaz en 1848 : synesthésie, complication de son albinisme : il offrait le singulier phénomène de lier habituellement l’idée de couleur à un grand nombre de classes de choses, principalement à celles qui forment des séries, comme les nombres, les lettres de l’alphabet, les notes de musique, les jours de la semaine, les époques de la vie ; il en était de même d’autres objets par exemple de diverses villes. Dans cette vision anormale, les couleurs claires étaient le plus distinctes, et les foncées l’étaient le moins ; le noir ne se rattachait pour lui qu’aux lettres i et u. Je tire de son ouvrage les exemples suivants : a et e sont rouges pour lui ; mais le premier tire plus sur le vermillon, le second sur le rose ; i est noir, o orangé, u ( ou des Français ) noir, ü ou ue ( u des Français ), blanc ; c d’un gris cendré pâle, d jaune, f d’un blanc sombre, obscure camum, ; h d’un gris cendré tirant sur le bleu, k d’une teinte verte, obscure et incertaine ; m et ni sont blancs, s d’un bleu seombre, w brun. Chacun des dix chiffres arabes lui présentait une couleur : les nombres composés de plus d’un chiffre avaient surtout celle du chiffre supérieur ; cependant plus un nombre avait de chiffres, plus sa couleur était indistincte, à moins qu’un d’entre eux ne se répétât, ce qui en rehaussait l’éclat ; quelques nombres de plus d’un chiffre avaient une couleur particulièrement vive, par exemple 100, qui au lieu d’être blanc comme 1, est jaune, excepté dans la chronologie, où il reprend la première de ces couleurs.
Castel n’est pas le premier à tenter de construire un clavecin oculaire, il ne sera pas le dernier
Clavecin electrique de l’abbé de la Borde
Clavecin magnétique de l’Abbé Pierre Bertholon
Nouvelles récréations physiques et mathématiques, contenant ce qui a été imaginé de plus curieux dans ce genre et qui se découvre journellement ; auxquelles on a joint les causes, leurs effets, la manière de les construire, et l'amusement qu'on en peut tirer pour étonner et surprendre agréablement / par M. Guyot : la musique oculaire
L’écrivain, chimiste, astronome Mikhail Vasilyevich Lomonosov (1711-1765) était lui aussi un partisan de la théorie vibratoire de la lumière. Au mois d’Avril 1742, à Saint Petersbourg il assistait à la séance de cloture de l’Académie Impériale des Sciences tandis que s’achevaient les festivités données en l’honneur du couronnement de l’impératrice Elisabeth Ière de Russie. Un dénommé Kraft, professeur de physique, fit une communication à propos d’un clavecin oculaire récemment inventé en France. Les couleurs, arrangées d’une manière particulière, pouvaient-elles procurer à un sourd le même plaisir que celui ressenti lorsque nos oreilles perçoivent l’harmonieuse consonnance des sons musicaux ?
Lomonosov écouta l’exposé de Kraft, résolument newtonien mais séduit par les idées de Castel, puis la réponse du Docteur Weitbrecht, professeur de physiologie, qui n’alla pas par quatre chemins pour démonter les prétentions de l’abbé : « il est plus facile et plus simple pour un cul-de-jatte d’apprendre à marcher sur les mains, que pour nous de percevoir avec nos yeux des sons présentés comme diverses couleurs (...) Les accords dans la musique sont agréables et les couleurs sont aussi agréables mais d’une manière totalement différente. La musique est construite sur des changements de tonalité, alors que l’effet des couleurs est fondé sur leur constance ».
Lomonosov, esprit universel, était non seulement poète et homme de science mais il avait créé une fabrique de mosaïque et abordé la question des colorants. Il postulera en 1757, prolongeant les vues de Descartes et de Newton, que l’éther est constitué de trois sortes de particules sphériques de tailles très différentes : les premières correspondent au sel et à la lumière rouge ; les secondes au mercure et à la lumière jaune ; les troisièmes au soufre et à la lumière bleue. La lumière d’une couleur donnée consiste en un mouvement giratoire d’un certain type de particule, ce mouvement étant communiqué d’une particule à l’autre. En passant il suggère que trois sortes de particules sont présentes dans la membrane noire située au fond de l’oeil, mûes par les rayons correspondants.
Charles Bonnet avait défendu une idée analogue dans l’Essai de physiologie paru en 1755, de « résonnateurs » rétiniens, mais sur le modèle des « résonnateurs » de l’oreille. La rétine est divisée en une grande quantité de zones, mais chacune reçoit des faisceaux de sept fibres principales correspondant aux couleurs du spectre newtonien.Lomonosov en choisissant de ramener à trois le nombre des « particules », par analogie avec les couleurs fondamentales des peintres, qui permettent par mélange d’obtenir toutes les autres, renforce la théorie trichromatique de la vision que Mariotte, le découvreur de la tache aveugle, avait inaugurée en 1681. Cette révolution et les progrès qui suivirent regroupa des physiciens, des médecins, et des industriels du verre et de la teinture.
Les observations de sujets dépourvus de la vision des couleurs se multiplient, colour blindness d’un côté de la Manche décrite par Briggs en 1684 peu après avoir observé des fibres au niveau de la rétine ; achromatopsie de l’autre ;
L’un des précurseurs majeurs de la théorie trichromatique est certainement Gautier D’Agoty, celui-là même qui réalisa la première impression du spectre de Newton. Les mouvements de ce fluide qu’est la lumière, ne provoqueraient aucune sensation au niveau des nerfs de la rétine s’il ne s’y trouvait des nerfs pour recevoir et communiquer ces diverses vibrations : ces nerfs récepteurs doivent avoir quelque chose en commun avec le mouvement de la lumière (Gautier D’Agoty, 1775).
George Palmer (1740-1795) était un commerçant spécialisé dans les verres teintés. Dans la Théorie des couleurs et de la Vision, publiée à Paris en 1777, il reprend l’idée qu’il existe trois sortes de lumières, et trois particules correspondantes dans la rétine. Le mouvement uniforme des trois types de particules produit la sensation de blanc. Le journal de l’Encyclopédie en fit le commentaire lorsque l’ouvrage fut traduit en français.
L’ une des pathologies rapportées et commentées depuis quelques dizaines d’années auprès des sociétés savantes est l’achromatopsie - l’absence de vision colorée. George Palmer suggère que l’une ou deux des particules sont alors inactives ; en ce qui concerne l’effet retardé des couleurs complémentaires, il propose que les trois sortes de fibres sont alors différemment adaptées. Quant à la vision résiduelle nocturne, elle est consécutive à l’activité résiduelle des fibres de la rétine.
John Elliot (1747-1787), un apothicaire londonien et mélancolique qui aurait pu servir de modèle à Flaubert à ceci près qu’il tenta d’assassiner sa femme infidèle, suppose dans les Philosophical Observations on the Senses (1786) que les organes des sens doivent contenir des résonnateurs qui sont normalement excités par leur stimulus approprié mais peuvent également être mûs mécaniquement.Ces résonnateurs au niveau de la rétine sont sensibles seulement à une même sorte de rayons lumineux avec lesquels ils vibrent à l’unisson. Le rouge est provoqué par les vibrations les plus lentes, le violet par les plus rapides. Si les rayons qui provoquent le bleu et ceux qui provoquent le jaune tombent sur des résonnateurs très proches, alors la couleur verte est perçue. Et si toutes les sortes de rayons tombent très proches sur l’oeil, ils excitent toutes les variétés de vibration et la couleur mélangée perçue est le blanc. Allant plus loin, John Elliot suggère qu’il existe des radiations auxquelles l’oeil n’est pas sensible dans ses Experiments and observations on light and colours (1786) publiées anonymement.
Peu à peu se profile l’idée de récepteurs rétiniens sensibles à des rayons lumineux d’une certaine couleur. Le concept de récepteur sensoriel ne sera établi qu’en , bien que Meissner et d’autres aient décrit au niveau de la peau des corpuscules, des , dont la fonction le plus souvent demeure inintelligible, faute de corpuscule de Pacini, corpuscule de Meissner, corpuscule de Ruffini et disque de Merkel.
Ces progrès qui aboutiront aux découvertes décisives du début du siècle suivant se déroulent sans aucune influence sur les peintres, comme sur la plupart des théoriciens de l’art. Il est très étonnant de constater que Goethe n’avait aucune notion de ces développements, alors qu’il fit de la théorie de la couleur le combat de sa vie, selon sa propre expression.
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) Cercle des couleurs 1839 illustration de
La loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), chimiste Français qui fut directeur de la Manufacture des Gobelins et s’intéressa de près à la fabrication de colorants, publie en 1839 De la loi du contraste simultané des couleurs et de l’assortiment des objets colorés, qui influencera Eugène Delacroix, George Seurat et le Néo-impressionnisme, Robert Delaunay et le Cubisme orphique. Pas un ouvrage traitant de la couleur n’est publié depuis une dizaine d’années sans s’y référer.
Ayant remarqué que certaines couleurs ne produisaient pas l’effet attendu, selon les couleurs voisines, il énonce deux principes : « Lorsque l’œil perçoit en même temps deux couleurs avoisinantes, elles paraissent aussi dissemblables que possible, tant du point de vue de la composition optique que de leur valeur tonale » et « Dans l’harmonie des contrastes, la composition complémentaire est supérieure à toutes les autres ».
Aristote déjà notait que le même ton violet paraissait différent selon qu’il était déposé sur un fond noir ou blanc. L’influence réciproque des couleurs avait été constatée par Léonard de Vinci. Goethe dans le Traité d’Optique qu’il fit paraître en 1810 illustre ces influences à la fin de son ouvrage. Un même rouge, vu simultanément sur un fond jaunâtre et sur un fond violet, semblera tirer vers le rouge foncé dans le premier cas, vers l’orange dans le second. Delaunay appliquera cette propriété dans ses Écrans Simultanés.
Ce que l’on appelle communément couleur est le résultat sensible de trois composantes qui peuvent se modifier sous l’influence d’un environnement coloré différent : la luminosité, la teinte et la nuance. Une même couleur paraîtra plus claire sur un fond sombre, plus foncée sur un fond clair : un rouge pur paraîtra plus rouge sur un fond jaunâtre, plus jaune sur un fond rougeâtre ; un rouge grisé paraîtra plus coloré (moins gris) sur un fond gris que sur un fond riche en couleurs.
Cette observation, et sa formulation, constituent une révolution dans l’histoire des idées concernant la couleur : ce que Goethe en raison de ses présupposés idéologiques n’avait pu concevoir clairement, Chevreul l’énonce avec la simplicité d’un ingénieur soucieux d’organiser efficacement sa production de teinture de laine.
Les conséquences de ces découvertes sur le choix des coloris de voisinage ne vont intéresser en pratique que peu de peintres. La manière dont ils ont systématisé, pris conscience du phénomène va cependant déterminer au moins chez Seurat toute son évolution stylistique. Bien entendu nombre de peintres ont intuitivement respecté les règles énoncées par Chevreul. Une couleur donnée confère à une couleur avoisinante une nuance complémentaire dans le ton. Ainsi, les complémentaires opposées s’éclairent mutuellement mais les couleurs non-complémentaires paraissent altérées, ternies, comme lorsqu’un jaune placé près d’un vert prend une nuance violette.
Pissarro en 1877 cerne ses toiles de cadres blancs qui n’altèrent pas les valeurs de ses couleurs. En 1880, il choisit des cadres colorés afin qu’à la couleur dominante de ses tableaux réponde leur complémentaire.
L’almanach du Blau Reiter achevé en 1911, paraît en 1912, après deux expositions du mouvement qui ont pour but de « montrer dans la diversité des formes représentées, comme le désir intérieur des artistes se concrétise diversement ». Les critiques attaquent vigoureusement Kandinsky, ce qui n’arrête pas son évolution : peu à peu ses compositions deviennent de pures constructions de formes et de couleurs. Il se dit animé par une « nécessité intérieure » qu’il justifie dans un essai sur l’anthroposophie du philosophe autrichien Rudolph Steiner, auteur de la préface d’une réédition de de la Théorie des Couleurs de Goethe. De plus en plus détaché des éléments figuratifs, l’aquarelle devient son champ d’expérimentation technique de l’abstraction ; se défaire de « l’objet » dans ses peintures à l’huile lui demandera plus de temps.
Franz Marc, né à Munich, étudia la philosophie et la théologie avant de se tourner vers la peinture de paysages et d’animaux dans un premier temps. Le retour prévu de la comète de Halley en 1910 est sans doute à l’origine de la présence dans un dessin de 1906 de ce météore dont la venue était attendue et préparée, voire redoutée. Des prédictions apocalyptiques se fondèrent sur la croyance que la terre allait passer à travers la queue de la comète. On ne peut y voir l’exemple de son observation, qu’il entraînait au cours de longues promenades en Bavière, intégrant la dimension céleste, préoccupé de rendre la vision de l’animal même qu’il allait peindre, par empathie : « en nous immergeant dans l’âme de l’animal, nous pouvons éprouver ses propres potentialités visuelles ». Dans sa perception animiste de la nature, il recherchait « une communion panthéiste avec la vibration et le flux du sang de la nature, dans les arbres, dans les animaux, dans l’air… ». Les animaux possédaient leur part de divin, tandis que l’humanité avait perdu depuis longtemps la sienne. Il échafauda une théorie du symbolisme des couleurs et de leurs combinaisons, ce qui le rapprocha de Kandinsky avec lequel il fonda en 1911 le Blau Reiter.
Ensemble ils vont animer le mouvement le Cavalier Bleu, de 1911 à 1914. Il écrit dans le Manifeste du groupe : « L’art s’engage aujourd’hui dans des voies que nos ancêtres ne pressentaient pas ; on entend les Cavaliers de l’Apocalypse galoper dans l’air ; toute l’Europe est saisie d’un émoi artistique… ». Marc et Kandinsky rencontrent Klee en 1911, puis Delaunay, l’année suivante. Franz Marc inclut le ciel dans ses compositions, séduit par la conception du peintre français d’un univers constitué de lumière.
Dans l’un de ses carnets Franz Marc écrit « quelle étroitesse d’esprit, quelle convention dépourvue d’âme, nous portent à placer un animal dans un paysage tel que nous le voyons, alors qu’en nous immergeant dans l’âme de cet animal, nous pouvons deviner ses propres horizons ».
Franz Marc (1880-1916) Chevaux noir et blanc dans un paysage montagneux avec arc-en-ciel 1911 Graphische Sammlung, Albertina, Wien
Le jaune, couleur aimable, chaleureuse et sensuelle symbolise la féminité tandis que le bleu, couleur spirituelle et intellectuelle symbolise la masculinité. Peinte en 1913, l’infortunée région du Tyrol reflète la désolation provoquée par les guerres des Balkans ; dans la partie inférieure gauche de la toile, le symbole anthropomorphe de la frontière austro-hongroise sanglote. Un cimetière, des chevaux faméliques, font pendant à l’oiseau et à l’arc-en-ciel multicolores.
Franz Marc (1880-1916) Le long cheval jaune 1913 non localisé
Efflanqué comme la carne qui a inspiré Waiting for death à Thomas Bewick, sa dernière oeuvre, le long cheval jaune
Franz Marc (1880-1916) Réconciliation 1912 Sprengel Museum Hanover Franz Marc (1880-1916) Cheval bleu avec arc-en-ciel 1913 The Museum of Modern Art, New York John S. Newberry Collection La terre et le ciel sont unis par des traits lumineux, comme dans le Cheval bleu avec arc-en-ciel, qui date de 1913 et prophétise l’apparition d’une nouvelle génération d’artistes qui aura oublié les vieilles fables sur lesquelles sont construites les représentations du monde, et y reconnaîtra de nouvelles formes, en finissant avec une vision externe de l’univers, pour l’observer « à l’intérieur et au-delà ». L’artiste voit avec ses connaissances, son savoir. L’arc-en-ciel double unit le ciel et la terre, des formes surgissent traversées par de larges rais lumineux, évocateurs de phénomènes sonores, d’ondes incurvées dans lesquels la matière apparaît fragilisée, et seul le cheval dans une attitude inquiète conserve une certaine consistance. Engagé dans le conflit de la première guerre mondiale, Franz Marc aura l’occasion d’accentuer sa perception dématérialisée de la nature, décrivant un paysage littéralement explosé dans ses dessins croqués du fond d’une tranchée, avant d’être tué près de Verdun en 1916. La parenté des constructions de certains de ces dessins et du cheval bleu avec arc-en-ciel est remarquable. Carlo Carrà (1881-1966) le cavalier rouge 1913 Pinacothèque du château Sforza, Milan Cette oeuvre se situe dans le prolongement d’un travail précédent, Les cavaliers de l’Apocalypse (1908), sans allusion aucune au Blau Reiter. Carlo Carrà expérimente dans le champ du futurisme la représentation du mouvement tout en conservant des références divisonnistes sur le plan stylistique, et religieuses sur le plan thématique. Résolument interventionniste, il participe l’année suivante à la rédaction du manifeste Sintesi Futurista della Guerra (1914), glorification de la guerre « qui est pour nous la seule hygiène du monde ». Puis il abandonne le mouvement et s’adonne à une « peinture métaphysique ». L’arc-en-ciel, cet emblème pacifique, n’est pas intentionnellement figuré dans cette composition belliqueuse, mais la confrontation du Cavalier rouge avec les oeuvres contemporaines de Franz Marc, la Tour des chevaux bleus et surtout le Cheval bleu avec arc-en-ciel réalisés la même année 1913 révèle une similitude formelle surprenante. Franz Marc (1880-1916) La Tour des Chevaux Bleus 1913 Reproduction dans The romantic spirit in german art 1790-1990, Thames and Hudson. Exposée dans la Galerie Nationale de Berlin jusqu’en 1937, la Tour des Chevaux bleus fut en compagnie de cinq autres œuvres du peintre transportée à Munich à l’occasion de l’exposition de l’Art Dégénéré, ce qui provoqua d’énormes protestations et Hitler serait intervenu lui-même pour ôter toutes les œuvres de Franz Marc de cette manifestation. Depuis nul ne sait ce qu’est devenu ce tableau – officiellement. Franz Marc (1880-1916) Cheval bleu, Maison rouge et Arc-en-ciel 1913 Ahlers collection Le 15 Octobre 1913 Franz Marc adresse à Paul Klee cette aquarelle que deux vers complètent : Ein Haus, ein Pferd, ein Bogenregen Das muss so stehn Reimes wegen Vassili Kandinsky (1866-1944) Cossacks 1910-1911 huile sur toile 94 x 130 cm Tate Gallery, London Vassili Kandinsky (1866-1944) Cossacks 1910-1911 huile sur toile 94 x 130 cm Tate Gallery, London
Floch, J.M., 1985, "Composition IV de Kandinsky", in Petites Mythologies de l'oeil et de l'esprit, Paris-Amsterdam, Hadès-Benjamin (trad. it. "Semiotica di un discorso plastico non figurativo", in Corrain, L. - Valenti, L., 1991, Leggere l'opera d'arte, Esculapio, Bologna). Nous donnons la traduction de la version anglaise du texte, un modèle de galimatia tautologique :
"This feeling provides a contrast that enhances the impact of Composition IV, a maelstrom of swirling colors and soaring lines. The painting is divided abruptly in the center by two thick, black vertical lines. On the left, a violent motion is expressed through the profusion of sharp, jagged and entangled lines. On the right, all is calm, with sweeping forms and color harmonies. We have followed Kandinsky's intention that our initial reaction should result from the emotional impact of the pictorial forms and colors. However, upon closer inspection the apparent abstraction of this work proves illusory. The dividing lines are actually two lances held by red-hatted Cossacks. Next to them, a third, white-bearded Cossack leans on his violet sword. They stand before a blue mountain crowned by a castle. In the lower left, two boats are depicted. Above them, two mounted Cossacks are joined in battle, brandishing violet sabers. On the lower right, two lovers recline, while above them two robed figures observe from the hillside. Kandinsky has reduced representation to pictographic signs in order to obtain the flexibility to express a higher, more cosmic vision. The deciphering of these signs is the key to understanding the theme of the work. An awareness of Kandinsky's philosophy leads to a reading of Composition IV as expressing the apocalyptic battle that will end in eternal peace. Composition IV works on multiple levels: initially, the colors and forms exercise an emotional impact over the viewer, without need to consider the representational aspects. Then, the decoding of the representational signs involves the viewer on an intellectual level. I find that I can no longer view Composition IV without automatically translating the imagery to representational forms. Yet this solving of the work's mysteries does not draw the life from it; rather, the original emotional impact is strengthened in a new way".
" ... Ce sentiment fournit un contraste qui augmente l'impact de composition IV, un maelstrom de couleurs tourbillonnantes et de lignes montantes. La peinture est divisée abruptement au centre par deux épaisses lignes noires verticales. Du côté gauche, un mouvement violent est exprimé par la profusion des lignes pointues, déchiquetées et entremélées. Du côté droit, tout est calme, avec des formes fluides et des harmonies colorées. Nous avons suivi l'intention de Kandinsky, selon laquelle notre réaction initiale devrait résulter de l'impact émotionnel des formes et des couleurs imagées. Cependant, une inspection plus minutieuse fait apparaitre comme illusoire l'abstraction apparente de l'oeuvre. Les lignes de démarcation sont réellement deux lances tenues par les Cosaques coiffés de rouge. À côté d'eux, un troisième Cosaque à la barbe blanche s'appuye sur son épée violette. Ils se tiennent avant une montagne bleue couronnée par un château. Dans le coin gauche inférieur, deux bateaux sont dépeints. Au-dessus d'eux, deux Cosaques chevauchant sont engagés dans une bataille, brandissant les sabres violets. Dans le coin droit inférieur, deux amoureux reposent, tandis qu'au-dessus d'eux, deux figures revêtues d'une robe observent depuis le flanc du coteau. Kandinsky a réduit la représentation à des signes pictographiques, afin d'obtenir une flexibilité permettant d'exprimer une vision plus élevée et plus cosmique. Le déchiffrement de ces signes est la clef pour comprendre le thème de l'oeuvre. La connaissance de la philosophie de Kandinsky conduit à une lecture de composition IV comme l'expression du combat de l'apocalypse qui s'achèvera dans la paix éternelle. La composition IV travaille sur des niveaux multiples : au commencement, les couleurs et les formes exercent un impact émotionnel sur le visionneur, sans besoin de considérer les aspects représentatifs. Puis, le décodage des signes représentatifs implique le visionneur à un niveau intellectuel. Je constate que je peux plus regarder la composition IV sans traduire automatiquement le langage figuré en formes représentatives. Pourtant cette résolution des mystères de l'oeuvre n'en extrait pas la vie ; en revanche, l'impact émotionnel original est renforcé d'une manière nouvelle" ;.
Les arcs-en-ciel de Vassili Kandinsky, comme ceux de Franz Marc ou certains de Robert Delaunay, ne sont pas conformes, déformés par les contraintes de la composition, multicolores chez Marc sans aucun souci du respect du spectre, tricolores chez Kandinski, et volontiers rouge-jaune bleu (Gelt-Rot-Blau est l’une de se oeuvres maîtresses). Célestes chez Marc, ou dans Twilight de Kandinski, ils participent au rayonnement cosmique dont la description scientifique récente fascine les peintres de cette génération. Ailleurs chez Kandinski, ils sont ancrés dans le paysage; où l’on retrouve la notion du pont arc-en-ciel, de la passerelle mystique entre le terrestre et le spirituel.
Rejeton de grands bourgeois moscovites, Vassili Kandinsky s’engage d’abord dans des études de droit. En 1889 il est envoyé en mission dans le gouvernement de Vologda, où l’architecture paysanne et l’art folklorique l’intéressent autant que l’étude du droit coutumier, but officiel de sa mission. Il dira de la première fois où il pénétrera dans une isba, au cours de ce même voyage : « devant
Vassili Kandinsky (1866-1944) Murnau-Paysage avec arc-en-ciel 1909 LenbachHaus Munich
les images populaires aux couleurs vives et primitives qui ornent les murs, c’est comme si on entrait dans la peinture… ». Une autre révélation décisive fut celle de la « meule de foin » de Monet (1895) devant laquelle il « sentait sourdement que le sujet ou l’objet manquait dans cette œuvre ». Il renonce peu à peu à la carrière juridique et lorsque la chaire de professeur à l’université de Dorpat lui est offerte, il démissionne pour se consacrer à la peinture. Il arrive à Munich à la fin de l’année 1896 et s’inscrit à l’école Azbé, dont les cours de dessin ne le passionnent pas. Il travaille seul quelques temps, à l’étude de paysages, avant de suivre les cours de Franz Stuck à l’Académie en 1900 : ses couleurs « extravagantes » lui valent de vives critiques du Maître.
En 1901 il fonde le groupe « Phalanx », dissout trois ans plus tard ; pour sa première exposition il crée une affiche dans l’esprit du « jugendstil » qui règne à Munich . L’année suivante il enseigne l’Art : parmi ses élèves se trouve Gabriele Munter qui sera sa compagne jusqu’à la déclaration de guerre en 1914. Le couple entreprend de nombreux voyages : Venise, puis Odessa et Moscou ; enfin ils séjournent une année entière près de Paris, à Sévres. Pendant cette période Kandinsky cherche sa voie, exécute de mémoire ses paysages dans son atelier, peintures « romantiques » dont l’inspiration moyenâgeuse et russe se retrouve dans ses bois gravés.
De retour à Munich, en 1908, il décide de s’installer à Murnau avec Gabriele, et découvre par hasard l’abstraction : « Beaucoup plus tard, déjà à Munich, dans mon atelier, je restai sous le charme d'une vision inattendue. C'était l'heure du crépuscule naissant. J'arrivais chez moi avec ma boîte de peinture après une étude, encore perdu dans mon rêve et absorbé par le travail que je venais de terminer, lorsque je vis soudain un tableau d'une beauté indescriptible, imprégné d'une grande ardeur intérieure. Je restai d'abord interdit, puis je me dirigeai rapidement vers ce tableau mystérieux sur lequel je ne voyais que des formes et des couleurs dont le sujet était incompréhensible. Je trouvai aussitôt le mot de l'énigme: c'était un de mes tableaux qui était appuyé au mur sur le côté. J'essayai le lendemain de retrouver à la lumière du jour l'impression éprouvée la veille devant ce tableau. Mais je n'y arrivai qu'à moitié: même sur le côté je reconnaissais constamment les objets et il manquait la fine lumière du crépuscule. Maintenant j'étais fixé, l'objet nuisait à mes tableaux ». Regards sur le passé, p. 109
Il oriente désormais ses recherches de manière à conférer à la couleur sa fonction expressive propre. Il participe à l’exposition organisée à Dresde par Die Brücke en 1909 et la même année prépare avec Franz Marc l’almanach du Blaue Reiter. Sur le choix de ce symbole, Kandinsky livre une explication : « Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité . Mais c'est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l'artiste à de hauts sommets avec vigueur et rapidité. Mais c'est l'artiste qui maîtrise son talent. C'est ce qui constitue l'élément conscient, calculateur, du travail - qu'on le nomme comme on voudra ». Les psychanalystes se régalent, le couple cavalier/cheval figure la relation entre le conscient et l’inconscient.
La parution du Spirituel dans l’art marque l’aboutissement d’une réflexion sur un système des couleurs et sur la fonction de l’œuvre d’art et de l’artiste. Pour commencer un nombre fini de couleurs élémentaires sont désignées : jaune, bleu, blanc, noir, rouge, vert, orangé, violet ; le gris occupant une place particulière dans la série. Puis leurs rapports de contraste sont fondés sur des couples d’opposition élémentaires chaud/froid, leurs propriétés optiques, perceptives, et leurs connotations morales et spirituelles. L’opposition du jaune et du bleu est celle du proche et du lointain, du centrifuge et du centripète, du terrestre et du céleste : elle génère un mouvement (on remarquera au passage que dans le système de Franz Marc le bleu est masculin ). Le contraste du blanc et du noir fige le précédent, le blanc représentant la naissance, le noir la mort. Le contraste entre le rouge et le vert tient compte de la signification du vert, mélange du jaune et du bleu. Le rouge est l’activité, l’agitation, la couleur chaude par excellence. Le vert est passif.
Le mélange des deux couleurs dont le contraste génère le mouvement, le jaune et le bleu, produit une couleur annulant cette différence de potentiel : le vert, synonyme de passivité ; tandis que le mélange du blanc et du noir produit le gris, l’immobilité. Le mélange du rouge et du vert fait apparaître un autre gris.
Vassili Kandinsky (1866-1944) Paysage à l’arc-en-ciel et aux figures 1908
Plus le gris est sombre, plus profond est le désespoir qu’il exprime. Les effets des couleurs sont intensifiés si la luminosité croît pour les couleurs chaudes et décroît pour les couleurs froides : si l’on éclaircit le jaune, l’effet centrifuge augmente, si l’on assombrit le bleu, l’effet centripète s’accentue.
L’ensemble est organisé selon une représentation circulaire, chaque couple d’opposition générant un champ de force : l’interaction de ces champs permet un mouvement perpétuel, suppose une potentialité de régénération, et s’accorde avec une vision non linéaire de l’histoire, comme dans toutes les religions non monothéistes. Kandinsky nonobstant ses origines orthodoxes russes était convaincu d’être la réincarnation d’un magot chinois. On conçoit l’effet hypnotique d’un tel système, comparable, dans sa prétention à englober toutes les manifestations de l’être tant matérielles que spirituelles dans une représentation ancrée sur une hiérarchie des couleurs, à l’astrologie ou à la numérologie.
Du spirituel dans l’art ne se borne pas à l’exposition d’une théorie des couleurs dont on saisit la filiation avec Goethe via Stirner, et qui offre des analogies avec les systèmes assez simple de Franz Marc et plus complexe de Klee. Ce traité est l’affirmation de la volonté de puissance de l’artiste, en l’occurrence Kandinsky lui-même, contre l’art pour l’art, en faveur de « l’autre Art », celui qui possède une force d’éveil prophétique. Suit dans l’exposé une vision dont l’imagerie et la langue renvoient aussitôt à la description du cas du président Shreber, aux écrits de Sacher-Masoch et à Nietzsche, ou plus simplement à la rubrique consacrée par le journal l’Équipe au Tour de France : « Les causes de la nécessité qui nous contraint à nous mouvoir vers le haut et vers l’avant à la sueur de notre front, à travers les peines, le mal et les tourments, restent inconnues. Lorsqu’une station est atteinte, et que la route est débarrassée de nombreuses pierres perfides, une main invisible vient méchamment y jeter de nouveaux blocs qui, parfois, recouvrent alors si complètement la voie qu’on ne la reconnaît plus. Immanquablement un homme surgit alors, l’un de nous, en tous points notre semblable, mais doué d’une mystérieuse puissance de « vision ». Il voit et montre la route. Il voudra parfois se débarrasser de ce don, qui souvent lui pèse comme une croix. Il ne le pourra pas. Malgré le mépris et la haine, il traîne à sa suite sur le chemin encombré, vers le haut, vers l’avant, le lourd chariot de l’Humanité. »
Les couleurs sont disposées en cercle, mais la place de l’artiste-visionnaire, nouveau Moïse (ainsi Beethoven, selon Kandinsky) est au sommet d’un Triangle, assez bon schéma de la vie spirituelle, animé d’un mouvement vertical ; en dessous de lui les artistes-prophètes chargés d’éduquer la masse répartie en sections du dit triangle, distribuent le pain spirituel à la foule. Au passage sont esquintés les athées, les républicains et les socialistes, les positivistes et les amateurs de l’art naturaliste. Kandinsky entreprend une croisade spirituelle contre la science matérialiste, pour une approche métaphysique d’un genre particulier, la théosophie. Héléna Petrovna Blavatsky (1831-1891) en est la grande prêtresse, et affirme que « le vingt-et-unième siècle sera devenu un Paradis en comparaison avec ce qui est aujourd’hui ». La fondatrice de la Theosophical Society réussit la performance d’attirer la fine fleur de l’Intelligentsia nord-américaine et russe : outre Kandinsky, les peintres Mondrian, Malévitch, le musicien Scriabine, les écrivains James Joyce, Yeats, D.H. Lawrence, T.S. Eliot, Henry Miller et même des scientifiques comme Thomas Edison, Camille Flammarion, et William Crookes fréquentent cette secte très sélecte.
Kandinsky oscille entre deux métaphysiques : un système cyclique dont les couleurs sont un modèle de représentation, mouvement perpétuel enraciné dans les mythes solaires et les religions panthéistes, dans le chemin emprunté par Goethe ; et un système linéaire dont l’eschatologie est variable, édénique selon la théorie théosophique, apocalyptique si l’on se réfère à la thématique du peintre. En ce qui concerne les couleurs, il s’inspire de Rudolf Steiner lui-même fortement influencé par le Traité des couleurs de Goethe qu’il a préfacé, accomodant le poète à la sauce anthroposophique. Les couleurs de l’arc-en-ciel sont au nombre de sept, il en ajoute cinq pour faire douze comme les tons de la gamme chromatique et les signes du zodiaque. L’enjeu est de réaffirmer l’unité du cosmos, dont la construction reproduit les mêmes lois gouvernant de manière analogue des registres différents.
Crookes, le physicien théosophe, trouve naturellement grâce à ses yeux, qui met en évidence des forces invisibles, fait une analogie entre le télégraphe sans fil et la télépathie, et invente le spinthariscope, lequel permet de révéler une sorte de scintillement autour des objets. Averti des découvertes des ondes radio par Herz et des électrons par Thomson, Kandinsky y décèle avec enthousiasme la trace d’un univers de forces invisibles, qui remplace la matière. C’est ainsi qu’il peut écrire : « une pierre est dissoute en air subtil devant mes yeux ».
En 1912 la galerie Der Sturm organise une rétrospective de son œuvre, à Berlin, la même année il publie son autobiographie « regard en arrière » et un recueil de poémes illustrés de six bois gravés, « sonorités ». En 1914, alors que la guerre éclate, Kandinsky rentre à Moscou où il enseigne à l’académie des Beaux-Arts. « Toute l’Europe est saisie d’un émoi artistique » écrivait Franz Marc ; avec une tonalité particulière en Russie, plongée dans la révolution, où les artistes rompent avec les canons de l’art académique, et doivent composer avec les nouvelles institutions qui entendent bien juguler cette fougue. L’avant-garde ne serait pas sans groupes de peintres ni manifestes : le Valet de Carreau, avec Michel Larionov et Natalie Gontcharova son épouse, le Suprématisme de Malévitch, participent de la Grande Utopie souhaitée par Kandinsky. En contrepoids, l’institution crée à l’intention de ce dernier l’Inkhouk et met en place une politique de la culture artistique dont le musée sera dirigé par le peintre de 1919 à 1920. Les contradictions ne tardent pas à se faire jour, l’émotion insaisissable et la nécessité spirituelle de Kandinsky ne peuvent s’acclimater au courant formaliste et matérialiste des nouveaux maîtres de l’art officiel de l’URSS, futurs constructivistes-productivistes. Les Larionov, fascinés par les théories physiques contemporaines, tentent de rendre sensibles les vibrations qui animent le monde : c’est la tendance rayonniste, dont Franz Marc apparaît un précurseur.
En 1921, Kandinsky retourne en Allemagne avec son épouse Nina de Andreevsky ; il est nommé professeur au Bahaus de Weimar où Lyonel Feininger et Paul Klee enseignent déjà. Une nouvelle période de son œuvre commence, le « géométrisme lyrique », dans laquelle il proclame son désir de « pénétrer dans la forme ». A l’approche de la seconde guerre mondiale, les Kandinsky s’installent à Neuilly. C’est le début de la « troisième période » : le compartimentage de la toile l’ammène à rapprocher certaines figures de l’idéogramme. Son influence sera perçue à travers la Nouvelle Abstraction dont il a ouvert la voie.
Vassili Kandinsky (1866-1944) Improvisation sur le thème du Déluge 1913 LenbachHaus Munich
Le thème du Déluge, et plus encore celui du Jugement Dernier, reviennent comme des leitmotiv dans l’oeuvre de Kandinsky.
Vassili Kandinsky (1866-1944) Jugement dernier 1910 Collection Helly Nahmad Vassili Kandinsky (1866-1944) Crépuscule 1917, Yekaterinburg Vassili Kandinsky (1866-1944) Dans le carré noir 1923 Solomon R Guggenheim Museum New York
Le premier carré noir sur fond blanc fut exposé par Malévitch en 1915 ; l’inventeur du Suprématisme avait une conception bien particulière de la lumière : « Dans le Suprématisme, la lumière disparaît complètement, comme l'obscurité, laissant cette dernière aux instructeurs idéologiques qui se sont assemblés pour embrumer et aveugler le peuple avec la lumière du savoir. »
Vasilli Kandinsky raconte que dès l’âge de trois ans, il voyait les couleurs se détacher des objets. Caressant le violon comme Ingres, fasciné par la puissance émotionnelle de la musique, il écrit en 1907 Der Gelbe Klang, le son jaune, associant musique, poésie, théâtre et jeux de lumière. En 1911, il entreprend une correspondance avec Arnold Schönberg (1874-1951), théoricien de l’atonalité. Ce don que bien des artistes ont revendiqué, est appelé synesthésie depuis 1865. De tous les synesthètes, et bien que jamais il ne s’en prévalut, Arthur Rimbaud fut sans doute l’un des plus célèbres.
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre : E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles,
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtissemés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime au grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
« J'avais été damné par l'arc-en-ciel. Le Bonheur était ma fatalité, mon remords, mon ver : ma vie serait toujours trop immense pour être dévouée à la force et à la beauté. Le Bonheur ! Sa dent, douce à la mort, m'avertissait au chant du coq, - ad matutinum, au Christus venit, - dans les plus sombres villes ».
Arthur Rimbaud (1854-1891)
Illuminations, « Après le déluge », Mercure de France, 1958, p. 211.
Une saison en enfer Délire II-Alchimie du verbe
Aussitôt après que l’idée du Déluge se fut rassise,
Un lièvre s’arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
après le Déluge
Fig 515 a: couverture de la Revue
n° 318 de janvier 1888 « les Hommes d'aujourd'hui », dessinée par Manuel Luque
Illustration du poème « Voyelles » d’Arthur Rimbaud-rainbow, où certains voulurent reconnaître un manifeste de la Synesthésie. La biographie de Rimbaud par Pierre Petitfils, remet les pendules à l’heure : Ernest Cabaner, pianiste excentrique et tuberculeux, dont Verlaine disait qu’il lui faisait penser au Christ après trois ans d’absinthe, dispensa quelques rudiments de musique à Rimbaud à l'hôtel des Etrangers, quartier général du Cercle Zutique. Le musicien-barman avait une marotte, le chromatisme musical : à chaque note il attribuait une couleur. Cabaner fréquentait Manet, qui fit son portrait, Cézanne, Renoir, et mit en musique des poèmes de Jean Richepin, Théodore de Banville, Charles Cros, Baudelaire ... Il dédia à son élève le Sonnet des sept nombres, où les notes sont colorées comme les voyelles de Raimbaud et où sons, voyelles, couleurs se répondent comme chez Baudelaire ( fig 515b ).
fig 515b : Ernest Cabaner (1833-1881) Sonnet des sept nombres
Fig 516a : Martin Cureau de la Chambre
illustration des Nouvelles conjonctures sur la formation de l’Iris
Fig 516b: Vassili Kandinsky (1866-1944)
Résonnance multicolore 1928
De très nombreuses tentatives d’élaboration de théories reposant sur une analogie entre la vue et l’ouie, les couleurs et les sons, la peinture et la musique sont recensées depuis l’antiquité. Cependant ne sauraient être confondus le clavecin oculaire du père Castel et le célèbre « les couleurs et les sons se répondent » de Baudelaire ; ni amalgamées les théories de Kircher et les analogies physiques permettant à Huyghens et à Euler d’amorcer la théorie ondulatoire de la lumière. Les systèmes de correspondance de Pythagore ou de Platon soumettent le nombre et les distances des planètes, les notes de la gamme diatonique, enfin le nombre et l’ordre des couleurs, à une même loi universelle censée régler l’Harmonie du cosmos.
Aux sons et aux couleurs Aristote ajoute les odeurs, entreprise renouvelée par Jérôme Cardan en 1550, qui fait se correspondre planètes, couleurs et senteurs, puis, vingt ans après, planètes, senteurs et intervalles sonores (Les livres de Hierome Cardanus, médecin milannois, intitulesz de la Subtilité, et subtiles inventions, ensemble de causes occultes, et raisons d’icelles. Traduis de latin et françoys par Richard le Blanc, Paris 1566). Martin Cureau de la Chambre en 1650 reprend la théorie d’Aristote revue à la seconde manière de Cardan. Polycarp Poncelet en 1755 combine les tons musicaux et les sensations élémentaires du goût. Kepler en 1618 associe planètes et motifs musicaux spécifiques ; Kircher étend les correspondances à la gamme chromatique, comme David Gottlob Diez en 1723.
Newton lui-même cède à la tentation analogique, reprise à l’identique par Lorenz Christoph Mizler en 1739, tandis que Johann Gottlob Krüger introduira une variation dans la dénomination des couleurs du spectre sans rien modifier du principe. Louis-François-Henri Lefébure adapte le systême du père Castel en 1789. Jusqu’à Erasmus Darwin, le grand-père de Charles, qui postule que les mêmes lois doivent gouverner les modalités du son et de la couleur. Il cite l’histoire de l’aveugle pour lequel la couleur écarlate était comme le son d’une trompette, observation rapportée par John Locke en 1690 et considérée comme le cas princeps de synesthésie (John Locke Essay Concerning Human Understanding).
Le premier synesthète à rendre compte de son aptitude fut un personnage doublement singulier, le leucaethiope Souabe Georg. Tob. Ludovico Sachs qui publia en 1812 son auto-observation et celle de sa sœur, albinos et synesthète comme lui. Son histoire est contée dans un autre ouvrage.(voir Histoire de l’albinisme).
D’’inombrables compositeurs classiques ou contemporains s’inspirent de notions picturales tandis que depuis plus de cent ans quelques peintres tentent de transposer dans leurs toiles des notions musicales. Certains musiciens modernes intégrent dans leurs spectacles des jeux de lumières colorées et de projections d’images de synthèse dont la forme varie en fonction de paramètres sonores, rythme, hauteur, timbres ….la transposition d’un mode dans l’autre étant toujours fondée sur un codage dont la complexité dépend des possibilités techniques. Ce qui n’a absolument rien de commun avec la synesthésie, le mélange des genres dans le domaine du spectacle étant vieux comme le monde.
Le sujet suscita un véritable engouement à la fin du dix-neuvième siècle, et l’on ne compte plus les publications qui traitèrent alors de la Synesthésie ; le thème est volontiers repris dans les salons français, anglais, allemands, italiens, chacun y allant de son expérience synesthésique, entre un tour de table chez les spirites et une séance d’hypnose. Sir Françis Galton, dans ses Inquiries into Human Faculty and its Development, publiées en 1883, précisa quelques caractéristiques de la synesthésie : les synesthètes percevant une couleur à partir d’un stimulus sonore la décrivent de manière complexe et imagée ; leurs perceptions sont singulières ; la synesthésie est fréquente chez les enfants ; enfin cette disposition est héréditaire. Puis la mode passa, et quelques observations furent publiées sans réveiller l’enthousiasme. Alexandre Luria, le célèbre neuropsychologue russe, décrivit un cas de synesthésie dans The Mind of A Mnemonist (1968), chez un sujet hypermnésique.
Le Champion de la Synesthésie contemporaine est certainement Richard E. Cytowic. Dans une démarche typiquement nord-américaine dans la forme, il requiert pour affirmer ce diagnostic les critères diagnostics suivants : la sensation synesthésique doit être involontaire et provoquée, projetée dans l’espace péri-personnel, durable et élémentaire, mémorisable, émotionnelle ; puis il différencie la métaphore, les figures de style, le symbolisme musical, et les conventions artistiques délibérées, de cette aptitude concernant environ une personne sur vingt-cinq mille.
La définition actuelle de la Synesthésie est remarquablement restrictive par rapport aux acceptions antérieures : elle ne survient que lorsqu’une stimulation d’une modalité sensorielle provoque directement une perception dans une autre modalité.
Pour ce qui est des associations pathologiques, les synesthètes souffrent rarement de dyscalculie majeure, mais la plupart éprouvent des difficultés dans le codage lexical-digital, confondent la droite et la gauche ; leur sens de l’orientation est volontiers peu développé ; chez quinze pour cent d’entre eux une histoire familiale de dyslexie, d’autisme, de déficit attentionel est retrouvée.
Cette présentation serait assez convaincante, guère plus déroutante que celle de certains autistes dotés de capacités phénoménales. Quels sont les rapports entre la synesthésie au sens de Cytowic et l’épilepsie dans sa variété réflexe? un synesthète sur cinq environ relate des expériences de déjà-vu, mais aucun n’est épileptique dans la littérature publiée. En revanche, la supercherie n’est plus très loin lorsque l’on considère la fréquence des rêves prémonitoires, d’un don de perception des mauvais présages, du don de guérir par empathie, voire des expériences de psychokinésie et jusqu’au voyages dans l’espace en compagnie d’extra-terrestres. La publication des observations par vagues, l’une à la fin du siècle avant-dernier, l’autre à la fin du siècle dernier, fait évoquer une contamination hystérique ; suspicion qu’auront bien du mal à dissiper les physiciens nucléaires attelés actuellement à la rude tâche de démontrer l’existence de connexions aberrantes unissant chez les synesthètes des zones du cortex cérébral dévolues à des modalités sensorielles différentes.
Paul Klee (1879-1940) Fugue en Rouge 1921 aquarelle
Felix Klee Collection, Berne, Switzerland.
Edward Munch (1863-1944) était sur la plage, mélancolique, au soir de sa vie ; contemplant le soleil qui se couchait à l’horizon du fjord. Quand soudain rapporte-t-il, « j’ai senti un cri traverser la nature ; c’était comme si je pouvais entendre le cri. J’ai peint cette image – j’ai peint les nuages en rouge-sang - les couleurs criaient ». Le Cri fut composé bien avant cette expérience, en 1893.
L’épouse de Munch publiera ses souvenirs sous le titre L’ arc-en-ciel .
Robert Delaunay (1885-1941) arc-en-ciel
« L'arc-en-ciel témoigne de notre position en raison des reflets qu'il conserve de la lumière pure, transcendante, et des résonances qu'il a retenues des accords de couleurs du plan inférieur terrestre ». « l'arc-en-ciel est le nœud de la culture religieuse... (il apprend à l'homme) le sens réel des liens qui unissent l'espace et le temps à l'éternité ». Lettres de Gleizes à Delaunay
Avec sa femme Sonia, Robert Delaunay (1885-1941) fut l’un des pionniers de l’abstraction. Pendant ses années de formation il assimile les expériences impressionnistes, le cloisonnisme de Gauguin à Pont Aven, Cézanne puis le cubisme. Le mouvement, la vitesse sont des notions dominantes parmi les thématiques soutenues par les tendances d’avant-garde qui fleurissent dans toute l’Europe en ce début du vingtième siècle, encouragées par les investissements croissants des collectionneurs et des organismes d’Etat : en dix ans se succèdent ou coexistent cubisme, expressionnisme, futurisme qui sont autant de décompositions du monde perceptif. Chaque tendance accentue un aspect particulier de la vision : perception des formes travaillée par les cubistes dans le prolongement de Cézanne et l’application des lois de la Gestalt ; perception des mouvements par les futuristes italiens.
L’impressionnisme avait été une réponse, une adaptation à l’invention de la photographie ; le futurisme de Balla est une intégration de ce qui caractérise le septième art, le cinématographe naissant : sur une toile coexistent plusieurs poses d’un geste en cours.
L’arc-en-ciel, exemple même de l’immobilité sur fond de nuages changeants, imperturbable dans sa forme et sa couleur selon que le temps s’écoule ou que l’observateur se déplace, n’est pas un motif retenu par les peintres futuristes, qui captent sur une même toile plusieurs moments d’un mouvement regardé, ni par les cubistes, qui mêlent sur la toile plusieurs moments du mouvement d’un regard sur un objet fixe.
Comme le peintre futuriste Giacomo Balla avait son poète Filippo Tommaso Marinetti, Delaunay rencontra Guillaume Apollinaire : ce dernier créa l’appelation « orphisme cubique » à l’intention de Robert et Sonia lors d’une conférence tenue en Octobre 1912 lors du Salon de la « Section d'or ».
La Grâce exilée
Va-t-'en va-t'en mon arc-en-ciel
Allez-vous-en couleurs charmantes
Cet exil t'est essentiel
Infante aux écharpes changeantes.
Et l'arc-en-ciel est exilé
Puisqu'on exile qui l'irise
Mais un drapeau s'est envolé
Prendre ta place au vent de bise
.
Guillaume Apollinaire, Calligrammes
Fig 519a : Robert Delaunay (1885-1941) L’air le fer et l’eau 1937 Art Gallery of Ontario, Toronto
Le titre de l’œuvre renforce l’idée d’une combinatoire dynamique, se référant à une théorie des quatre éléments revisitée, avec introduction du fer dont est constituée la tour Eiffel. Sous l’impulsion des multiples sources lumineuses les figures disparaissent dans le mouvement provoqué par la juxtaposition des formes élémentaires colorées.
L’ expression « orphisme cubique », sans lien aucun avec la philosophie du même nom, est inspirée du recueil de quatrains intitulé Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée publié par Guillaume Apollinaire en 1911 et illustré par des gravures sur bois de Raoul Dufy. On y trouve l’irrévérencieux
Le paon
En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.
Rien ne permet de comprendre en quoi la démarche des Delaunay justifiait une allusion au joueur de Lyre, fils d’Apollon et de Calliope. Le lyrisme ? Mais nulle trace de mélancolie dans le travail du couple de peintres le plus dynamique de l’histoire de l’art. Plus intelligible est la présence du poème Les Fenêtres du même Guillaume dans le catalogue de l’exposition de Robert Delaunay.
Natalia Gontcharova (1881-1962) Le Paon sous le soleil éclatant 1911
Huile sur toile 129 x 144 cm Galerie nationale Tretiakov
L'orphisme recouvre deux préoccupations : d'une part, un assouplissement de la discipline cubiste représentée par des artistes comme Gleizes, Metzinger ou même Marie Laurencin ; d'autre part, l'affirmation par Robert Delaunay du rôle fondamental de la couleur dans la pratique picturale. Apollinaire argumente cette thèse dans Die Moderne Malerei (Les poètes modernes, Der Sturm, février 1913) : « Delaunay croyait que si vraiment une couleur simple conditionne sa couleur complémentaire, elle ne la détermine pas en brisant la lumière, mais en suscitant à la fois toutes les couleurs du prisme. Cette tendance, on peut l'appeler l'orphisme ». En réalité, l'orphisme ne s'applique guère qu'à la peinture de Delaunay. La série des Fenêtres (1912) illustre ses recherches sur le pouvoir dynamique des couleurs. Avec la série des Disques et des Formes circulaires, il réalise pour la première fois des compositions abstraites ayant pour préoccupation majeure de n'utiliser que la couleur qui engendre la forme, la composition et le sujet.
A partir de 1912 Delaunay adopte une technique chromatique qu’il gardera jusqu’au bout ; avec la série des Fenêtres, il a dit-il « l’idée d’une peinture qui ne tiendrait techniquement que de la couleur, des contrastes de couleur, mais se développant dans le temps et se percevant simultanément, d’un seul coup ».
La couleur se suffit à elle-même, remplaçant tous les autres moyens picturaux (dessin, volume, perspective, clair-obscur), elle provoque la forme, la profondeur et même le sujet.
Il obtient une mobilité des couleurs par le voisinage, l’intensité et la superficie de celles-ci ; l’arc-en-ciel peut être compris comme une sorte de référent immobile, renforçant le mouvement parfois frénétique des autres éléments du tableau. Une autre source de mobilité est l’utilisation des contrastes en application des lois de Chevreul ; cependant nulle mystique n’est développée par le peintre; Il se définit par rapport aux découvertes des théoriciens de la perception, plus que par une symbolique des couleurs, lesquelles en soi sont porteuses de significations chez Franz Marc ou Kandinsky. Delaunay fonde sa technique sur les propriétés des couleurs perçues simultanément. S’il sacrifie lui aussi à la comparaison avec la musique, c’est pour distinguer un style musical qu’il compare à sa composition : la fugue en l’occurrence. En 1930 il s’attaque aux « formes circulaires », comme l’ont fait son épouse Sonia, August Macke, et Francisek Kupka.
Fig 520a : Robert Delaunay (1885-1941) Saint Severin no 5. L'Arc-en-ciel 1909
Huile sur toile, 58.5 x 38.5 cm Moderna Museet, Stockholm
Dans la série des Saint Séverin qui ouvre sa période cubiste, la lumière incurve les lignes des piliers et brise celles de la voûte et du sol : le titre de l’oeuvre est un jeu de mots, arcs enchevétrés au faîte de la voute de la doyenne des églises paroissiales situées sur la rive gauche de la Seine, fleuron du style gothique flamboyant.
Fig 520b : Robert Delaunay (1885-1941)
Fleurs à l’arc-en-ciel c. 1925
Collection privée
Paul Klee (1879-1940) ne pouvait, alors qu’il écrivait sur la couleur ou tenait conférence sur le sujet, escamoter l’arc-en-ciel, qu’il définit comme « une abstraction au sens de pureté de la couleur (conférence, le regard pensant, 1922). La mystique de Klee diffère sensiblement de la métaphysique de Kandinsky : néanmoins, pour éclaircir le mystère de l’arc, il pose comme principe premier, en bon néo-platonicien, qu’il existe une forme parfaite de ce qui nous parvient sous forme incomplète, superficielle; et comme principe second, en bon théosophe, que l’instinct artistique est la clé nous permettant d’entrevoir l’être cosmique depuis notre monde terrestre et derrière les apparences. Par chance, à la frontière des atmosphères terrestre et céleste, se trouve l’arc-en-ciel !
Situé à la limite des deux mondes, terrestre et spirituel, l’arc-en-ciel ne peut être totalement parfait : tout d’abord, Klee ne croit pas qu’il contienne sept couleurs, à regret car ce chiffre « lui convient bien », mais six ; d’autre part les couleurs y sont présentes sous forme linéaire, et non circulaire, le cercle étant l‘expression de la perfection. Enfin et surtout, la série des couleurs commence et finit en des points précis. Mais là encore, la chance qui a probablement accordé à Klee une disposition singulière des cônes de la rétine, lui fait voir une teinte violette aux deux limites de l’arc, un bleu violet et un rouge violet, qui sont comme deux moitiés d’une même couleur, et du même coup permettent de boucler la boucle et de déboucher sur l’infini, autrement dit l’éternité :
« nous quittons le règne humain, le domaine supra-animal, le domaine du pathos, de la tension, du matériel-animé, du règne intermédiaire incluant le repos et le mouvement, symbolisé par le triangle où les couleurs pures ne sont qu’à moitié chez elles. Nous libérons le pendule des lois de la pesanteur, nous le laissons fendre les airs pour qu’il accède au domaine des Dieux, au règne dynamique de l’élan, de la spiritualité, de la rotation parfaite et du mouvement total, symbolisé par le cercle où les couleurs pures sont véritablement chez elles.»
Et un peu plus loin : « le violet peut être mentionné comme le point d’impact de la force qui humanise et déforme les choses divines pour les révéler à l’être humain ». On imagine la rotation parfaite de Goethe dans sa tombe, étourdi d’aise autant qu’éperdu de reconnaissance.
Et pour conclure sur la formation de l’arc : « violence fut faite au cercle chromatique à l ‘endroit du violet. Brisé, le cercle se déroula et donna alors naissance à une série de points colorés qui forma l’arc-en-ciel. »
Herschel a découvert l’infra-rouge en 1800, Rittner l’ultra-violet en 1802, interdisant à jamais de réunir les extrémités du spectre autrement que par fantaisie. Mais qu’importent les lois de la physique pourvu que le principe fondamental de la théorie des couleurs de Klee, la notion de mouvement continu, puisse s’épanouir entre deux mouvements conjugués : l’un circulaire, l’autre pendulaire. Du premier dérive le triangle des couleurs primaires, qui devient une étoile élémentaire après inclusion des non-couleurs, le noir et le blanc.
Pas une référence à la théorie de Young, pas une allusion à la perception, alors que la Gestalt-theorie est en marche ; une méconnaissance étonnante des conceptions contemporaines de la lumière, sans parler de l’infra-rouge et de l’ultra-violet définis depuis plus de cent vingt ans et dont la seule évocation devrait faire réfléchir avant d’oser transformer un cercle en arc-en-ciel ; le texte de Klee mériterait par ses emprunts partiels et mal compris de figurer parmi les impostures intellectuelles dont Alain Sokal et Jean Bricmont ont dressé l’inventaire.
John Gage interprète ce texte comme le constat de la disparition du sens esthétique et symbolique de l’arc-en-ciel : même si l’on peut ne pas adhérer à la lecture qu’il propose de Klee, la conclusion de l’auteur de Couleur et signification est particulièrement bien venue et emporte la conviction qu’il faut désormais dire des messes pour le défunt météore, envoyé au purgatoire des symboles éculés et hors d’usage.
« Apprenez par cœur les formes que l’on rencontre dans la nature pour en jouer comme des notes d’une composition musicale. C’est pour quoi elles sont faites. La nature est un merveilleux chaos et il nous appartient d’y mettre de l’ordre et de le parfaire. » Max Beckmann, trois lettres à une femme peintre, conférences tenues à New-York et Boston au printemps 1948
De 1899 à 1903, Max Beckmann (1884-1950) se forme à l’académie de Weimar, puis voyage en France où il découvre la Piéta d’Avignon et le Retable d’Issenheim. En 1904 il s’installe à Berlin et expose à la Sécession en 1916, année où il obtient une bourse d’études pour Florence. Ses débuts le situent dans la lignée de « l’impressionnisme allemand ». Au moment où se développe l’expressionisme il adopte une distance significative .. La conscience qu’il a de la réalité se manifeste dans ses autoportraits (peints, dessinés, gravés) qui constituent une part capitale de son œuvre. A Berlin il connaît un certain succès, exposant chez Paul Cassirer en 1913.
En 1914 il s’engage comme infirmier dans le service de santé, dans l’idée d’apporter un témoignage à travers ses dessins de guerre ; il fait une dépression nerveuse, retrouve la vie civile en 1915. Après une phase mystique s’inspirant de la tradition du retable gothique son travail redevient plus formel, proche de Cézanne, des cubistes, dans les années 20 pendant lesquelles il séjourne en Italie et en France tout en enseignant à Franckfort. En 1933 il est destitué de son poste par les nazis. Sa thématique évolue vers l’illustration de mythes et de fables. Il vit à Amsterdam pendant la seconde guerre mondiale puis émigre aux Etats-Unis en 1947, enseigne à l’université de Washington, et à partir de 1949 à l’Art School de Brooklyn. Il recourt alors de plus en plus au symbolisme, réalisant des triptyques monumentaux et des compositions complexes peuplées de personnages mythologiques, de nus, et d’animaux évoquant un univers d’une froide cruauté.
L’arc-en-ciel n’est plus le lieu de l’harmonie, les bandes de couleurs sont disjointes, elles forment un pont déchiqueté dans le sens de la longueur, fragile passerelle désarticulée, impraticable, entre le monde terrestre et un ciel déserté.
Lavezzi, Élisabeth, «Le clavecin irisé. Le clavecin oculaire du père Castel et les Couleurs de l'iris de Cureau de la Chambre», Revue d'histoire littéraire de la France, 101, 2, mars-avril 2001, p. 327-339.
" Les philosophes les plus sensés ont mis la musique en parallèle avec l'Art de la Peinture ; par ce que l'on peut en juger par la disposition du dessin, l'ordre, les groupes,les contrastes, la perspective, le ton, la variété des couleurs,… enfin, toutes choses ensemble forment une harmonie qui a beaucoup de rapports à la Musique" écrivait, au XVIIè siècle déjà, le médecin et musicologue Pierre Bourdelot.
Grétry, quant à lui, estimait "que les sons graves ou bémolisés faisaient à ses oreilles le même effet que les couleurs rembrunies faisaient à ses yeux ; les sons aigus faisaient au contraire un effet semblable à celui des couleurs vives et tranchantes. Entre ces deux extrêmes se trouvaient toutes les couleurs qui sont en musique de même qu'en peinture."
Jules Renard commentaire à propos du cantique des cantiques
23 décembre.
Vu hier Antoine pour la première fois au Théâtre Libre. Il ressemble au médecin
de Barfleur. La Dupe d'Ancey.
-- Je trouve ça très bien, disait Roinard, parce que ça fait descendre un peu
plus bas le naturalisme.
Selon moi, des mots d'auteur mal préparés, pas vrais, des types trop tranchés,
un type de viveur qui est un voyou, des actrices qui remuent les poings comme
des lapins. Enfin, des couplets, toujours des couplets.
-- J'ai été très content de ma soirée, en somme, dit Roinard. Le Cantique des
Cantiques est une chose nouvelle. Avec Salomon derrière moi, je n'avais pas
peur, mais avec tout autre je n'aurais pas osé faire ça. Ma machine des parfums
qu'on a tant blaguée (blague de bon aloi !) m'est venue naturellement. Ça pue le
parfum dans le Cantique. Seulement, il m'aurait fallu un calorifère, tout au
moins un poêle, où ces parfums eussent pu cuire. Au lieu de ça, on m'a donné un
monsieur avec un vaporisateur dans une loge. D'ailleurs, quelle soirée ! Tout le
monde m'était hostile. Vous comprenez qu'on sentait là quelque chose de neuf.
J'ai peint les décors moi- même : j'en suis de 500 francs de ma poche...
- Quand vous auriez tant besoin de vous acheter un chapeau !
Victor Segalen
Les Synesthésies et l'Ecole Symboliste, 1902
Coll. Explorations, Paris Fata Morgana 1981, p. 31
Vorschule der Asthetik." 1876
Changeux communications cellulaires
Friedrich A. von Hayek l’Ordre sensoriel 1952
Bibliographie Synesthésies
l’Iliade, Homère
l’Eneide Virgile
Métamorphoses, Ovide.
Artur Rimbaud (1854-1891) Voyelles 1871
Arthur Rimbaud (1854-1891) Illuminations, « Après le déluge », Mercure de France, 1958, p. 211.
Arthur Rimbaud (1854-1891) Une saison en enfer Délire II-Alchimie du verbe
Arthur Rimbaud (1854-1891) après le Déluge
Ernest Cabaner (1833-1881) Sonnet des sept nombres
Verlaine
Charles Baudelaire
J.-K. Huysmans, 1848-1907 En Route, Charpentier 1899, p. 63
J.-K. Huysmans 1848-1907 A Rebours, Charpentier 1899, p. 63
1891 : mise en scène du Cantique des Cantiques par Paul-Napoléon Roinard,
Jules Renard commentaire à propos du cantique des cantiques 23 décembre. 1891
Helmholtz Théories harmoniques
Johann Wolfgang Von Goethe (1749-1832)
le Traité sur l’Optique 1810
Richard Wagner (1813-1883)
++++ rechercher Le journal du symbolisme Skira
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Flournoy :
Gabriel Tarde
James Clerck Maxwell ( 1831 - 1879)
Haeckel
Le Dantec,
Max Nordau (1849-1923) Entartung Dégénerescence, 1892
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Sir Françis Galton (1822-1911) Inquiries in Human Faculty and its Development 1883
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H. Beaunis et A. Binet: Sur deux cas d'audition colorée,
Binet et Philippe: Étude sur un nouveaux cas d'audition colorée,
A. Binet: Le problème de l'audition colorée. 1. Revue philosophique, Tome 33, 1892, S. 448-461, 2. Ibid, S. 461-464, 3. Revue des Deux Mondes, Tome 113, 1. Oct. 1892, S. 586-614.
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Gustav Theodor Fechner (1801-1887), Vorschule der Asthetik. 1876
John Stuart Mill (1806-1873) :
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Franz Brentano ( 1838-1917 )
Von Hornbostel ( 1877-1935) : Die Einheit der Sinne, 1927
Aristote sur les sens et le sensible
Manuscrit daté de 1347 Ibn Sina (Avicenna), De generatione embryonis.
Gerardus de Harderwyck Epitomata, seu Reparationes totius philosophiae naturalis Aristotelis. Cologne, Henricus Quentel, 1496
Plutarque. (v50-v125-) Des opinions des philosophes
XXI. D'ou est-ce que l'ame sent, & qu'est-ce que sa principale partie.
Thomas d’Aquin (12, commentaire au traité de l’âme )
Charles de Bouelles ( c. 14470-c. 1553 ) Liber de intellectu
Lorenz Oken (1779-1851)
Paul Broca (1824-1880)
Ptolémée ( c.90-c.168)
Platon
Platon le Timée ( c. 370 B.C.)
Platon Mythe d’Er, livre Xde la République :
Franchino Gaffurio ( 1451-1522 )
Polycarp Poncelet en 1755
David Gottlob Diez 1723.
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In 1550, Girolamo Cardanus expose un systême mettant en correspondance les couleurs, les saveurs et les planètes
Giuseppe Archimboldo ( 1527-1593 )
Johannes Kepler (1571-1630) Harmonices mundi 1618.
Athanase Kircher (1601-1680)
Ars magna lucis et umbrae publié en 1646
Athanase Kircher (1601-1680) Musurgia Universalis : Clavecin oculaire
Martin Cureau de la Chambre (1594-1675) Nouvelles observations et coniectures sur l'iris Paris: Jacques Langlois pour Pierre Rocolet, 1650.
Experimentum Crucis, 1672 :
Isaac Newton : correspondance entre les intervalles de la gamme diatonique et les couleurs du spectre; Philosophical Transactions
Pierre Bourdelot.
Jean le rond dit D’Alembert (1717-1783)
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
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Louis-Bertrand Castel, (1688-1751) L’Optique des Couleurs, fondée sur les simples observations, & tournée sur-tout à la practique de la peinture, de la teinture & autres arts coloristes, 1740.
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Nouvelles récréations physiques et mathématiques, contenant ce qui a été imaginé de plus curieux dans ce genre et qui se découvre journellement ; auxquelles on a joint les causes, leurs effets, la manière de les construire, et l'amusement qu'on en peut tirer pour étonner et surprendre agréablement / par M. Guyot : la musique oculaire
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Artur Rimbaud (1854-1891) Voyelles 1871
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Verlaine
J.-K. Huysmans 1848-1907
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Moritz von Schwind (1804-1871) L’arc-en-ciel c. 1860
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James Clerck Maxwell ( 1831 - 1879) :
Wilhelm Conrad Röntgen 1895
Henri Becquerel 1896
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Guglielmo Marconi 1900
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Henrietta Leavitt 1908
Edison 1878
Margaret Watts-Hughes
Chladni
Haeckel
Le Dantec,
William Crookes
Helena Petrovna Blavatsky ( 1831-1901
Max Nordau (1849-1923)
Victor Segalen, (1878-1919)
Sir Françis Galton (1822-1911)
F. Suarez De Mendoza:
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John Stuart Mill (1806-1873)
Spencer :
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Von Hornbostel ( 1877-1935) : Die Einheit der Sinne, 1927
Giuseppe Recco (1634-1695)
Nature morte aux cinq sens 1676
Huile sur toile collection privée
Jan the Elder Brueghel (b. c.1568, Bruxelles, d. 1625, Antwerpen) Le sens de la vue 1617 Oil on panel, 65 x 109 cm Museo del Prado, Madrid
Jan the Elder Brueghel (b. c.1568, Bruxelles, d. 1625, Antwerpen) Le sens du goût 1618 Oil on panel, 64 x 108 cm Museo del Prado, Madrid
Abraham Bosse (1602-1676) allégorie des cinq sens, l’audition Musée des Beaux Arts Tours
Anonyme Allégorie des cinq sens Dijon, musée Magnin
Dyck Philip van (1680-1753)
Les cinq sens, appelé jadis "Le Goûter »
Lille, musée des Beaux-Arts
Linard, Jacques (1600-45) Les cinq Sens, 1638 Louvre, Paris, France
Lubin Baugin (b. ca. 1610, Pithiviers, d. 1663, Paris)
Nature morte à l’ échiquier ( Les cinq Sens ) 1630 Musée du Louvre, Paris
Hans von Aachen, (1552-1616)
Les cinq sens
Jean Baptiste Oudry (1686-1755)
Les Cinq sens : Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon
Hans Makart (Salzburg 1840- Vienne 1884) Die Fünf Sinne
Juan Antonio de Frias y Escalante (1660 - 1665)
Triunfo de la Fe sobre los sentidos Museo del Prado, Madrid
Manuscrit daté de 1347 Ibn Sina (Avicenna), De generatione embryonis.
Gerardus de Harderwyck Epitomata, seu Reparationes totius philosophiae naturalis Aristotelis. Cologne, Henricus Quentel, 1496
Plutarque. (v50-v125-) Des opinions des philosophes
Thomas d’Aquin (12, commentaire au traité de l’âme )
Benozzo Gozzoli, Le triomphe de Saint Thomas d’Aquin c. 1470 et 1475
Die Sinne auf dem Weg zum Himmel und zur Hölle
Marten de Vos Allegory of the Seven Liberal Arts c.1590 Oil on oak panel, 147 x 200 cmPrivate collection
Charles de Bouelles ( c. 14470-c. 1553 )
Liber de intellectu
Lorenz Oken (1779-1851)
Paul Broca (1824-1880)
Pythagore
Ptolémée ( c.90-c.168)
Platon le Timée ( c. 370 B.C.)
Mythe d’Er, livre Xde la République
Franchino Gaffurio ( 1451-1522 )
par Léonard de Vinci
Jérôme Cardan ( 1501-1576) 1550,
Giuseppe Archimboldo ( 1527-1593 )
Johannes Kepler (1571-1630)
Harmonices mundi 1618
Archytas de Tarente (c. 428 - 350 B.C.)
Nicolas Copernic (1473-1543)
Frontispice de l’ouvrage d’Athanase Kircher (1601-1680)
Ars magna lucis et umbrae publié en 1646
Musurgia Universalis : Clavecin oculaire
Martin Cureau de la Chambre (1594-1675) illustration des Nouvelles observations et coniectures sur l'iris Paris: Jacques Langlois pour Pierre Rocolet, 1650.
Giambattista Pittoni (1687-1767) Monument allégorique à Isaac Newton (1727-29 Fitzwilliam Museum Collections Université de Cambridge
Experimentum Crucis, 1672 :
Isaac Newton : correspondance entre les intervalles de la gamme diatonique et les couleurs du spectre; Philosophical Transactions
Isaac Newton roue colorée musicale Optique, 1704,
Couleurs du spectre et notes musicales
Pierre Bourdelot.
Jean le rond dit D’Alembert (1717-1783)
Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Angelica Kauffman (1741-1807) Allégorie de la Peinture c. 1779
plafond de la salle du conseil , Somerset House Siège de la Royal Academy à Londres
Benjamin West, P.R.A. (1738 - 1820) Air ca. 1779
Huile sur toile 1093 X 1854 mm Royal Academy Londres
Junon flanquée d’un paon, couchée sur un nuage, frolée par un arc-en-ciel parfaitement newtonien
Joseph-Marie Vien (1716-1809) Venus blessée par Diomedes 1775
huile sur toile 159 x 204 cm Colombus Museum of Art, Ohio
Laurent Pécheux (1729-1821) Le conseil des dieux, c.1777-1783
salle du gladiateur, Villa Borghese, Rome
Bainbridge Bishop 1893
a souvenir of the color organ, with some suggestions in regard to the soul of the rainbow and the harmony of light
Wallace Rimington 1895
Quatorze ampoules de couleur dont l’intensité était modulée par le clavier
Les Flammes Chantantes, Georges Fredric Eugene Kastner, 1875.
Le Pyrophone
John Locke, (1632-1704)
Thomas Woolhouse (1650 - 1734 ),
Sachs, Georg. Tob Historia naturalis duorum Leucaethiopum auctoris ipsius et sororis ejus ; Salisbaci, sumptibus Bibliopolii Seiddiani : 1812 VIII-118 p. -8vo
Jozef Danhauser (1805-1845) Franz Liszt (1811-1886) jouant pour Rossini, Paganini, Victor Hugo, Alexander Dumas, George Sand (1804 - 1876) et Marie d'Agoult (1805-1876); 1840, Berlin, National Galerie
Rimsky-Korsakoff
Scriabine :
Amy Beach (1867-1944)
Edward Munch (1863-1944) Le Cri 1893.
L’almanach du Blau Reiter, 1911,
Franz Marc (1880-1916) Chevaux noir et blanc dans un paysage montagneux avec arc-en-ciel 1911 Graphische Sammlung, Albertina, Wien
Franz Marc (1880-1916) Le long cheval jaune 1913 non localisé
Franz Marc (1880-1916) Réconciliation 1912 Sprengel Museum Hanover
Franz Marc (1880-1916) Cheval bleu avec arc-en-ciel 1913
The Museum of Modern Art, New York John S. Newberry Collection
Carlo Carrà (1881-1966) le cavalier rouge 1913
Pinacothèque du château Sforza, Milan
Franz Marc (1880-1916) La Tour des Chevaux Bleus 1913
Reproduction dans The romantic spirit in german art 1790-1990, Thames and Hudson.
Franz Marc (1880-1916)
Cheval bleu, Maison rouge et Arc-en-ciel
1913 Ahlers collection
Vassili Kandinsky (1866-1944) Paysage à l’arc-en-ciel et aux figures 1908
Vassili Kandinsky (1866-1944) Ariel-Szene aus Faust II 1908
huile sur carton 41 x 33 cm Collection privée
Catalogue « Russische Kunst von Alexej van Jawlensky bis Alexandra Exter ». Galerie Art Focus, Zürich 2003
Vassili Kandinsky (1866-1944) Murnau-Paysage avec arc-en-ciel 1909
LenbachHaus Munich
Vassili Kandinsky (1866-1944) almanach der blau Reiter étude pour la composition IV
Vassili Kandinsky (1866-1944) Composition IV 1911 Oil on canvas, 159.5 x 250.5 cm (62 7/8 x 98 5/8 in); Kunstsammlung Nordrhein-Westfallen, Dusseldorf
Vassili Kandinsky (1866-1944) Cossacks 1910-1911 huile sur toile 94 x 130 cm
Tate Gallery, London
Vassili Kandinsky (1866-1944) Cossacks 1910-1911 huile sur toile 94 x 130 cm
Tate Gallery, London
Natalia Sergeevna Goncharova (1881-1962) Le cycliste 1913
Vassili Kandinsky (1866-1944)
Improvisation sur le thème du Déluge 1913 LenbachHaus Munich
Vassili Kandinsky (1866-1944) Crépuscule 1917, Yekaterinburg
Vassili Kandinsky (1866-1944) Dans le carré noir 1923
Solomon R Guggenheim Museum New York
Vassili Kandinsky (1866-1944) Résonnance multicolore 1928
Vassili Kandinsky (1866-1944) Contrasting sounds 1924
Paul Klee (1879-1940) Fugue en Rouge 1921 aquarelle
Felix Klee Collection, Berne, Switzerland.
Frantisek Kupka (1871 -1957) disques de Newton 1911-1912
Frantisek Kupka (1871 -1957) disques de Newton 1911-1912
Frantisek Kupka (1871 -1957) La gamme jaune 1907
Léopold Survage (1878 -1968) Rythme coloré
Léopold Survage Rythme coloré
Françis Picabia (1879-1953) Danses a la Source, 1912
New YorkMuseum of Modern Art
Johannes Itten (1898–Zurich, 1967), professeur au Bauhaus de 1919 à 1923
Die Begegnung, 1916
Gabrielle Münter (1877 - 1962).Portrait de Wassily Kandinsky 1906
Arnold Schoenberg Blue Self Portrait, 1910
Kandinsky, Schönberg, Der gelbe Klang 1912
Scriabine
Luigi Russolo (1885-1947) La musique 1911
Huile sur toile 220x140 cm Collection Estorick Londres
Luigi Russolo (1885-1947) L’art des bruits 1913
Luigi Russolo (1885-1947) intonarumori 1914
Carlo Carrà (1881-1966) La peinture des sons, bruits et odeurs Manifeste, 1913
Abel Gance, La légende de l’arc-en-ciel 1909
Abel Gance et Robert Delaunay, projet de réalisation d’orgues lumineuses
Robert Delaunay (1885-1941) Le manège de cochons (1906-1922)
Robert Delaunay (1885-1941) L’air le fer et l’eau 1937 Art Gallery of Ontario, Toronto
Robert Delaunay (1885-1941) Fleurs à l’arc-en-ciel c. 1925
Collection privée
Robert Delaunay (1885-1941) arc-en-ciel
Sonia Delaunay, Prismes électriques, Elément 6 sur 6
2,50 m x 2,50 m; huile sur toile, 1914 Centre Pompidou
Robert Delaunay (1885-1941) L’air le fer et l’eau 1937 Art Gallery of Ontario, Toronto
Giorgio de Chirico portrait prémonitoire d’Apollinaire
Natalia Gontcharova (1881-1962) Le Paon sous le soleil éclatant 1911
Huile sur toile 129 x 144 cm Galerie nationale Tretiakov Moscou
Frantisek Kupka (1871 -1957) disques de Newton 1911-1912
Robert Delaunay (1885-1941) Fleurs à l’arc-en-ciel c. 1925
Collection privée
Robert Delaunay (1885-1941) Saint Severin no 5. L'Arc-en-ciel 1909
Huile sur toile, 58.5 x 38.5 cm Moderna Museet, Stockholm
Paul Klee ( 1879-1940) illustration de Das bildnerische Denken ; conférence du 28 Novembre 1922 Die Ordnung auf dem Gebiet der Farben (Das Regenbogen als endliche Farbreihe /Die Skala der reinen Farben /Der spektrale Farbkreis)
John Gage colour and meaning
Paul Klee
Max Beckmann (1884-1950) L’arc-en-ciel 1942 collection privée
Richard E. Cytowic photographie
Perception spatiale du temps : la forme d’une semaine chez le compositeur Michael Torke
Exemples de localisation spatiale pour les pointures de chaussure, la taille, le poids, et la température corporelle d’après Cytowic, 2002
Paulesu et al 1996 ? étude en Rmf de synesthètes chromato-phonémiques
Weiss 2001 : Associating colours with people : a case of chromatic-lexical synaesthesia Peter H. Weiss1, N. Jon Shah1, Ivan Toni1, Karl Zilles1,2 and Gereon R. Fink1,3 illustration
Weiss 2005 : When visual perception causes feeling : Enhanced cross-modal processing in grapheme-color synesthesia illustration
Steven et al. 2006 : When visual perception causes feeling : Enhanced cross-modal processing in grapheme-color synesthesia : illustration
Ayahuasca
Test du Kiki-Booba de Wolfgang Köhler
Vladimir Nabokov (1899 –1977) photographie
Ecriture romaine, écriture cyrillique illustration
Peter Hancock 2006 illustration
Alexandre Luria (1902-1977) photographie